Wahhch Debch rentre chez lui et découvre sa femme assassinée : non seulement elle a été éventrée avec une grande violence mais le meurtrier l’a violée par ces mêmes plaies. Wahhch cherche l’assassin et part dans une quête quasi perdue puisque le meurtrier qui est immédiatement identifié est un Indien protégé, à l’abri dans sa réserve. Par un second meurtre, il prouve sa toute-puissance. Wahhch s’entête et, entouré d’une cohorte d’animaux dont on perçoit les pensées, il se livre à un road movie sanglant qui va également lui permettre de s’interroger sur sa propre identité. En effet, cette vision d’horreur lui a rappelé son enfance et un souvenir de tuerie.
Livre lu pendant la 2ème semaine de confinement et j’ai dû reprendre chaque phrase pour bien la comprendre… ou pas loin de ça. Alors oui, c’est une brillante idée de faire des animaux les narrateurs. Aucun n’est en reste : chien, cheval, chat mais aussi coccinelle, boa constrictor, corbeau, papillon, abeille, etc. On entre dans une osmose du vivant où tout s’imbrique dans une violence inouïe. En effet, chacun traque ou bouffe l’autre : le ton est donné. Celui de la violence et de la sauvagerie dans une sorte de lyrisme flamboyant qui m’a fait penser au cinéma de Tarantino (encore que Tarantino, c’est mignonnet par rapport à certaines scènes du livre). Faut s’accrocher. La fin est majestueuse, l’ensemble est d’une virtuosité qu’il faut avoir touchée du doigt au moins une fois. Obscur, poétique, barbare.
J'avais découvert l'auteur à travers une pièce de théâtre, … c'est encore l'histoire d'une quête : Littoral - Le Sang des promesses.
« Les humains sont seuls. Malgré la pluie, malgré les animaux, malgré les fleuves et les arbres et le ciel et malgré le feu. Les humains restent au seuil. Ils ont reçu la pure verticalité en présent, et pourtant ils vont, leur existence durant, courbés sous un invisible poids. Quelque chose les affaisse. Il pleut : voilà qu’ils courent. Ils espèrent les dieux et cependant ne voient pas les yeux des bêtes tournés vers eux. Ils n’entendent pas notre silence qui les écoute. »
« Nous les chiens, percevons les émanations colorées que les corps des vivants produisent lorsqu’ils sont en proie à une violente émotion. Souvent, les humains s’auréolent du vert de la peur ou du jaune du chagrin et quelquefois encore de teintes plus rares : le safran du bonheur ou le turquoise des extases. Celui-là, fatigué, épuisé, englouti par l’opacité opaline du chemin, exhale depuis le centre de son dos, le noir de jais, couleur de la dérive et des naufrages, apanage des natures incapables de se départir de leur mémoire et de leur passé. »
« Il a parlé des lignes poreuses qui séparent les humains des bêtes et des lignes qui sillonnent les visages des vivants. Il a parlé des lignes qui nous font et nous défont, rides, traits, limites, frontières, démarcations. Il a parlé des lignes qui nous sauvent, conductrices, électriques, musicales, et il a parlé de celles qui nous manquent, ces lignes blanches disparues au tracé de nos routes, ces lignes invisibles à nos âmes égarées au fond de leurs labyrinthes. »