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7 février 2020 5 07 /02 /février /2020 16:25

Résultat de recherche d'images pour "Des jours et des nuits à Chartres d’Henning Mankell"

         Je n’ai plus rien lu de Mankell depuis 2015, l’année de sa mort. Quand je suis tombée sur cette courte de pièce de théâtre, je me suis dit que c’était le moment de découvrir le Mankell dramaturge. Il a été directeur artistique d’une troupe de théâtre au Mozambique et a écrit de nombreux textes de théâtre.

         Simone, en août 1944, est tondue et promenée dans les rues de Chartres pour avoir couché avec un Allemand pendant la guerre et avoir eu un enfant de lui. Robert Capa a immortalisé la scène et c’est cette photo qui a inspiré Mankell pour écrire sa pièce. En bouleversant la chronologie, l’auteur donne à voir la rencontre de Simone accompagnée de sa copine Marie et Helmut, cet Allemand entreprenant dont Simone va tomber amoureuse. Helmut est un nazi, il a une foi incroyable en Hitler mais aime aussi Simone et la fait rêver d’un avenir commun et radieux. On retrouve Simone – quelques années plus tard - emprisonnée, prête à être jugée, face aux résistants qui ne cessent de répéter qu’ils ne commettront pas les mêmes crimes absurdes que les Allemands. Et qui pourtant ordonneront la tonte de la jeune femme et son humiliation publique. Et il y a David, le père de Simone, qui ne comprend pas sa fille mais continue à l’aimer. Et Simone, contrainte à marcher dans les rues de Chartres, son bébé dans les bras. Si la vraie histoire finit mal, Simone Touseau devient alcoolique et meurt prématurément en 1966, Mankell met sur la table les questions de la culpabilité, de la vengeance, de l’amour et du pardon. Les tondues ont été une cible facile pour des Français victimes d’injustices trop nombreuses subies pendant la guerre.


            Ce court texte est prenant et bouleversant. Même si cette jeune fille de dix-huit ans a côtoyé l’ennemi de près, on lui pardonne immédiatement son insouciance et sa frivolité. Marquée au fer rouge par cet abaissement public et apparemment unanime, elle est seule, incroyablement seule avec son bébé. Les dialogues simples et courts alternent avec des monologues de Robert Capa, personnage de la pièce lui aussi, témoin de la scène mais aussi « victime » du succès qu’a connu sa photo qu’il qualifie lui-même de « plutôt ratée ».

         Ou quand l’horreur change de camp si rapidement…

Robert Capa :

« J’ai parfois le sentiment d’être
Un habile pickpocket
Qui subtilise aux hommes 
Leurs secrets.


Ce ne sont pas des visages que je photographie.
J’ai plutôt le sentiment de vouloir capter
Un souffle. »

 

Simone quand on lui dit qu’elle aurait pu avorter : « J’aurais dû, je sais. Alors je ne serais peut-être pas ici. Mais je ne pouvais pas, je l’aimais, c’était comme ça. Et je sais qu’il m’aimait aussi. Jamais un homme ne m’a traitée comme lui. Alors, qu’il soit venu de la Lune ou de l’Allemagne, ça m’était égal. J’espère que j’aurai la force de dire la vérité devant le tribunal. On ne peut pas condamner une femme à mort parce qu’elle est amoureuse. »

Résultat de recherche d'images pour "Des jours et des nuits à Chartres d’Henning Mankell"

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3 février 2020 1 03 /02 /février /2020 21:59

Résultat de recherche d'images pour "Loin d’Alexis Michalik albin michel"

         Je vais peut-être commencer par dire que je suis absolument fan de l’auteur, de ce qu’il fait, de son énergie débordante et de son imagination admirable… - pas loin d’être amoureuse ! Assez d’arguments pour ouvrir un roman d’aventures de 644 pages !

