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16 avril 2020 4 16 /04 /avril /2020 10:52

Anima babel 1261 (ne) - Poche - Mouawad Wajdi - Achat Livre | fnac

       Wahhch Debch rentre chez lui et découvre sa femme assassinée : non seulement elle a été éventrée avec une grande violence mais le meurtrier l’a violée par ces mêmes plaies. Wahhch cherche l’assassin et part dans une quête quasi perdue puisque le meurtrier qui est immédiatement identifié est un Indien protégé, à l’abri dans sa réserve. Par un second meurtre, il prouve sa toute-puissance. Wahhch s’entête et, entouré d’une cohorte d’animaux dont on perçoit les pensées, il se livre à un road movie sanglant qui va également lui permettre de s’interroger sur sa propre identité. En effet, cette vision d’horreur lui a rappelé son enfance et un souvenir de tuerie.

       Livre lu pendant la 2ème semaine de confinement et j’ai dû reprendre chaque phrase pour bien la comprendre… ou pas loin de ça. Alors oui, c’est une brillante idée de faire des animaux les narrateurs. Aucun n’est en reste : chien, cheval, chat mais aussi coccinelle, boa constrictor, corbeau, papillon, abeille, etc. On entre dans une osmose du vivant où tout s’imbrique dans une violence inouïe.  En effet, chacun traque ou bouffe l’autre : le ton est donné. Celui de la violence et de la sauvagerie dans une sorte de lyrisme flamboyant qui m’a fait penser au cinéma de Tarantino (encore que Tarantino, c’est mignonnet par rapport à certaines scènes du livre). Faut s’accrocher. La fin est majestueuse, l’ensemble est d’une virtuosité qu’il faut avoir touchée du doigt au moins une fois. Obscur, poétique, barbare.

       J'avais découvert l'auteur  à travers une pièce de théâtre, … c'est encore l'histoire d'une quête : Littoral - Le Sang des promesses.

« Les humains sont seuls. Malgré la pluie, malgré les animaux, malgré les fleuves et les arbres et le ciel et malgré le feu. Les humains restent au seuil. Ils ont reçu la pure verticalité en présent, et pourtant ils vont, leur existence durant, courbés sous un invisible poids. Quelque chose les affaisse. Il pleut : voilà qu’ils courent. Ils espèrent les dieux et cependant ne voient pas les yeux des bêtes tournés vers eux. Ils n’entendent pas notre silence qui les écoute. »

« Nous les chiens, percevons les émanations colorées que les corps des vivants produisent lorsqu’ils sont en proie à une violente émotion. Souvent, les humains s’auréolent du vert de la peur ou du jaune du chagrin et quelquefois encore de teintes plus rares : le safran du bonheur ou le turquoise des extases. Celui-là, fatigué, épuisé, englouti par l’opacité opaline du chemin, exhale depuis le centre de son dos, le noir de jais, couleur de la dérive et des naufrages, apanage des natures incapables de se départir de leur mémoire et de leur passé. »

« Il a parlé des lignes poreuses qui séparent les humains des bêtes et des lignes qui sillonnent les visages des vivants. Il a parlé des lignes qui nous font et nous défont, rides, traits, limites, frontières, démarcations. Il a parlé des lignes qui nous sauvent, conductrices, électriques, musicales, et il a parlé de celles qui nous manquent, ces lignes blanches disparues au tracé de nos routes, ces lignes invisibles à nos âmes égarées au fond de leurs labyrinthes. »

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13 avril 2020 1 13 /04 /avril /2020 17:57

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-     Adapté du roman de John Steinbeck    -

        Kino, un pauvre pêcheur bolivien, trouve une magnifique et énorme perle de culture qui, dans un premier temps, servira à soigner son fils, mordu par un scorpion, Coyotito. Mais le bébé guérit sans l’intervention du médecin et Kino et son épouse Juana se voient déjà riches. Malheureusement cette perle attise les convoitises, les jaloux se pressent, le médecin revient pour essayer de subtiliser cette perle maudite. Une menace mortelle plane sur la petite famille qui finit par fuir. Mais Coyotito se fera tuer par une balle de fusil et Kino rendra la perle à la mer.

