Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 mars 2024 2 19 /03 /mars /2024 11:13

La Maladie blanche – Les Éditions du Sonneur

 

Le bonheur d’une 1h15 de course à pied accompagnée du plaisir de découvrir un podcast de France Culture d’excellente qualité d’un des auteurs tchèques les plus connus, et qui serait à l’origine de l’invention du mot « robot »...

Une étrange pandémie ravage hommes et femmes de plus de 45 ans dans le monde entier. Une petite tache blanche de la taille d’une lentille puis un lent pourrissement du corps qui dégage une odeur pestilentielle, voilà le sort qui est réservé aux malchanceux touchés par cette nouvelle « lèpre ». Le docteur Galén a trouvé un remède qu’il ne réserve, pour l’instant, qu’aux indigents. Lorsqu’on le presse de révéler son secret, il n’émet qu’une seule condition : que les dirigeants du monde entier acceptent de conclure une paix éternelle. Evidemment, il en est hors de question, le Maréchal, dirigeant omnipotent en rit et le baron Krüg, principal fabriquant d’armes dans le pays, refuse catégoriquement. Les riches meurent donc pendant que les pauvres sont soignés et guéris dans la fameuse salle 13, jusqu’au jour où la maladie se propage même parmi les plus puissants.

Publiée en 1937, cette pièce de théâtre aurait pu être écrite hier tant elle est encore d’actualité. Il est question de choisir entre la paix et l’argent dans un monde où la guerre est une occupation primordiale pour les dirigeants. Magnifique pamphlet antifasciste écrit à l’heure où le nazisme avait le vent en poupe, il résonne et raisonne encore aujourd’hui. Simple, bref, efficace, ce texte édifiant est d’une limpidité remarquable, d’une force bouleversante et la vision utopiste et ô combien jouissive du Dr Galén devrait devenir un modèle dans le monde entier. L’excellente interprétation des comédiens donne une voix juste de cette critique du totalitarisme. Impressionnant.

« Dites-leur qu’ils sont déjà vieux, tous ceux qui dirigent les peuples. Dites-leur qu’ils vont pourrir vivants, comme ceux qui sont là. (...) en tant que médecin, j’ai le devoir de me battre pour chaque vie humaine, n’est-ce pas ? C’est simplement le devoir de tout médecin d’empêcher la guerre. (...) qu’ils renoncent à tout acte de violence et de guerre et je leur confierai le remède de la maladie blanche. (...) pourquoi ne pourrait-on pas abolir les armes ? pourquoi ne pourrait-on pas limiter les armements dans tous les états ? »

C’est un coup de cœur (je n’ai que des coups de cœur en ce moment, quelle veine !!), précitez-vous sur ce formidable podcast : 4 épisodes de 25 minutes chacun. A ne pas manquer !

Partager cet article
Repost0
15 mars 2024 5 15 /03 /mars /2024 14:36

Son odeur après la pluie - Cédric Sapin-Defour - LIBRAIRES DU SUD

Je suis clairement plus chats que chiens. J’ai toujours eu des chats et j’ai longtemps eu une peur bleue des chiens. Puis, à force de côtoyer des chiens souvent énormes qui m’ont paru plutôt très sympas, mon opinion et mes ressentis ont changé. J’en arrive aujourd’hui à me dire que j’aurai un chien, un jour. Donc, ce roman n’était pas forcément une partie gagnée d’avance pour moi.

Une petite annonce dans le journal de sa région, 74, décide le narrateur, Cédric, à adopter un chien. Il va d’abord rencontrer ce petit bouvier bernois (oui c’est un oxymore) et le coup de foudre est instantané. Il lui faudra cependant attendre un mois avant de l’adopter définitivement. La vie avec ce chien appelé Ubac est tout de suite une évidence, un bonheur du quotidien. Cédric emmène Ubac partout, sans laisse, l’aime et le gâte comme un enfant, apprend auprès de lui et s’épanouit un peu plus chaque jour. Il va rencontrer Mathilde qui va aimer Ubac à son tour et deux autres chiens vont s’ajouter à cette famille particulière. Evidemment, la vie d’un chien est courte et, après les immenses randonnées, les visites de routine chez le vétérinaire, les joies de tous les jours, vient le temps des inquiétudes, des maladies, et bientôt sonne la trompette de la mort.