         Antoine et Anna sont frère et sœur mais tout les oppose : Antoine à 26 ans pourrait être le genre idéal, propre sur lui, raisonnable, doué, il s’apprête à être embauché dans une entreprise réputée après d’excellentes études de droit. Anna, à 19 ans, a déjà connu beaucoup plus d’aventures et de mésaventures que son aîné. Fumeuse, volage, fêtarde, elle n’arrive jamais à se stabiliser et multiplie les aventures d’un soir. Un jour, Antoine récupère une carte postale oubliée depuis 17 ans à la Poste. Elle provient de leur père, Charles. A noter que ce même père a disparu subitement 20 ans auparavant et sans explication. Si Antoine en veut beaucoup à son père d’avoir abandonné sa famille, cette carte provenant d’Autriche l’intrigue et, profitant de ses derniers jours de vacances, emmenant son meilleur ami Laurent, il rejoint ce petit village au nom imprononçable et mène l’enquête sans retrouver son père pour autant. Ses recherches le mèneront à Vienne puis à Berlin mais aussi en Turquie, en Arménie et même beaucoup plus loin dans le monde encore. Avec Anna et Laurent, souvent au volant d’une petite Lada, ils partiront beaucoup plus longtemps que prévu.

         Pour un roman d’aventures, c’est vraiment un roman d’aventures : que de rebondissements, de situations insolites, de voyages, de changements de décision, de risques, de périls, de dangers ! Les personnages principaux sont baladés sur le globe terrestre au gré de leurs enquêtes. Le mystère plane longtemps sur Charles et ses différentes identités mais aussi sur ses ancêtres. Je serais bien incapable d’énumérer avec précision toutes les péripéties rencontrées, tous les pays traversés. J’ai lu le roman avec plaisir, j’ai tourné les pages sans m’en rendre compte mais j’avoue que de rebondissements, il n’y en avait peut-être un peu trop. Là où le romancier se montre brillant (mais c’était évident…) c’est que l’histoire – malgré quelques détails très rocambolesques et quelques éléments super-romanesques – l’histoire tient la route et la découverte de chaque pays mais aussi de chaque période historique, est passionnante. Même si ça fait parfois penser à un cours d’histoire, même si on frôle dangereusement le cliché, c’est toujours dans la joie et la bonne humeur et par là, le roman pourrait aussi être qualifié de joyeux road trip ou de feel good voyageur. Les chapitres sont si rondement fichus qu’ils pourraient être les épisodes d’une série, projet à demi avoué par l’auteur lui-même. Je n’ai pas tout aimé mais je n’ai absolument rien détesté. Ce qui est certain, c’est qu’on ressort de ce pavé avec une furieuse envie de voyager.

 

J’ai oublié de le dire, le narrateur, c’est le copain Laurent – il parle d’Antoine : « D’aucuns pourraient se demander à présent quelles qualités amicales je trouvais en lui. Et pourquoi l’être que je suis, si perverti aux plaisirs du péché […] s’attachait tant à un retraité de vingt-six ans. Je répondrais d’abord que dans la vie, l’essentiel n’est ni le mouvement ni l’immobilité, l’essentiel est l’équilibre. Deux diables ensemble font un trop grand tapage, deux anges s’ennuient, mais un ange et un diable ont une source inépuisable de dialogue. »

« Tu ne penses pas que la même personne puisse, au cours d’une vie, être traversé par ces courants opposés ? Tu ne penses pas que la vie balance ces pantins dans des tourbillons de tourments, puis dans des moments d’accalmie ? Un homme qui n’aura jamais quitté son village ni médit de personne, qui n’aura aimé qu’une seule épouse, et se sera contenté de labourer ses champs aura-t-il vécu ? Aura-t-il connu le monde autrement que par son petit prisme médiocre et limité ? Se sera-t-il confronté aux crimes, à l’héroïsme, à la guerre, à l’homme dans ce qu’il a de plus abject et de plus sublime ? Comment peut-il, lui, se permettre de juger quiconque ? Qu’a-t-il connu, vraiment, sinon le périmètre de ses pâturages ? »

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31 janvier 2020 5 31 /01 /janvier /2020 18:48

Résultat de recherche d'images pour "Faut pas prendre les cons pour des gens  bedetheque""

         J’ai repéré le style Reuzé il y a déjà un petit bout de temps dans Fluide Glacial. Comble de bonheur, la BD complète existe depuis quelques mois !