        J’avais adoré la lecture de La Perle de Sohn Steinbeck et j’ai beaucoup aimé cette adaptation aussi même si je n’ai pas tout à fait retrouvé la force du style de Steinbeck. Jean-Luc Cornette a tenté de reproduire la simplicité et la sobriété de l’écrivain : les dialogues sont très peu nombreux, les traits sont âpres, rugueux à l’image de la coquille d’huître. Comme le roman, la BD oscille entre conte et tragédie, tout en pointant du doigt l’humain, sa cupidité, son désir de grandeur, sa violence. Ce qui m’a manqué, ce sont peut-être certains mots si beaux qui auraient pu être repris, comme une des dernières phrases du roman :  « Et la musique de la perle s’estompa, ne fut plus qu’un murmure et se tut à jamais ».

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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 11:32

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          Gide est un de mes écrivains fétiches et je suis ravie de relire certains romans que j’avais oubliés (dernière lecture de celui-ci : il y a 10 ans !)

          La Porte étroite, c’est une lutte entre deux forces apparemment contraires : l’amour et la vertu. Jérôme, le narrateur, s’éprend de sa cousine, Alissa. Alors que cet amour réciproque semblait mener à une union officialisée, ils apprennent que Juliette, la jeune sœur d’Alissa est, elle aussi, éprise de Jérôme. Dans ces conditions, le mariage ne se fera pas. Pourtant, Juliette arrive à oublier son premier amour, se marie avec Edouard et quitte la demeure familiale. Alissa renonce néanmoins aux joies simples de l’amour pour se tourner vers un idéal inaccessible. Elle s’en remet à Dieu : « Grâce à toi, mon ami, mon rêve était monté si haut que tout contentement humain l’eût fait déchoir. J’ai souvent réfléchi à ce qu’eût été notre vie l’un avec l’autre ; dès qu’il n’eût plus été parfait, je n’aurais plus pu supporter … notre amour. »

       Nous suivons, à travers ce roman initiatique, l’évolution des sentiments et la progression du renoncement d’Alissa. Se voyant peu et s’écrivant beaucoup, les deux êtres semblent indissociables, unis pour toujours : « O mon frère ! je ne suis vraiment moi, plus que moi, qu’avec toi… » mais Alissa vise plus haut, toujours plus haut, et leur relation virtuelle et platonique cède peu à peu la place à une ambition plus élevée. Alissa prononce ainsi des phrases cruelles à l’égard de son bien-aimé : « De loin, je t’aimais davantage » ; « nous ne sommes pas n’a pour le bonheur » ou encore : « Tu tombes amoureux d’un fantôme ». Cette recherche d’absolu et d’abnégation conduira pourtant les deux amoureux au malheur. Alissa mourra seule et incomprise et Jérôme n’aura plus que le journal intime de sa promise pour se consoler. Elle écrit : « Lorsque j’étais enfant, c’est à cause de lui que je souhaitais d’être belle. Il me semble à présent que je n’ai jamais « tendu à la perfection » que pour lui. Et que cette perfection ne puisse être atteinte que sans lui, c’est, ô mon Dieu ! celui d’entre vos enseignements qui déconcerte le plus mon âme ». Cette remarque est importante. Pour Alissa, l’amour éprouvé pour Jérôme n’est qu’un tremplin pour atteindre une perfection éloignée des réalités terrestres. Plus loin dans son journal, elle écrira « Mon Dieu, vous savez bien que j’ai besoin de lui pour Vous aimer », cette ambigüité, cette complexité suivra les deux êtres jusqu’au bout et sera la source de souffrances immenses. Mais pour Alissa, ce sacrifice est nécessaire, le chemin étant inévitablement douloureux, long et « étroit ». « la route que vous nous enseignez, Seigneur, est une route étroite – étroite à n’y pouvoir marcher deux de front ».

       Juliette, la sœur d’Alissa, pourrait symboliser la raison qui se rallie aux joies terrestres, pratiques et maternelles. Elle préfère l’ordinaire à l’extra-ordinaire, le réel à l’idéal et… la vie à la mort. C’est en tous cas ainsi que j’ai perçu le récit. Je crois aussi qu’on peut voir en Gide un défenseur des bonheurs simples et accessibles. La porte étroite est le versant opposé de L’Immoraliste qui célèbre la liberté des sens, et aussi la première œuvre à succès de Gide.