Le pari est réussi, me faire adorer un roman qui ne parle que de chiens(s) ! Dès les premières pages, on s’identifie au narrateur et sa plume, magnifique, élégante, un brin ampoulée, nous emporte dans cette histoire d’amour entre deux êtres vivants. Tout paraît simple, évident et naturel. Pas un instant on ne doute de l’authenticité de cette relation si exceptionnelle entre un homme et son chien, ou entre un chien et son homme. L’écriture est d’une si grande beauté que les thématiques rebattues de fidélité de l’animal, d’enthousiasme, de fiabilité prennent de nouvelles couleurs chez cet auteur fou amoureux de la nature. Car il est aussi question de nature, celle qui est si intimement liée au chien, celle qui émerveille tellement Ubac ; celle qu’il va révéler, transcender et sublimer auprès Cédric. L’arrivée de deux autres chiens ne semble que compléter une osmose déjà lumineuse entre les êtres vivants de cette maison perdue dans les montagnes. Quelle déclaration d’amour, clamée avec des mots nouveaux, avec une vision optimiste sans être mièvre, d’une beauté à couper le souffle ! C’est un COUP DE CŒUR évidemment !

« Surfiler son existence de la présence d'un chien, c'est entendre que le bonheur façonne la tristesse, c'est mesurer comme le manque est mal soluble dans les mémoires aussi vastes et heureuses soient-elles, c’est accepter que chaque minute volatile soit vécue sept fois plus intensément qu’à l’habitude, c'est se cogner à ce séduisant et vertigineux projet de ne saboter aucun instant et de célébrer la vie de manière forcenée. »

« Nous nous regardons, aimantés, sans cligner, et ce jeu d’enfants où le premier baissant les yeux perd la partie, prétexte à tant d’idylles naissantes, débute pour ne s’achever qu’à la seconde où l’un d’entre nous les fermera pour toujours. »

« Ubac s’émerveille de tout, d’une chenille, du vent dans les arbres, de ce qu'on ne voit plus. Il ne laisse rien passer de ce qui pourrait lui animer la vie. Sa faculté à s'émerveiller est un antidote au désenchantement, elle n'exige aucun strass, c'est assez vital en somme, tous les grognons devraient passer une heure avec un chien. Il joue du matin au soir, avec tout et n'importe quoi, un lézard, un bouchon, un être imaginaire. »

« Vivre lui suffit. Un rien lui tient de lieu, d'instant, la constance ne lui rouille pas la vie car elle n'a pas lieu. Ubac porte ce don de faire de toute routine assommante vue de mes yeux capricieux, une expérience aimable et qui rend disponible. Refaire me lasse et lui le convainc. C'est quelque chose que de bien peindre le quotidien flairant çà et là ses menues variations, c'est une élégante attention portée à l'habitude et qui semble rendre le bonheur plus attrapable. Une vie que la tyrannie de l'insolite pourrait juger comme rabaissée aux ambitions petites, Ubac m'apprend qu'elle est en définitive la plus subtile de toutes et que s'acharner à fuir la banalité en est au final la forme la plus aboutie ; alors va pour le tour et le retour des trois rivières, ce traité d'impermanence et le grand bal des vies communes ! »

Partager cet article
Repost0
12 mars 2024 2 12 /03 /mars /2024 09:10

Les Forceurs de blocus de Jules Verne - Editions Flammarion

Sans le Book trip en mer de Fanja, je n’aurais peut-être jamais sorti ce roman de ma PAL.