         Des enfants qui collectionnent les images des paquets de cigarettes. Un centre d’art contemporain complètement vide pour questionner « l’instance-visiteur sur le non-espace des possibles » mais où le kamikaze devient un « non-kamikaze » créant un « non-attentat ». Une maison parlante toujours présente pour ses habitants finalement beaucoup trop cons pour cette maison intelligente. Des voisins qui se refilent leurs SDF. Un patient qui, sur sa table d’opération, veut montrer le tuto sur l’emplacement du foie à son chirurgien. Une ville qu’on pose « sur un socle de 700 mètres afin de le rendre inaccessible aux migrants » mais qui va la construire ? Une main d’œuvre étrangère évidemment ! Mais on n’a jamais vu de migrants dans le village… ah oui « Comment va-t-on faire pour construire notre socle anti-migrants sans migrants ? »

         Les dessins, sobres et réalistes, souvent identiques d’une case à l’autre, renforcent le cynisme, l’absurde et l’humour noir des dialogues ; ils font penser à des romans-photos aussi mais pour la mièvrerie, vous allez être déçu. On y dénonce – en vrac – la société de consommation, la gestion des SDF, le tout payant, le terrorisme et les idées préconçues sur le sujet, la crise des hôpitaux, … Certaines planches sont tellement criantes de justesse et de vérité : l’employé de banque qui braque un flingue sur les clients en hurlant « C’est un hold-up ! ». En attendant le prochain Fabcaro, on peut lire Reuzé, c’est du même acabit (mon mari préfère Reuzé !). On hésite encore éclat de rire et vomito devant ce scalp d’une société tout de même bien malade…

Une petite citation : « Pour faciliter le suicide de ses employés, l’entreprise vous offre des lettres d’adieu préremplies. »

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27 janvier 2020 1 27 /01 /janvier /2020 22:34

Résultat de recherche d'images pour "into the wild livre blog"

        Chris McCandless, un Californien de 24 ans, a délaissé sa vie confortable, ses parents bourgeois, ses études où il réussissait brillamment pour se confronter à la solitude et au froid. En effet, il prend l’habitude de s’isoler à plusieurs reprises dans la nature, se déplaçant en auto-stop et se contentant du minimum. Son projet ultime est de vivre seul quelques mois en Alaska. C’est ce qu’il réussit presque à accomplir de mai à août 1992, parti sans boussole, sans carte, sans grandes connaissances du lieu, vivant de chasse. Se réfugiant dans un bus rouillé abandonné. Mais il est retrouvé mort le 6 septembre, sans doute décédé depuis deux semaines déjà – mort de faim. Ce fut rapidement l’effervescence dans les médias mais aussi dans le grand public, certains considérant l’homme comme un héros, d’autres comme un fou. On sait immédiatement où se positionne Jon Krakauer, journaliste mais aventurier lui aussi, menant l’enquête, présentant divers témoignages de proches et des dernières personnes ayant contacté Chris.

        Que dire, que dire… ? J’ai globalement aimé le livre, surtout la première partie, cette soif d’évasion et de solitude qui est totalement partagée par l’auteur, on le sent bien. Et je crois que, justement, il n’a pas été très objectif dans ses propos. Se sentant certainement proche de Chris par le contexte familial, par son besoin de se dépasser, par une certaine inconscience commune, il a voulu dégager tout le positif de cette situation. Ce qui m’a le plus dérangée, c’est cette redondance à vouloir excuser la mort de Chris, cette volonté de le défendre alors qu’on le prenait pour un insensé total, méprisé par certains. Krakauer ne veut pas qu’on prenne Chris pour un arrogant mais le jeune homme ne cesse de parler de lui à la 3ème personne dans son journal intime… ?! Le positif du récit, c’est la diversité des témoignages, un petit aperçu des aventuriers aussi téméraires que Chris, les magnifiques citations (surtout celles de Thoreau, mais pourquoi ne l’ai-je jamais lu ?), les références à London, Dr Jivago ou encore Tolstoï. Une lecture éminemment intéressante.
        Reste à regarder le film.