       J’ai trouvé quelques points communs aussi entre ce récit et L’école des femmes, ne serait-ce que pour la forme, les deux se veulent plus ou moins autobiographiques, l’un comme l’autre nous présentent un journal intime ; et on sait que Gide était à la fois diariste et épistolier.

       Pour finir avec un peu plus d’humour (parce que l’œuvre est triste, je ne peux vous le cacher), je vous renverrai à l’atmosphère créée par Gide, délicieusement surannée, un brin désuète, qui, inévitablement, fait sourire…  ou dites-moi si vous avez les mêmes loisirs et occupations que nous personnages : « nous occupâmes la fin du jour à relire Le Triomphe du temps de Swinburne, chacun de nous en lisant tout à tour une strophe ». Et puis, on se soigne au lait. Cure de lait quand ça va mal. Les temps changent !...

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7 avril 2020 2 07 /04 /avril /2020 11:15

Résultat de recherche d'images pour "l'insouciance de tuil nrf"

      Après avoir beaucoup beaucoup aimé Les choses humaines de la même autrice, j’ai enfin extrait ce pavé qui se la coulait douce dans ma PAL depuis sa sortie.

      L’intrigue tourne autour de trois personnages :

Romain, lieutenant, a combattu en Afghanistan mais une embuscade ayant tourné au drame, il a perdu un de ses hommes, un autre se retrouve infirme ; et Romain, plutôt que de rejoindre avec joie femme et fils, se renferme dans sa douleur. Une rencontre improbable avec une journaliste écrivaine, Marion, lui permet de connaître une passion sans précédent.

François Vély, un riche entrepreneur, est le mari de Marion. Un malentendu, une bourde stupide le propulse au bas de l’échelle : il a été pris en photo sur une œuvre d’art qui n’est autre qu’une chaise représentée par une femme noire obscène. On l’accuse de racisme avant de creuser dans son passé de juif refoulé. Rien ne va plus entre lui et Marion.

Osman est un Ivoirien qui s’est lancé dans la politique et qui a réussi, ô précieuse victoire, à sortir de sa banlieue pour s’assoir à côté du Président de la République. C’est un texte qui défend publiquement François Vély qui va lui permettre d’accéder aux plus hautes sphères du pouvoir… mais à quel prix ?

      Ces trois-là vont finir par se retrouver en Irak, avec pour adversaire, la mort.

      D’une force indéniable, ce roman puise dans la fiction pour montrer une réalité cruelle… à moins que ce soit l’inverse ! Karine Tuil ne prend pas de pincettes, les hommes politiques sont tous hypocrites, cupides, des requins prêts à tout, les militaires reviennent complètement déments de leurs missions des plus insensées et un brin, un rien, une poussière suffit à renverser un homme puissamment célèbre. La « tragédie des origines » constitue un autre thème central dans un univers où la tolérance n’est qu’une façade. Le monde est corrompu et ne peut que conduire vers la fin de l’insouciance… J’ai terminé ce roman au 2ème jour de confinement et la justesse du propos n’en est parue que plus réaliste encore. Ou comment le virus sonne le glas d’une période légère et insouciante… Les choses humaines porte le même regard pessimiste sur notre société en déclin, j’ai préféré son style plus pêchu à celui de L’insouciance mais les deux restent à lire pour leur ton engagé, leur accent véhément et combatif.

Je vous livre exceptionnellement la fin du roman :

« Ce n’était pas une décharge de chevrotine, ils ne sont pas morts mais fêlés, disloqués – explosion intime, fracture interne, invisible, la radiologie ignore la géographie de la douleur morale ; ils continueraient à se lever, se coucher, ils se surprendraient à rire, ils feraient l’amour et ils aimeraient peut-être, mais ils ne seraient plus jamais ces jouisseurs adonisés, ces frondeurs, ils ne seraient plus ces ambitieux – ils oublieraient le temps où ils rêvaient d’un poste, d’un titre, d’une gloire honorifique, le temps de la compétition sociale où briller comptait plus que vivre – ils ont traversé l’épreuve, immobiles et fragiles, statufiés par la peur, puis alertés, réactifs, fuyant l’horreur, visage halluciné face à l’irrémissible, cœur percuté, corps terrassé, surpris par la violence de l’attaque – la défection du bonheur n’est précédé d’aucune annonce. Une part d’eux-mêmes est définitivement perdue. Une forme de légèreté. Ce qui restait de l’enfance. L’insouciance. »