Nous sommes en pleine guerre de Sécession, fin 1862, Le Delphin, un navire armé, s’apprête à quitter Glasgow pour rejoindre Charleston, en Caroline du Sud, pour forcer le blocus en échangeant des armes contre du coton. Le capitaine, James Playfair, accepte, à la dernière minute, d’accueillir à son bord un homme vigoureux du nom de Crockston qui est accompagné de son « neveu » de quinze ans. Peu après le départ, l’équipage se rend compte que Crockston n’est pas du tout marin et que son neveu... est en réalité Miss Jenny Halliburtt, fille d’un journaliste abolitionniste, qui a pour objectif sauver son père emprisonné à Charleston. Vite épris de Jenny, le capitaine Playfair va tout mettre en œuvre pour faire libérer Mr Halliburtt.

Court roman ou longue nouvelle, ce récit d’aventures de facture très classique est rondement et rapidement bouclé (au vu de sa brièveté). Une sorte de Comte de Monte-Cristo très condensé dont la lecture est fluide et agréable. J’ai cependant été un peu décontenancée par le rythme du récit qui commence doucement, accumulant les références au monde maritime (et mon édition destinée aux collégiens expliquait tous les mots en fin de livre, j’ai compté une cinquantaine de mots de vocabulaire marin... tout de même !), donc une première partie qui prend son temps, et une seconde bien plus rapide, à partir de l’arrivée à Charleston tout s’accélère : le stratagème de Crockston, la libération du père, l’histoire d’amour, le retour. Ce déséquilibre m’a un peu gênée, il est vrai, surtout qu’il est accompagné d’un happy end un peu trop prévisible. Je terminerai par exprimer ma perplexité pour un roman qui serait destiné aux 5e... pas sûre du tout qu’il plaise, sauf aux férus de navigation !

« Le Delphin filait rapidement ; il répondait aux espérances des constructeurs et du capitaine, et bientôt il eut dépassé la limite des eaux britanniques. Du reste, pas de navire en vue ; la grande route de l’Océan était libre. D'ailleurs, nul bâtiment de la marine fédérale n'avait le droit de l'attaquer sous pavillon anglais. Le suivre, bien ; l'empêcher de forcer la ligne des blocus, rien de mieux. Aussi James Playfair avait-il tout sacrifié à la vitesse de son navire, précisément pour n'être pas suivi. Quoi qu'il en soit, on faisait bonne garde à bord. Malgré le froid, un homme se tenait toujours dans la mâture, prête à signaler le moins la moindre voile à l'horizon. Lorsque le soir arriva, le capitaine James fit les recommandations les plus précises à Mr Matthew. »

Lecture commune avec Fanja que je remercie pour ce joli trip en mer ! Claudialucia a embarqué avec nous, nos avis à toutes les trois se rejoignent plutôt.

(vous avez vu, "de février à novembre", vous avez encore largement le temps de partir vous aussi en croisière !)

Partager cet article
Repost0
9 mars 2024 6 09 /03 /mars /2024 17:13

Les Indégivrables - Tome 3 - Les indégivrables - Le Grand Moi - Xavier Gorce  - broché - Achat Livre ou ebook | fnac

Les manchots sur leur banquise sont assez insupportables et arrogants et ils ressemblent étrangement à la communauté des humains. De nombreuses thématiques sont passées au crible de leur perception cynique : les riches et leur mauvaise foi, la notion de mérite, les rencontres, l’amour, la vie conjugale, le vote, l’écologie, les religions, le féminisme ou encore le hijab.

Le dessin est d’une simplicité enfantine, d’un minimalisme épuré, et pourtant, il fait mouche. Les petites phrases, les dialogues lapidaires et les remarques assassines vont dans le même sens : brièveté et efficacité. Xavier Gorce a longtemps publié ses planches dans Le Monde qu’il quitte en 2021. J’ai bien aimé découvrir ces petits nombrilistes, hautains et impertinents et j’ai souri plus d’une fois. C’est le 3e tome d’une série de cinq.