« tuer l’être faux à l’intérieur de soi »

Dans une lettre de Chris à un ami : « La joie de vivre vient de nos expériences nouvelles et donc il n’y a pas de plus grande joie qu’un horizon éternellement changeant, qu’on soleil nouveau et différent. Si tu veux obtenir plus de la vie, Ron, il faut perdre ton inclination à la sécurité monotone et adopter un mode de vie désordonné qui dans un premier temps te paraîtra insensé. Mais une fois que tu seras habitué à une telle vie, tu verras sa véritable signification et son incroyable beauté. »

« Tu es la seule personne que tu dives combattre, avec ta réticence butée à t’engager dans une vie nouvelle. »

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24 janvier 2020 5 24 /01 /janvier /2020 18:12

Résultat de recherche d'images pour "La vie infinitive de Martine Delerm"

       Relativement inclassable, ce petit album réservé aussi bien aux adultes qu’aux enfants associe une phrase débutant par un verbe à l’infinitif et une jolie et délicate aquarelle. Conseils, injonctions à vivre mieux, plus simplement, le petit recueil allie tendresse et poésie pour une ode à la vie et à ses petits plaisirs authentiques et simples. On peut constater une certaine progression pas inintéressante puisque de « Prendre le temps le temps d’un thé », on arrive à « danser la danse lente des jours » en passant par « Accueillir sans hésiter l’hésitation » ou encore « S’ennuager de mélancolie ». C’est très doux, enfantin, parfois très sage, parfois vaguement espiègle.
       En tous cas, c’est un joli cadeau que j’ai reçu !

Encore :

« Funambuler sa vie

Ne pas craindre d’y laisser des plumes »

« Choisir de ne pas monter trop haut

Mais assez pour pouvoir se pencher »

« Porter en soi ceux que l’on a perdus »

       Martine Delerm est l’épouse de Philippe Delerm et j’ai vraiment retrouvé chez elle ce goût du petit bonheur que Philippe aime tant. Un éloge du quotidien qui ne passe pas par les grandes sensations mais par la lenteur, la douceur, le fondamental et l’essentiel. Et les dessins sont adorables !

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21 janvier 2020 2 21 /01 /janvier /2020 21:33

Résultat de recherche d'images pour "La Malle Sanderson de Jean-Claude Götting bedetheque""

        C’est parce que j’avais déjà aimé Watertown du même auteur que je me suis précipitée sur ce titre (et pas parce qu’il a fait les couvertures d’Harry Potter dont ma fille est tellement fan, nan, nan…)

        Sanderson est un illusionniste célèbre qui prétend aussi, dans ses spectacles à succès, lire dans les pensées des gens. Imbu de sa personne et plutôt grande gueule, il se laisse séduire par Marie, une femme mariée qui lui jure qu’elle ne s’est jamais mariée par amour. Sanderson ne veut pas trop s’impliquer dans cette relation et préfère consacrer temps et énergie à son dernier numéro : une spectaculaire tentative d’évasion.

        J’ai adoré ! Pour les BD, c’est pas compliqué, quand je commence à ouvrir l’ouvrage en me demandant ce qu’il en est, que je reste scotchée, assise sur la première marche de mon escalier, en le lisant d’une traite jusqu’à la fin, c’est que ça me plaît beaucoup ! Götting sait aller droit au but, il est efficace, ses traits le sont aussi, les personnages sont croqués en quelques planches et ce trait épais qui lui est si particulier participe à cette efficacité, à cette simplicité.

Résultat de recherche d'images pour "La Malle Sanderson de Jean-Claude Götting""

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17 janvier 2020 5 17 /01 /janvier /2020 21:12

Résultat de recherche d'images pour "paul cleave cauchemar sonatine"

       Une fois n’est pas coutume : c’est mon mari qui m’a offert le roman en se fiant à une critique.

       A Acacia Pines, une petite ville des Etats-Unis, un jeune flic, Noah, règle ses comptes en tabassant un type nommé Conrad qu’il pense être l’auteur de l’enlèvement de la petite Alyssa, 7 ans. La fillette est rapidement retrouvée, séquestrée à la ferme Kelly, une vieille maison abandonnée depuis longtemps. Traumatisée mais vivante. Douze ans plus tard, Noah exilé à quelques centaines de kilomètres d’Acacia Pines à cause du passage à tabac sur Conrad, reconverti en barman, est contacté par son ex-femme. Elle lui demande de revenir car Alyssa a encore une fois disparu. Noah accepte de rendre service mais il se rend compte, une fois arrivé là-bas, qu’Alyssa a quitté la ville de son propre chef, il l’a d’ailleurs au téléphone, elle va bien. Evidemment, les événements s’enchaînent et Alysssa ne va pas si bien qu’il y paraît. Conrad n’est peut-être pas le coupable de l’enlèvement d’Alyssa petite.