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4 avril 2020 6 04 /04 /avril /2020 09:39

Résultat de recherche d'images pour "philippe rey Méditer -  Le bonheur d’être présent de Fabrice Midal, Corbeyran et Emmanuel Despujol"

       Fabrice Midal, philosophe et enseignant de la méditation, nous raconte le parcours qui l’a mené vers la méditation. Enfant mal aimé dans une famille traumatisée par la Shoah où le tabou et l’interdiction gouvernaient l’existence, Fabrice découvre un petit groupe de méditation qui lui plaît immédiatement. Lui qui ne s’est jamais senti à sa place, découvre qu’il a le droit d’exister. Des maîtres le guideront sur la bonne voie qui n’est pas forcément celle du bouddhisme, qui ne rejette pas la sexualité ; une pratique de la méditation ouverte au monde, curieuse, alerte, non dénuée d’humour.

       J’ai vraiment beaucoup aimé cet album. J’ai participé une seule fois à un groupe de méditation et ça m’a vraiment emballée. Pour l’instant, je ne me prends pas le temps de méditer quotidiennement mais la notion de pleine conscience est quelque chose que je pratique depuis quelque temps. Peu importe l’endroit : prendre quelques minutes et avoir conscience de son corps, de tous ses membres, interpeller ses cinq sens, qu’entends-je ? que vois-je réellement ? qu’est-ce que je sens ? Essayer d’accepter les émotions du moment, qu’elles soient bonnes ou mauvaises et c’est justement en les analysant de près que les émotions négatives perdent de leur force. Pour en revenir au livre, j’ai eu un peu de mal avec les dessins, très réalistes, figuratifs ; mais le récit de Fabrice Midal m’a embarquée parce qu’il s’oppose aux discours formatés, protocolaires et prout-prout, ai-je envie de rajouter, de certains maîtres tibétains qui sévissent à la manière de gourous au son de « La bonté est le chemin », etc. La sincérité, l’humilité et l’authenticité de Fabrice Midal m’ont plu.

Un livre - une pratique qui peuvent se montrer utiles actuellement… 

« On prend tendrement sa douleur dans ses bras et on fait la paix avec soi, avec la vie. Nous surmontons ainsi l’animosité que nous éprouvons envers nous-même. Car le drame majeur de tout un chacun, c’est la difficulté d’être ami avec soi. On s’en veut. On s’ne veut d’être trop ceci et pas assez cela. Entrer en affection avec soi, c’est aimer ce qu’il y a de blessé en nous, aimer nos fragilités, nos bizarreries, c’est aimer ce qu’on a refusé de reconnaître. »

« j’ai compris que la méditation , c’était le développement de l’attention et de la présence… mais pas seulement… l’autre aspect est une sorte de confiance en quelque chose d’insaisissable, quelque chose d’extrêmement précieux qui est en chacun de nous. Comme la source de ne notre propre humanité… »

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31 mars 2020 2 31 /03 /mars /2020 14:56

Résultat de recherche d'images pour "gaelle nohant la femme révélée grasset"

       Après avoir beaucoup aimé La Part des flammes, j’attendais l’occasion de lire un autre titre de cette autrice.

       Eliza a fui Chicago en catastrophe. Elle arrive à Paris en 1950, sans un sou, avec pour seul soutien son appareil photo qui ne la quitte plus. Pourquoi a-t-elle quitté son fils qu’elle adore pour changer de vie ? Pourquoi est-elle allée jusqu’à changer de nom, s’appelant désormais Violet Lee, pour se cacher ? Démarrant à zéro une nouvelle vie, Violet ne peut s’empêcher de repenser à sa première existence faite de faste et d’aisance, portée par l’amour de son fils unique. A Paris, elle est obligée de se trouver un travail et c’est sur l’amitié d’une prostituée qu’elle peut compter. Elle retournera à Chicago des années plus tard, au moment des émeutes qui secouent la ville, peu après l’assassinat de Martin Luther King.

