La narratrice, à 4 ans, entend sa première déclaration d’amour : « Je t’aime parce que tu as les yeux ronds ». Mais même si elle se trouve dans une « salle des mariages », la narratrice s’intéresse surtout au concert de musique classique auquel elle assiste. Etienne, elle s’en occupera et le convoitera plus tard … Et elle le recroisera souvent, à l’adolescence d’abord, lorsque celui-ci aura complètement oublié la fillette de 4 ans et qu’il tombera éperdument amoureux d’une Antonia. A l’âge adulte, lui avec un bébé dans les bras – sans Antonia. Plus tard encore et cet « éternel fiancé » comptera pour elle.
Malgré un point de départ que je n’ai pas trouvé crédible du tout, cette fille à qui on conte fleurette à 4 ans, qui s’en fiche mais regrettera et sera toujours attachée à son petit prétendant, malgré un manque de fluidité dans l’ensemble du roman, j’ai apprécié cette lecture très agréable. Certains passages sont de pure beauté et d’une justesse remarquable. Il y a quelque chose de touchant et de très sensible dans l’écriture et dans la vision du monde de cette romancière que je découvre pour la première fois. C’est dommage que l’ensemble soit décousu et en même temps, ce désordre fait le charme du livre… vous l’aurez compris, j’ai du mal à émettre un avis tranché mais je trouve quand même que le roman vaut la peine d’être découvert.
Le livre a fait partie de la deuxième sélection du Prix Goncourt 2021.
Une famille peu ordinaire : « Nous étions le monde et mon regard demeurait comme myope au reste de l’univers. »
Deux belles réflexions sur l’adolescence :
« Adolescents, nous étions des brutes fragiles. Cœurs de cristal et mains maladroites en forme d’enclume. D’un geste nous faisions voler en mille échardes transparentes nos rêves communs, les secrets partagés, les heures au téléphone, les promesses. »
« J’ignorais alors que les adultes, à force d’être trahis et abandonnés par les adolescents, se préservent du chagrin que cela risquerait de leur causer en anticipant leur fuite. Ils se laissent rejeter sans protester, sans opposer de résistance, quitte à ce que ce fair-play qui les protège brise le cœur des jeunes gens. »
L’amour d’Etienne pour la narratrice – à 4 ans : « Un amour né dans une ardeur que l’érosion des années étaient chez les adultes. On se méprend quand on juge mineures les passions de jeunesse, ces incendies précoces. Certains cœurs sortent calcinés de l’enfance. Personne n’en porte le deuil. On sourit face aux cendres. »