       Addictif à souhait, ce polar est de ces livres qu’on a hâte de retrouver, qu’on se réjouit de reprendre en main. Avec quelques invraisemblances et un personnage central qui n’est pas loin d’être un James Bond qui s’ignore, il y a des choses qu’on peut lui reprocher mais l’auteur s’est assez bien débrouillé pour qu’on s’y sente – réellement - dans cette petite ville américaine où il fait tout le temps très très chaud. Le thème central, le cœur de l’enquête est un sujet brûlant qu’on ne soupçonne pas au début du roman. J’ai donc passé un excellent moment de lecture et je reviendrai lire ce romancier néozélandais avec grand plaisir !

Super-Noah est attaqué par quatre hommes dont le mari de son ex-femme : « Je ne m’attarde pas pour voir qui j’ai frappé ni quels dégâts j’ai causés. Tout ce que je sais, c’est que j’ai profondément enfoncé le morceau de verre dans la gorge de quelqu’un. Un coup de feu retentit et j’entends le bruit sourd d’une balle frappant un arbre près de moi. Des échardes m’atteignent le visage. Je suis de nouveau en train de courir. Mes poumons hurlent, mes pieds hurlent et je sens mon énergie décroître rapidement. »

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14 janvier 2020 2 14 /01 /janvier /2020 18:45

Résultat de recherche d'images pour "hauts de hurlevent bronte edition""Résultat de recherche d'images pour "hauts de hurlevent bronte edition""

         Cela fait des années que je veux relire ce bon gros bouquin et qu’est-ce qui m’a enfin donné envie de m’y replonger ? Le film Le Cercle littéraire de Guernesey de Mike Newell (pour la petite histoire, je n’avais pas spécialement aimé le livre un peu trop gnognotte pour moi et j’ai adoré le film, comme quoi !) Parenthèse refermée.

         Mr Lockwood tient à rendre visite à son voisin et propriétaire, Mr Heathcliff. Il tombe sur un rustre qui a le « physique d’un bohémien au teint basané, le vêtement et les manières d’un gentleman », une jeune femme timorée qui se révèle être sa belle-fille Catherine et un type simplet et lourdaud, Hareton, qui n’a pas droit à la parole. Cette ambiance lugubre amène Mr Lockwood à poser des questions à sa femme de charge, Nelly. C’est ainsi que cette seconde narratrice revient cinquante ans en arrière, raconter l’histoire de cette demeure, « Les Hauts de Hurle-vent »). Mr Earnshaw avait deux enfants, Catherine et Lindley lorsqu’il adopte un enfant trouvé, Heathcliff. Alors que Catherine et Heathcliff nouent une amitié très forte, une haine réciproque menace immédiatement les deux garçons. A la mort du père, Lindley devient le chef de famille et rabroue autant qu’il peut ce frère adoptif qu’il déteste. Marié à Frances qui mourra très vite, il sombre dans l’alcool. Heathcliff et Catherine se rapprochent de plus en plus mais la jeune femme, impulsive, épouse Edgar Linton. Commence alors le long processus de vengeance : Heathcliff épouse Isabelle, sœur d’Edgar, qu’il déteste pourtant et fera payer à Catherine sa trahison mais également la descendance de Catherine et de Lindley à la mort du frère et de la sœur. Toute sa vie, Heathcliff n’aura de cesse de maltraiter son entourage, de se torturer soi-même dans un seul but : retrouver Catherine, son unique amour, vivante ou morte ! Oui, il faut bien s’accrocher pour tout comprendre d’autant plus que Catherine va avoir une fille qui portera le même nom. Les narrateurs se multiplient et les bouleversements chronologiques sont nombreux.