« Le problème de notre pays, c'est cette culture de l'échec. Alors pourquoi ne pas changer pour celle de la réussite ? Aaaaah mais attention : on y perdrait tout le plaisir de se plaindre ! »

« A défaut de savoir dessiner le futur, effaçons le passé. »

« Plus un type veut te faire saisir à quel point tu as besoin de Dieu, plus tu saisis à quel point ce type a besoin de toi. »

« En tant qu’extrémiste, je tiens à vous remercier, vous tous, les lâches et les idiots, sans qui nous ne serions rien. »

Indégivrables 2022 – Xavier Gorce

 le site de l'auteur

Partager cet article
Repost0
6 mars 2024 3 06 /03 /mars /2024 14:54

Continuer - Laurent Mauvignier - Minuit - Grand format - Librairie de Paris  PARIS

Sibylle est séparée de son mari Benoît et vit à Bordeaux avec leur fils Samuel. Samuel, un ado rebelle, file du mauvais coton jusqu’à une soirée où il cumule les emmerdes et les conneries (alcool, drogue, témoin passif d’une scène de viol). Sibylle, en souffrance elle-même dans une vie qui ne lui correspond plus, décide de revendre la maison familiale qui lui est si chère et d’emmener Samuel au Kirghizstan. A dos de cheval, ils vont parcourir des centaines de kilomètres, vivre une autre vie, se retrouver espère-t-elle. Et il ne devrait plus être question que de yourtes, de koumis, de chevaux, d'hospitalité kirghize. Samuel s’ouvre difficilement aux autres, il ne veut pas de ce voyage, s’emporte encore régulièrement même si de petites prises de conscience s’opèrent doucement... jusqu’au drame, une nuit où il fuit seul, à dos de cheval, et où Sibylle, folle d’inquiétude, part à sa recherche.

J’ai eu, pendant toute la lecture, une très forte impression de déjà lu mais nulle trace de ce roman dans mes archives... (j’ai pensé à un Olivier Adam qui y ressemblait, mais non). En tous cas, j’ai beaucoup aimé cette lecture addictive et à suspens, cette histoire d’amour entre une mère et son fils, d’une mère pour son fils ; cette tentative de reconquête qui paraît vaine les trois premiers quarts du roman ; le courage de cette mère dont le passé n’a pas toujours été heureux. C’est très romanesque, Mauvignier flirte avec le cliché pour finalement atteindre une certaine vérité dans la beauté de cette relation mère-fils et cette difficulté à connaître son propre enfant. Il y en aura eu des drames et des tragédies dans ce roman... Mais le voyage au Kirghizstan m’a plu et j’aime qu’on trouve des solutions insolites plutôt que se laisser dépérir dans son malheur. Pour résumer, un roman très fort et prenant même s’il tombe parfois dans la caricature.

Mes autres lectures de Mauvignier sont ici

« Ils se parlent peu, ils économisent leurs forces et se concentrent sur ce qu'ils ont à faire, ce qu'ils voient, ce qu'ils entendent, ce qu'ils ressentent. Les mots sont ici comme tous ces poids morts dont on se débarrasse parce qu'ils ne servent qu'à alourdir les bagages. Tous les jours, toutes les heures, d'autres occupations les attendent, tellement indispensables qu'ils y pensent même le soir, avant d'aller se coucher - trouver de l'herbe et de l'eau, un village, un campement où l'on pourra prendre des vivres. Mais tout tourne autour des chevaux. »

Lorsque Samuel fuit, une nuit : « mais ses hennissements, Samuel pense bien que sa mère ne les entendra pas, Samuel est fou et avec son cheval, il s'élance dans la nuit, personne n'entendra rien parce que tout le monde s'en fout, Samuel est comme un souffle imprévisible et sauvage, comme une ombre qu'on oublie parce qu’invisible, muette, trop secrète dans les ténèbres qui s'ouvrent. »