       Difficile d’en dire beaucoup plus sans dévoiler l’intrigue principale de ce roman qui se dévoile petit à petit, très délicatement. J’ai encore une fois beaucoup apprécié l’écriture de Gaëlle Nohant, sa fluidité mais aussi son élégance. Le contexte historique est aussi important que les personnages et ce va-et-vient entre Chicago et Paris m’a bien plu. Dans la dernière partie du roman, la petite histoire fictive des personnages cède sa place à la grande Histoire, on a l’impression que l’autrice s’est laissée elle-même emportée par la fougue des événements de 68 mais elle en parle si bien qu’on croit y être. Entre mouvements hippies, émeutes raciales, guerre du Vietnam mais aussi émancipation de la femme et réflexions sur la liberté, le roman instruit autant qu’il amuse ; empli d’humanité, il ne tombe pas dans les pièges du manichéisme ni de l’idéalisme. A lire !

L’amour n’est pas en reste dans ce beau roman : « Je respire mieux quand tu es là. »

En 68, à Chicago, Violet se fait reporter : « Je m’étais hissée sur un rocher, puis sur un banc, cherchant le bon cadrage, pressée, le cœur battant, j’avais étudié la lumière et le contre-jour, choisi le téléobjectif, pressentant que je tenais LA photo, celle qui raconterait ce que ces gamins étaient en train de vivre. Elle me consolait de toutes celles que j’avais manquée par précipitation, ou que je n’avais pas eu le courage d’aller chercher. »

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28 mars 2020 6 28 /03 /mars /2020 17:07

Résultat de recherche d'images pour "Une "rivière verte et silencieuse" d’Hubert Mingarelli c"

       On choisit parfois une lecture pour de très piètres raisons… mon choix s’est dirigé vers cet écrivain parce qu’il est mort quelques jours auparavant, le 26 janvier, et que je ne le connaissais absolument pas.

       Le narrateur s’appelle Primo, c’est un petit garçon qui vit seul avec son père. Pour s’occuper, il s’est fait un tunnel parmi les très hautes herbes qui jouxtent la maison. Il s’amuse à s’y perdre, à s’y retrouver, à scruter son ombre, à évaluer les distances et même l’heure de la journée en fonction de la place du soleil. Son père espère gagner de l’argent en faisant grandir des rosiers dans des pots que Primo aide à déplacer en fonction du soleil. Primo ne semble pas dérangé par sa vie misérable même s’il rêve de s’acheter certaines choses au magasin d’à côté, peut-être même un morceau d’une rivière où son père allait jadis pêcher…

       D’une naïveté désarmante, ce petit roman puise sa force dans sa simplicité. J’ai été charmée dès les premières phrases, j’ai adoré ce petit garçon docile et candide, je suis encore émue devant ce condensé d’essentiel, cette sobriété si juste, l’amour des mots. C’est vraiment agréable à lire et on est presque frustrés que ce soit si court (120 pages), j’y reviendrai à cette jolie écriture.

« Une seule fois j’y allai marcher le soir. Il faisait nuit lorsque je fis demi-tour au bout. Le vent s’était levé et les fils de soie m’accompagnèrent jusqu’à la sortie. Je n’avais pas peur. Je regardais le ciel étoilé en écartant légèrement les bras, et les herbes me servaient de guide pour marcher droit. Pas de bruit dans la nuit, sauf les fils de soie et mes pas sur l’herbe morte. Le ciel étoilé était silencieux. Et soudain une étoile filante. Non, ce n’est pas vrai. J’ai dit ça parce que j’aurais aimé en voir une, ce soir-là. »

 

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25 mars 2020 3 25 /03 /mars /2020 11:06

Résultat de recherche d'images pour "Penss et les plis du monde de Jérémie Moreau"

        Quelque part entre monts, vallées et rivières, à la Préhistoire. Penss est un rêveur contemplatif, amoureux de la nature, il préfère admirer se mystères plutôt qu’aller pêcher et chasser avec son clan. Il désespère sa mère qui tente de la ramener à la raison, en vain. Fils et mère se retrouvent seuls et désœuvrés et la vieille, dénutrie, finit par mourir après avoir demandé à Penss de manger son cadavre pour survivre. Penss, dès le retour du printemps, poursuit son obsession : gouverner le monde qui l’entoure, lui arracher ses plus grands secrets, être plus fort, indépendant et nourri correctement en toutes saisons. Pour faire simple, il se met à faire un jardin. Un autre clan le rejoint et cela crée, inévitablement, des frictions, des tensions, des incompréhensions. Pourtant, certains semblent comprendre l’intérêt des idées de Penss. Mais le garçon reste présomptueux et un peu trop sûr de lui pour connaître un succès franc et complet.