         La magie a opéré ! J’ai été envoûtée, emportée, subjuguée par cet endroit hostile, balayé par les vents, ces êtres tous plus rustres et machiavéliques les uns que les autres. Mes souvenirs ont vraiment édulcoré les personnages qui sont, à quelques rares exceptions près orgueilleux, rancuniers, capricieux, hypocrites, insolents. Il en résulte une violence permanente parfois sous-jacente, souvent clairement exprimée. Et je crois que c’est ce qui permet de maintenir la pression : on a hâte de voir les personnages devenir meilleurs (ou mourir !), en tous cas sortir de cet engrenage infernal !

         On pourra seulement regretter qu’Emily Brontë n’ait pas d’autres titres aussi magnifiques à nous offrir : elle est morte à trente ans de la tuberculose.

Des retrouvailles entre Heathcliff et Catherine : « Lui ne leva pas souvent les yeux sur elle. Un rapide regard de temps à autre suffisait ; mais ce regard reflétait, chaque fois avec plus d’assurance, le délice dissimulé qu’il buvait dans le sien. Ils étaient trop absorbés dans leur joie mutuelle pour se sentir embarrassés. »

« Comme c’est étrange ! Bien que tous se détestent et se méprisent l’un l’autre, je pensais qu’ils ne pouvaient s’empêcher de m’aimer. Et en quelques heures tous sont devenus mes ennemis ; ils le sont devenus, j’en suis certaine, ces gens d’ici. Comme il est terrible d’affronter la mort, entourée de ces visages de glace ! »

Catherine à son mari Edgar (j‘adore !) : « Ah ! vous voici donc, n’est-ce pas, Edgar Linton ? dit-elle avec une animation courroucée. Vous êtes un de ces êtres qu’on trouve toujours quand on en a le moins besoin, et qu’on ne trouve jamais quand on en a besoin ! Je suppose que nous allons avoir un déluge de lamentations maintenant. . . je le vois venir. . . »

Un des plus beaux passages ; Heathcliff, à la mort de son amante : « Puisse-t-elle se réveiller dans les tourments ! cria-t-il avec une véhémence terrible, frappant du pied et gémissant, en proie à une crise soudaine d’insurmontable passion. Elle aura donc menti jusqu’au bout ! Où est-elle ! Pas là. . . pas au ciel. . . pas anéantie. . . où ? Oh ! tu disais que tu n’avais pas souci de mes souffrances. Et moi, je fais une prière. . . je la répète jusqu’à ce que ma langue s’engourdisse : Catherine Earnshaw, puisses-tu ne pas trouver le repos tant que je vivrai ! Tu dis que je t’ai tuée, hante-moi, alors ! Les victimes hantent leurs meurtriers, je crois. Je sais que des fantômes ont erré sur la terre. Sois toujours avec moi. . . prends n’importe quelle forme. . . rends-moi fou ! mais ne me laisse pas dans cet abîme où je ne puis te trouver. Oh ! Dieu ! c’est indicible ! je ne peux pas vivre sans ma vie ! je ne peux pas vivre sans mon âme ! »

« Mais la traîtrise et la violence sont des lances à deux pointes ; elles blessent ceux qui y ont recours plus grièvement que leurs ennemis. »

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         De nombreuses éditions existent évidemment, la mienne, une très ancienne "Les Cent Livres" semble avoir disparu. (Et vous avez remarqué : Hurlevent en un mot ou en deux? Telle est la question…)

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11 janvier 2020 6 11 /01 /janvier /2020 13:54

Résultat de recherche d'images pour "Dans les forêts de Sibérie de Virgile Dureuil d’après le récit de Sylvain Tesson""

          Sept ans que Sylvain Tesson en rêve : partir s’isoler loin, très loin. Il réalise son souhait en s’installant dans une cabane au pied de la taïga, face au lac Baïkal, en Sibérie. Seul, de février à juillet. Lisant, s’adonnant à la contemplation, pêchant, marchant dans la neige, buvant (beaucoup !), allant à la rencontre de quelques voisins très éloignés, l’écrivain s’adapte à un temps qui a pris une autre dimension. Il écrit face à une fenêtre, il joue avec ses chiens, il pense à sa famille, il compare sa vie à celle des citadins, il repense à son passé…

          Dur, dur de lire une adaptation BD d’un roman qu’on a adoré ! Dans les forêts de Sibérie m’a durablement marquée, il était donc très agréable de retrouver cette histoire complètement dingue de vie en solitaire dans ce froid glacial. Les dessins réalistes m’ont plu, j’ai aimé mettre des images sur ce que j’imaginais (et bien sûr, ça ne colle pas du tout avec ce que j’avais en tête mais ce n’est pas grave…) mais je n’ai pas été envoûtée. J’ai apprécié la variété des couleurs (merci de ne pas avoir fait un album en noir et blanc !) mais j’aurais voulu un dessin à la Emmanuel Lepage avec des planches immenses et grandioses, des envolées lyriques, des images qui font rêver. Bon. Si ça donne envie aux lecteurs d’aller découvrir le roman, je suis ok.