Partager cet article
Repost0
3 mars 2024 7 03 /03 /mars /2024 15:21

A la ligne, Feuillets d'usine de Joseph Ponthus (La Table Ronde) A la ligne

Feuillets d’usine

Le narrateur, éducateur spécialisé, a suivi son épouse dans l’ouest de la France où il ne trouve pas de boulot. Il se rabat sur les agences intérim et accepte tous les postes qu’on lui propose en usine : il va trier les crevettes, ranger et déballer toutes sortes de poissons (grenadiers, lieux, sabres, églefins, ...), de poissons panés aussi, égoutter du tofu, faire de la béchamel en quantité XXL, nettoyer un abattoir (il aura du sang jusque dans la bouche), déplacer les carcasses de porc et de vaches... S’il tient ce rythme infernal et abêtissant, c’est qu’il a en tête des poèmes, des chansons, des citations d’auteurs célèbres. Face à un collègue ivrogne et paresseux, aux chefs méprisants, il apprend à se taire et à se faire discret. Il ressent même une forme de contentement une fois la journée (ou la nuit) finie, se sent apaisé et compare le travail à l’usine à des séances de psy.

Le récit se distingue d’emblée par sa forme hybride : entre prose en poésie, sans aucune ponctuation, le style crée une fluidité très agréable. On est plongés dans le quotidien d’un ouvrier, de celui qui fait le sale boulot comme il y en a tant. Si on le savait abrutissant et bêtifiant à souhait, ce genre de travail répétitif et physiquement difficile assomme l’humain, le change un peu plus chaque jour, surtout s’il n’est pas intérieurement armé par une certaine culture. C’est un livre que j’ai adoré tant par cette forme originale que par cette perception accrue d’un quotidien sordide et des personnes croisées à l’usine. Pour avoir fait pas mal de jobs d’été pas très sympas, je me suis retrouvée dans pas mal de ces mots. Le temps qui se rallonge indéfiniment, les heures qu’on vomit tant elles sont longues, les collègues et les chefs, les pauses dont on savoure les secondes tout en sachant qu’elles sont trop courtes, le boulot aberrant... De l’auteur, on ne pourra plus rien lire puisqu’il est décédé en 2021, le récit en est d’autant plus touchant. Cette magnifique et « folle complainte de l’ouvrier d’aujourd’hui » (dixit François Busnel) est à lire sans aucune hésitation, d’un seul souffle.

-    Coup de cœur    -

Les balades avec le chien sont parfois un calvaire tant il est fatigué de sa journée (ou de sa nuit) de travail :

« L’usine bouleverse mon corps

Mes certitudes

Ce que je croyais savoir du travail et du repos

De la fatigue 

De la joie 

De l'humanité 

Comment peut-on être aussi joyeux de fatigue et de métier inhumain

Je l'ignore encore

Je croyais n'y aller

Que pour pouvoir te payer des croquettes

Le véto à l’occase

Pas pour cette fatigue ni cette joie »

 

« C’est ignorer jusqu'à l'usine qu'on pouvait

Réellement 

Pleurer

De fatigue

Ça m'est arrivé quelques fois

Hélas non quelquefois

Rentrer du turbin

Se poser cinq minutes dans le canapé

Et

Comme

Un bon gros gros gros point noir que tu n’avais pas vu et qui explose à peine tu le touches

Je repense à ma journée

Sens mes muscles se détendre

Et

Explose en larmes contenues

Tâchant d’être fier et digne

Et ça passera

Comme tout passe

La fatigue la douleur et les pleurs

Aujourd’hui je n’ai pas pleuré »

 

 

Partager cet article
Repost0
29 février 2024 4 29 /02 /février /2024 15:48

Dali tome 1

Quand j’étais ado, j’étais fan de Dalí et aller à Figueras à 18 ans avec les copines a été une jubilation.

Salavador Dalí est un jeune écolier très rêveur qui est capable de fixer le mur pendant des heures en cours. Portant les cheveux longs et des habits vieillots, il s’exclut lui-même des camarades de son âge. A la mort de sa mère, son père accepte qu’il quitte sa Catalogne natale et aille faire les Beaux-Arts à Madrid. Là-bas, il se démarque encore une fois par ses excentricités, son immense talent et sa passion pour Vélasquez. Grâce à ses deux nouveaux amis, et non des moindres, Federico Garcia Lorca et Luis Buñuel, il s’ouvre au monde, change de look et rêve de conquérir Paris. L’album se clôt sur la rencontre avec Gala, la femme d’Eluard.