        Je suis sûre que certains crieront au chef d’œuvre et je n’en ferai pas partie. Certes, les dessins sont de toute beauté et rendent justice à une nature riche et parfois encore intacte, foisonnante mais aussi cruelle. La disposition et la taille des cases font souvent preuve d’originalité. On ne peut qu’adhérer au message très actuel : clouons le bec à l’homme qui n’a qu’à s’adapter intelligemment à la nature sans se croire supérieur à elle. Pourtant, j’ai trouvé ça parfois lourd de clichés, répétitif et vraiment très long de manière générale. J’ai été touchée par 3,4 pages et sur 231, ça fait peu. Tant mieux si un certain lectorat y trouve son compte.

« Comme les arbres, on se déplie. On lance nos branches pour attraper la lumière… on crache nos racines en quête d’un peu d’eau. On s’étire… tant bien que mal en espérant être suffisamment résistant à la prochaine tempête. Et de même font les animaux et les plantes… Le monde comme une immense forêt de plis à la recherche de la vie ! »

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21 mars 2020 6 21 /03 /mars /2020 08:22

 

Résultat de recherche d'images pour "La vie interdite de Didier van Cauwelaert"

       Confinement jour 6. Ce billet a été programmé il y a quelques semaines mais … comme ce titre résonne à nos oreilles actuellement! Prenez soin de vous et vivez !

         « Je suis mort à sept heures du matin. » : d’emblée le cadre est posé, Jacques, le narrateur – 34 ans -est mort mais il se voit, il observe la scène d’un regard extérieur sans avoir de corps, il se souvient de son passé, il passe d’un endroit de la ville d’Aix-les-Bains à un autre. Quincailler raté qui détestait son métier, marié à Fabienne qu’il n’aime plus mais qui, elle, adore la quincaillerie, Jacques dormait avec sa maîtresse au moment de sa mort. Vivotant et pas forcément fier de lui, il se rend compte que sa mort rend plutôt service à son entourage. Evidemment, sa sœur Brigitte fond en larmes mais son fils de huit ans va sans doute se mettre à idéaliser son père qui a tout raté de son vivant. Son père de cœur, Alphonse, lui parle encore tandis que sa veuve de femme, Fabienne, change étrangement de mode de vie. Jacques se plaît même à la découvrir autrement… ne l’aurait-il pas vraiment comprise de son vivant ? N’oublions pas Naïla, la maîtresse, la jolie vendeuse de voyages un peu menteuse et Odile, depuis toujours secrètement amoureuse de Jacques mais mariée à son meilleur copain.

        Je ne sais pas pourquoi ce roman dormait dans ma bibliothèque, comment il avait atterri là il y a fort longtemps mais, pour la petite histoire, il a été acheté en 2003 à 5.20 euros et il vaut maintenant deux euros de plus… Bonjour l’inflation. Parenthèse refermée.  Vous l’aurez compris, l’écrivain démarre son livre avec une accroche forte qu’on peut détester et qui sent le réchauffé et pourtant, ça fonctionne plutôt bien. On attend de voir la suite, la découverte de la mort, la réaction attendue ou non des proches, la fin de la mort - la fin de la fin en quelque sorte. Les personnages sont vraiment bien choisis, ils frôlent parfois la caricature mais on se croirait dans une comédie brillamment réussie où les êtres ont la faculté d’évoluer. Et, comme souvent chez Van Cauwelaert, l’humanité et la tendresse prennent le dessus et vous emballent tout ça dans un joli paquet cadeau. Une bonne pioche où se mêlent harmonieusement agréables moments de lecture et réflexions sur la mort et l’au-delà.