« Cette vie procure la paix. La lecture, l’écriture, la pêche, l’ascension des versants, la flânerie dans les bois… »

Et toujours, l’humour de Sylvain Tesson : « Rien ne vaut la solitude. Pour être parfaitement heureux, il me manque quelqu’un à qui l’expliquer. »

« La pluie a été inventée pour que l’homme se sente heureux sous un toit. »

« Étrange comme le temps vous retire son amitié. Hier encore, il glissait, soyeux. Chaque seconde, à présent, une aiguille. »

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7 janvier 2020 2 07 /01 /janvier /2020 18:03

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         J’ai L’Insouciance dans ma PAL depuis sa sortie, je ne l’en ai jamais extrait, j’ai eu bien tort car cette lecture des Choses humaines m’a prouvé que Karine Tuil est vraiment une autrice à suivre…

         Jean Farel a 70 ans mais il reste un journaliste très couru, apprécié, dynamique et jeune dans sa tête. Son épouse Claire, de 27 ans sa cadette, suit le modèle de son mari : toujours en première ligne, elle est une essayiste renommée, jadis assistante de Bill Clinton. Leur fils Alexandre, un jeune adulte, brillant étudiant, a tout pour lui également. Mais ce portrait de famille idéal se désagrège quand Claire prend un amant juif en même temps que Jean se fait lyncher dans un article de journal. Simultanément, sa maîtresse, Françoise, tente de se suicider et Alexandre est accusé de viol sur Mila, la fille de l’amant de sa mère… Tout bascule.

         Deuxième partie – autre ambiance. Le procès et les préliminaires du procès sont décrits avec précision, on suit les personnages pendant deux ans, on assite au procès d’Alexandre, on écoute les deux parties. Plaidoirie et réquisitoire sont tellement bien exposés qu’on a tendance à changer d’opinion (ce qui est horrible dans ce cas d’abus sexuel).

         Ce qui surprend d’emblée dans ce roman, c’est le rythme alerte, vif et efficace. Il y a une énergie indéniable qui rend le contenu tout à fait passionnant. J’avais l’impression que ça causait de politique et de journalisme. Certes. Mais ce sont les dessous de la politique, les masques qui craquellent, les apparences de perfection qui s’effritent, les clichés qui s’effondrent. Et c’est complètement jouissif ! Je ne suis pas une adepte des romans qui parlent de l’actualité mais c’est fait ici avec un tel brio qu’on dévore les pages en s’instruisant tout en s’amusant. Allez : COUP DE CŒUR !!! Ça fait un peu série télé en ôtant tout le péjoratif que cette comparaison peut supposer. Karine Tuil s’est largement inspirée de l’affaire de Stanford où un étudiant a été accusé d’avoir violé une fille mais n’a été condamné qu’à 6 mois de prison parce qu’il était un étudiant brillant, parce qu’il était un sportif de haut niveau, il ne fallait donc pas trop gâcher sa vie… L’autrice a repris les mots du père : « C'est un prix lourd à payer, 20 ans de sa vie pour 20 minutes d’action ». Quelle situation douloureuse et complexe ! Alexandre « s’est raconté une autre histoire », persuadé qu’il n’avait pas violé Mila, et c’est le plus effrayant : cette société où coucher dix minutes après la rencontre est devenu anodin, banal, où insulter sa partenaire et la traiter de « salope » est devenu monnaie courante.

Prix Goncourt des Lycéens amplement mérité !

Parole de l’avocat des Farel : « très peu de viols finissent aux assises. Je ne veux pas être optimiste mais le risque est minime ; au pire, cela serait requalifié en agression sexuelle en correctionnelle. »

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