Si je me réjouissais de découvrir ce début de biographie, j’en sors frustrée, non pas de n’avoir rien appris mais de ne pas avoir été passionnée par ce que j’ai lu. Certes, la part de rêve propre au courant surréaliste est bien présente et la plongée dans les années 20 est réussie mais un je-ne-sais-quoi m’a empêchée de m’attacher à ce Dalí jeune, un peu niais, agaçant et complètement à l’ouest (bon, il devait l’être, on est bien d’accord). Il y a cependant des passages drôles et cocasses comme la passion de Dalí pour les aisselles féminines épilées ou cette réincarnation en Méphisto, un chat machiavélique qui lui ressemble tant. J’ai aimé aussi la référence à Jérôme Bosch dont les points communs avec la peinture de Dalí ne sont plus à prouver. J’attends donc la suite de cette BD que je lirai évidemment, en espérant un peu plus d’audace et d’extravagance dans le dessin et dans le propos. (Je veux bien vos retours sur le film de Quentin Dupieux si vous l'avez vu.)

« La Catalogne a fait de moi son héros. Je suis le roi incontesté de Madrid. Maintenant autour de Paris... de succomber à Salvador Dali ».

Dali tome 1

Partager cet article
Repost0
26 février 2024 1 26 /02 /février /2024 09:51

La Femme qui fuit, Anais Barbeau-Lavalette | Livre de Poche

Le challenge Les classiques c’est fantastique du mois de février s’attaque à la « pile francophone », l’occasion pour moi de découvrir une autrice (et cinéaste) québécoise, nommée « Artiste pour la paix » en 2012. Ce roman, La femme qui fuit, a remporté de nombreuses récompenses en 2015 (mais je ne suis pas sûre que ce soit un « classique » oups)

La narratrice évoque sa grand-mère maternelle, Suzanne Meloche, née en 1926, au parcours particulier puisqu’elle a abandonné ses deux enfants, François et Manon dite « Mousse », respectivement âgés de un et 3 ans. Elle s’est séparée de leur père, Marcel, pour vivre sa liberté qu’elle a voulu totale. Elle a multiplié les conquêtes et les voyages : née au Canada, elle a très vite rejoint Montréal, puis l’Angleterre, puis New-York. Elle a participé au mouvement automatiste avant de se détacher de ce groupe d’artistes pour prendre part à la lutte contre la ségrégation raciale aux Etats-Unis, son statut de « nigger lover » lui vaudra un court séjour en prison.

Lorsqu’on démarre la lecture de ce livre, on sent immédiatement une aversion pour cette mère qui, non seulement a abandonné ses enfants mais a refusé de les revoir une fois adultes. Pourtant, lorsqu’on avance dans cette lecture écrite à la 2e personne du singulier, on se rend compte que ce n’est pas tout blanc ou tout noir et que cette femme extra-ordinaire a eu une vie riche et complexe. D’autant plus qu’il est à signaler que, si elle a abandonné ses enfants, le père, Marcel Barbeau, les a abandonnés aussi (évidemment, pour un homme, c’est plus courant). La personnalité de cette femme a toujours été à part, marginale dans un groupe de marginaux, elle s’est attelée à ne s’attacher ni à un homme ni à des principes ni à une terre. Elle a continué, malgré tout, à aimer ses enfants et ce déchirement la rend évidemment plus humaine, presque attachante. L’écriture est absolument sublime, l’autrice magnifie de petits instants de vie, exalte cette relation fille/grand-mère de manière unique et cisèle son texte à la manière d’un orfèvre. Le résultat est assez déroutant, original, les chapitres sont très courts, la poésie s’infiltre partout dans le récit, les références à l’art sont omniprésentes et le tout contribue à garder le lecteur en alerte, happé par cette existence hors du commun axée sur une liberté ... tabou.

