Frank Starlight a 16 ans. Il a été élevé par un « vieil homme » qui lui a appris la chasse, la pêche, la survie dans cette contrée âpre et sauvage de la Colombie britannique mais aussi le courage, la droiture, la prudence, la patience et la loyauté. Quand Eldon, son père mourant, le réclame, Frank ne se montre pourtant guère enjoué car l’homme l’a abandonné, rarement vu, souvent mésestimé, se saoulant à longueur de journée. Il accepte pourtant de l’accompagner jusqu’à la montagne pour qu’il puisse être enterré comme un guerrier, selon les traditions indiennes ojibwés. Durant le voyage éprouvant pour le père, le fils va en apprendre davantage sur ses origines et le passé honteux de son père.
C’est un roman bien particulier pour moi puisque j’ai perdu mon papa en cours de lecture, alors que cette histoire évoque un fils qui emmène son père mourir. Le hasard n'arrive jamais par hasard... Mon papa n’était pas un guerrier parce qu’il détestait tout ce qui a trait à la guerre et aux armes mais un battant courageux, stoïque et valeureux, ça oui ! Je ne lui dédie pas ce pauvre billet parce qu’il vaut bien mieux, tellement plus, mais je lui fais la promesse de lire ou relire Christian Bobin et Blaise Cendrars, ses écrivains préférés. Je n’ai pas l’habitude de me confier ici mais je ne pouvais parler de ce roman de manière froide et objective. Et puis si je lis beaucoup, si j’écris (si peu), c’est bien grâce à mon papa, poète et artiste à ses heures perdues, rêveur et tellement optimiste à temps complet.
C’est la première fois que je lisais cet auteur mais son style et son univers m’ont plu d’emblée. Nature writing certainement, le livre met aussi en valeur les traditions indiennes en voie de disparition, l’amour filial qui n’est pas toujours celui du sang, mais surtout, surtout, il évoque cette douloureuse question du pardon de manière poétique et sublime. Certains passages sur la guerre sont magnifiques aussi et la fin est une belle réussite qui clôt une lecture à la fois éprouvante et apaisante.
(Surtout zappez les condoléances, à l’avoir trop entendu, le mot me débecte – je précise aussi que ce billet a été écrit il y a presque trois semaines)
Frank : « Seul. Il n’avait jamais su ce qu’était la solitude. Même s’il y réfléchissait bien, il n’arrivait pas à donner une définition du mot. Il était en lui, indéfini et inutile comme l’algèbre – la terre, la lune et l’eau établissaient la seule équation qui donnait de la perspective à son monde et il le traversait à cheval revigoré et rassuré de sentir ces terres autour de lui comme le refrain d’un hymne ancien. »
« La guerre, c’était savoir que des choses pouvaient t’être enlevées. »
« Parfois quand on t’enlève quelque chose, t’as l’impression d’un trou au milieu de toi, dans lequel tu sens souffler le vent. »