Dans le village des Djimba, un cavalier inconnu arrive en déposant un bébé sur la place. Le bébé hurle, personne n’ose le toucher, le soleil ne le tue pas, les hyènes ne le dévorent pas, le soleil se couche, une femme se décide à adopter cette petite fille venue de nulle part : Salina.
Salina est maintenant une vieille femme qui a marché toute sa vie dans le désert et qui demande à son fils, Malaka, de l’accompagner vers le mont Tadma, la « limite des mondes ». Lorsque ses forces la quittent, Malaka prend sa mère sur son dos et ils avancent, péniblement. Accrochée à son dos, Salina mourra silencieusement. Après avoir accompli minutieusement sa toilette, Malaka emmène sa mère vers un cimetière particulier, accomplissant un rite funéraire aussi étrange que magnifique : un passeur l’emmène en barque avec le cadavre vers une île où un cimetière décidera s’il accueillera ou non le mort. Et sur la mer, d’autres barques rejoignent celle de Malaka et, pour rendre hommage à sa mère, il raconte toute son histoire, toute cette vie faite de malheurs, d’amours perdues, de trahisons et surtout d’exils.
Je boudais cet auteur pour des raisons mal fondées et je suis de plus en plus admiratrice de son écriture. Ici, en quelques pages, il nous plonge dans un univers dépaysant, nous touche directement au cœur en quelques mots. Chapeau ! Cette relation mère-fils m’a complètement subjuguée parce qu’elle résonne avec mon histoire avec mon père sans doute aussi. Entre fable, tragédie et épopée, le texte sonne, ébranle, crie et apaise parfois aussi. A la fois très violent et sublime, le roman est imprégné de ce désert hostile, de cette aridité et cette chaleur sèche, tout en répandant une poésie puissante, tout en transmettant une belle force viscérale et universelle. Un très très beau roman – coup de cœur pour moi !
Malaka qui porte sa mère : « Il se concentre pour continuer à avancer sans accroc ni chute. Le vent souffle plus fort, soulevant la neige qui borde le chemin, les entourant d’un tourbillon qui leur fouette le visage. Jamais deux corps n’ont été plus serrés l’un contre l’autre. Jamais deux corps n’ont été plus proches. Ses pas sont lents. Tout craque et hurle. Ils sont emmitouflés dans des peaux de bête qui se sont raidies sous la morsure du givre. »
Je ne veux pas tout dévoiler mais une femme tend à Salina son bébé pour que de très vieilles tensions entre deux clans s’apaisent enfin ; Salina accepte : « Pardonne-moi. Je prends la vie que tu m’offres. Je veillerai sur ton fils – car toujours, il sera ton fils, Alika. Lorsqu’il grandira, ce sont tes traits que je verrai apparaître sur son visage et ce sera bien. J’aurai alors sous les yeux le visage de ta sagesse. Va, Alika, ce que tu fais, aucune mère, jamais, ne l’a fait. Je vais vivre, je te le jure. »