COUP DE CŒUR pour cette lecture hypnotique et enivrante !

Dans l’autobus, au moment d’abandonner sa fille, Suzanne observe deux vieillards : « Ils ont traversé la vie sans faire de bruit, en se tenant par la main. Ils ont souri quand il fallait. Ils ont peu pleuré et jamais crié. Ils s'assoient côte à côte comme d'habitude. Leur odeur se confond et ils pensent en choeur à des choses qui ne dérangent personne. Tu ne veux pas mourir comme eux. Ordinaire. Tu prends enfin la main de Mousse dans la tienne et y déposes la promesse brûlante de ton envol. En espérant qu'un jour, elle s'y abreuvera. Mais Mousse a trois ans et c'est dans tes jupes et tes chansons qu'elle existe. C'est dans les fleuves rassurants de ton cou et l'antre de tes bras refermés sur elle qu'elle trouve son souffle. Ce matin-là, sur une route de terre sans fin, tu lui passes la corde au coeur, tu lacères ce qui la relie au monde. »

 

Commandez La femme qui fuit | Service Scolaire SESCO

 

Partager cet article
Repost0
22 février 2024 4 22 /02 /février /2024 11:34

Sauveur & fils Saison 7 | L'école des loisirs, Maison d'Édition Jeunesse

Nous sommes en 2021, le psychologue comme les patients et comme tout le monde portent un masque, on veille à ne pas trop s’approcher des autres, bref, la Covid est passée par là. Au cabinet, les pathologies se développent liées à cette pandémie : peur de sortir, peur de mourir, besoin de se cacher derrière un morceau de tissu, tensions entre les antivax et les triples-quadruple-vaccinés. Côté vie personnelle, Sauveur a parfois du mal à être présent, il pense à ses patients, n’épaule pas toujours Louise qui fait ce qu’elle peut avec leur petite Léopoldine aux cheveux frisés et au caractère bien trempé. Lazare et Paul sont de vrais ados qui se font souvent la gueule. Alice, jeune adulte, fait n’importe quoi en attendant le retour de Gabin qu’elle aime toujours. Grégoire est la petite merveille de la famille, constamment de bonne humeur, et qu’il faudrait peut-être songer à adopter officiellement. Jovo est toujours là, avec ses remarques bourrues et ses conseils venus d’une autre époque. Bref, ça fourmille toujours autant au 12, rue des Murlins.

Cette série, nous la lisons ensemble, à voix haute, avec ma fille, depuis le début. Danaé avait 9ans1/2 à la lecture du premier tome, elle en a 15 maintenant. C’est dire que cette série nous tient à cœur... c’est dire aussi comme il a été compliqué de trouver du temps entre nos deux emplois du temps de ministre pour lire ensemble (toutes nos plates excuses aux adhérents de la bibliothèque qui ont attendu leur réservation pendant des mois !!). Eh bien, il faut l’admettre, le plaisir est intact, Lazare a grandi en même temps que ma fille, Sauveur et moi avons vieilli côte à côte et il y a un petit quelque chose du 12, rue des Murlins à l’intérieur même de nos murs. C’est incroyable de garder cette qualité sur sept tomes, de savoir savamment doser tendresse, humour, gravité, de multiplier les thématiques concernant la vie de chacun. Ma fille a conclu par un « c’est mon tome préféré » (elle a donc répété cette phrase 7 fois en six ans...) , moi je garderai en mémoire les efforts de Louise pour dompter la chevelure frisée de Léo et sa visite dans un salon de coiffure afro, Mme Dumayet qui a dû voir passer tous les enfants de la ville dans sa classe et ses vaines tentatives d’améliorer ses pratiques pédagogiques, Babette l’infirmière qui fait de son mieux pour humaniser son service de comateux, et bien sûr le planteur de la scène finale qui accompagne la révélation qui laisse imaginer un tome 8.