« Le Paradis n’est peut-être qu’un genre d’hospice, quand plus personne ne peut vous accueillir sur terre. »

« L’Enfer, c’est pour ceux qui n’ont jamais pris de risques. Qui se sont laissés vivre sans se remettre en question, sans rien faire, ou alors, comme mon père, en emmerdant les autres, en profitant d’eux. »

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17 mars 2020 2 17 /03 /mars /2020 13:34

Résultat de recherche d'images pour "Les jours de mon abandon d’Elena Ferrante"

       Olga, 38 ans, mère de deux enfants, reste à la maison depuis des années pour tenter d’écrire un livre, et son mari la quitte, brusquement et imprévisiblement, un après-midi d’avril. Commence alors la longue descente aux enfers. Mario, le mari, a quitté sa femme pour une jeune fille avec qui il entretenait une liaison depuis les 15 ans de Clara. Olga les imagine en train de faire l’amour, elle se néglige, délaisse ses enfants, son hygiène et son appartement turinois. Petit à petit, le père reprend les enfants le week-end mais ils reprochent à leur mère d’être choyés chez leur père, admiratifs de sa maîtresse. Et Olga plonge dans la dépression encore un peu plus. Désespérée, elle offre son corps au voisin musicien bien plus âgé qui ne comprend rien. L’acmé de cette crise qui dure des mois se situe un soir où le chien de la famille agonise dans une pièce pendant que le fils vomit et délire dans sa chambre, affaibli par un virus. Et Olga ne sait plus quoi faire, distraite par des pensées parasites, elle demande à sa fille de lui piquer la jambe, régulièrement, avec un coupe-papier. Elle a des hallucinations, se retrouve incapable d’ouvrir la porte d’entrée et de demander de l’aide.

       J’ai failli arrêter ma lecture, déstabilisée par le glauque, le sordide et le vulgaire de l’histoire de cette femme trompée, « rompue » (la référence vient de Simone de Beauvoir). Au début, j’ai même cru qu’il y avait une part d’ironique et de second degré avant de comprendre que je m’étais trompée. Ce qui m’a le plus dérangée, ce sont les répercussions sur les enfants, les obscénités et la folie dévastatrice de la narratrice. Alors pourquoi n’ai-je pas abandonné ? Sans doute que, derrière ce tableau apocalyptique, j’y ai trouvé une grande justesse dans la manière de dépeindre la détresse de la femme humiliée. On a envie de la secouer pour qu’elle lutte plutôt que de sombrer mais, heureusement, après cette nuit épouvantable, elle remonte doucement la pente. On est aussi amenés à s’interroger sur le coupable qui ne fait finalement que de maigres apparitions mais qui porte les responsabilités du chaos. Je reste très surprise de savoir que c’est la même Elena Ferrante qui a écrit L’Amie prodigieuse. Même si, en y réfléchissant bien, des points communs émergent : la mince frontière entre équilibre et folie, l’adultère, l’amour ou plutôt le désamour filial.  Je ne regrette pas cette lecture mais j’avoue l’avoir détestée par moments.

       Manou a sans doute plus apprécié que moi mais je me retrouve dans son billet et nous avons même une citation en commun.

« Tout était si fortuit. J’étais tombée amoureuse de Mario encore jeune fille, mais j'aurais pu tomber amoureuse de n'importe qui d'autre, d'un corps auquel nous finissons par attribuer je ne sais quelles significations. Un long lambeau de vie passée ensemble et on pense que c'est le seul et unique homme avec qui on aimera vivre sa vie, on lui attribue certaines vertus résolutoires, et c'est, au contraire, seulement un bois émettant des sons de fausseté, on ne sait qui il est véritablement, il ne le sait pas davantage lui-même. Nous sommes des occasions. Nous consumons et nous perdons notre vie parce que, en des temps reculés, tel ou tel a été gentil avec nous, il nous a élue parmi les femmes, tellement il avait envie de décharger son braquemart dans notre corps. Nous prenons son banal désir de foutre pour quelque gentillesse exclusivement adressée à notre personne. Nous aimons son envie de baiser avec nous, avec nous seulement. Oh oui, lui qui est si spécial et qui nous a reconnue "spéciale". Nous lui donnons un nom, à cette envie du braquemart, nous la personnalisons, nous l'appelons mon amour. Au diable tout cela, quelle foutue bévue, quelle flatterie dépourvue de fondement. »

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