Jovo garde, exceptionnellement, la petite Léopoldine :

- Gueuda !

Puis elle tendit la main vers une grosse balle rouge qu'elle affectionnait. Ses esclaves habituels ramassaient tout de suite l'objet désigné pour lui permettre de le lancer à nouveau. Mais Jovo restait vissé sur son canapé.

- Gueuda ! tonna Léopoldine.

- C'est quoi ce que tu dis, la mouquère ? Tu peux pas parler français comme tout le monde ?

Léo comprenait que le vieil homme s'adressait à elle, mais sans manifester le moindre signe d'obéissance à ses désirs.

- C'est la balle que tu veux, ch’tiote ? Alors tu dis « balle » ou t'auras peau de zébi.

Le tome 6.

 

Partager cet article
Repost0
18 février 2024 7 18 /02 /février /2024 10:52

Back up - Paul Colize - Folio - Poche - Librairie Le Divan PARIS

En 1967, quatre musiciens appartenant à un groupe de rock, Pearl Harbor, meurent mystérieusement à tour d’un rôle dans un laps de temps très court : l’un meurt défenestré, l’autre d’une overdose, un troisième sous les rames du métro, le dernier se suicide. Il est difficile de parler de coïncidence, pourtant la police n’en veut rien savoir... c’est le journaliste Michaël Stern qui mène l’enquête. En parallèle, en 2010, un type est retrouvé inerte, renversé par une voiture à Bruxelles ; l’équipe médicale finit par se rendre compte qu’il est conscient mais victime du syndrome de l’enfermement : il est tétraplégique et ne peut que remuer les paupières. Son identité reste inconnue, et il faudra, des mois plus tard, la persévérance de Dominique, un super kiné, pour que le malade accepte de livrer ses secrets et le drame qu’il a connu.

Si le roman est un excellent polar, il brille également, surtout, par ses références au rock. Le personnage principal découvre « Maybellene » de Chuck Berry et c’est le coup de foudre, il se met à taper sur tout ce qu’il trouve, s’initie à la batterie et finit par exceller dans la pratique de cet instrument. On en prend plein les oreilles du début à la fin, ça foisonne de rythmes endiablés, ça secoue le cocotier, ça rend même nostalgique des années qu’on n’a pas vécues (drogues mises à part parce qu’il y en a des paquets de sachets dans le roman). L’autre atout se niche dans le dernier tiers du roman et -je ne veux pas trop en dire- a un rapport avec les mille possibilités qu’offrent le son, la musique, ce qu’on en fait et les mystères de l’audition. Le dénouement est tout aussi réussi que le reste du livre, intelligent, surprenant et pêchu. Admirative du travail de documentation de l’auteur (on se promène dans les années 60), j’ai encore été davantage bluffée par la construction du roman, complexe, audacieuse et subtile... à tel point que je m’y suis parfois perdue ! Le bilan reste extrêmement positif, ce fut une lecture jouissive de bout en bout et les presque 500 pages donnent envie d’écouter la playlist fournie dans les premières pages.

Merci à l’auteur de faire revivre les meilleures années de rock, merci à toutes les blogueuses pour cette recommandation judicieuse, vous avez été nombreuses à citer ce titre, je ne peux que conseiller cette lecture à mon tour... sauf si vous détestez le rock (c’est triste mais peut-être que ça existe !?)

La découverte des Beatles : « C'était un rock, c'est sûr, mais pas un rock comme les autres. C'était un rock mélodique, énergique, d'une simplicité qui poussait au génie. Marqué par un harmonica lancinant et une surprenante complicité vocale, le morceau était d'une fraîcheur qui me laissait muet d'admiration. On sentait que les gars s'amusaient, qu'ils aimaient ce qu'ils faisaient et prenaient du plaisir. La face B était tout aussi convaincante. J'ai écouté le disque de nombreuses fois en cherchant à saisir la recette de ce tour de magie. »

Même auteur, dans un tout autre genre : Devant Dieu et les hommes.

Partager cet article
Repost0