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1 octobre 2021 5 01 /10 /octobre /2021 10:27

Livre: L'Eternel Fiancé, Agnès Desarthe, Éditions de L'Olivier, Littérature  Française, 9782823615821 - Leslibraires.fr

         La narratrice, à 4 ans, entend sa première déclaration d’amour : « Je t’aime parce que tu as les yeux ronds ». Mais même si elle se trouve dans une « salle des mariages », la narratrice s’intéresse surtout au concert de musique classique auquel elle assiste. Etienne, elle s’en occupera et le convoitera plus tard … Et elle le recroisera souvent, à l’adolescence d’abord, lorsque celui-ci aura complètement oublié la fillette de 4 ans et qu’il tombera éperdument amoureux d’une Antonia. A l’âge adulte, lui avec un bébé dans les bras – sans Antonia. Plus tard encore et cet « éternel fiancé » comptera pour elle.

       Malgré un point de départ que je n’ai pas trouvé crédible du tout, cette fille à qui on conte fleurette à 4 ans, qui s’en fiche mais regrettera et sera toujours attachée à son petit prétendant, malgré un manque de fluidité dans l’ensemble du roman, j’ai apprécié cette lecture très agréable. Certains passages sont de pure beauté et d’une justesse remarquable. Il y a quelque chose de touchant et de très sensible dans l’écriture et dans la vision du monde de cette romancière que je découvre pour la première fois. C’est dommage que l’ensemble soit décousu et en même temps, ce désordre fait le charme du livre… vous l’aurez compris, j’ai du mal à émettre un avis tranché mais je trouve quand même que le roman vaut la peine d’être découvert.

Le livre a fait partie de la deuxième sélection du Prix Goncourt 2021.

Une famille peu ordinaire : « Nous étions le monde et mon regard demeurait comme myope au reste de l’univers. »

Deux belles réflexions sur l’adolescence :

« Adolescents, nous étions des brutes fragiles. Cœurs de cristal et mains maladroites en forme d’enclume. D’un geste nous faisions voler en mille échardes transparentes nos rêves communs, les secrets partagés, les heures au téléphone, les promesses. »

« J’ignorais alors que les adultes, à force d’être trahis et abandonnés par les adolescents, se préservent du chagrin que cela risquerait de leur causer en anticipant leur fuite. Ils se laissent rejeter sans protester, sans opposer de résistance, quitte à ce que ce fair-play qui les protège brise le cœur des jeunes gens. »

L’amour d’Etienne pour la narratrice – à 4 ans : « Un amour né dans une ardeur que l’érosion des années étaient chez les adultes. On se méprend quand on juge mineures les passions de jeunesse, ces incendies précoces. Certains cœurs sortent calcinés de l’enfance. Personne n’en porte le deuil. On sourit face aux cendres. »

 

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28 septembre 2021 2 28 /09 /septembre /2021 16:56

Milwaukee Blues - Louis-Philippe Dalembert - SensCritique

Emmett est mort. Emmett a été tué. Emmett, un Afro-Américain d’un quartier pauvre de Milwaukee, a été assassiné par un flic blanc. Emmett a été victime d’une bavure policière alors qu’il était loin d’être un criminel. C’est le vendeur pakistanais qui a composé le Nine-one-nine et qui le regrette chaque jour. Emmett a présenté un faux billet, il a été arrêté, n’a pas bronché et le flic blanc l’a écrasé de tout son poids jusqu’à ce qu’il étouffe puis meure. Le caissier va passer la parole à l’institutrice d’Emmett qui passera le flambeau à sa meilleure amie, Authie. Nous entendrons aussi les voix du pote d’enfance, du coach, de la fiancée, de l’ex. La dernière partie du roman narre les préparatifs de la marche en hommage à Emmett, le jour des funérailles qui a vu les rues de la ville noires de monde et le discours plein de force et d'énergie de la révérende.

L’auteur s’est évidemment inspiré de la mort de George Floyd heureusement très médiatisée pour évoquer non seulement cette abjecte discrimination mais aussi traiter de la vie de ce quartier de Milwaukee, Franklin Heights, très pauvre et presque uniquement habité par des Noirs. La force du roman réside en sa polyphonie, toutes ces voix qui s’élèvent pour raconter qui Emmett a été forment une immense étoile scintillante. Les morceaux du puzzle de sa vie et de son identité s’imbriquent les uns aux autres, se complètent et finissent par constituer un bel hommage au personnage central. J’ai beaucoup aimé la diversité des tons, des approches et des points de vue qui donnent de la profondeur au personnage en privilégiant sa part d’humanité au détriment de sa couleur. D’intéressantes réflexions jalonnent le roman comme la difficulté de survie pour un couple mixte, les défaillances des pères qui bien souvent, s’en vont, le carcan du quartier dont trop peu s’échappent, la part de responsabilité de l’homme blanc et son engagement. Le pessimisme laisse une petite place à l’espoir qui jaillit parfois, par petites étincelles, et explose dans un beau feu d’artifice final avec le magnifique prêche de la révérende, Ma Robinson. Une très belle lecture en somme !

Le livre a fait partie de la deuxième sélection du Prix Goncourt 2021.

Stokely, le copain d’enfance d’Emmett a été, un temps, guetteur puis dealer : « Un marmot, ça attire moins l’attention, vous comprenez ? Saut si, bien sûr, il est noir et le flic blanc. C’est comme ça ici. Aux yeux des keufs, avant d’être un môme, t’es noir. Ils peuvent te buter s’ils te voient jouer avec un pistolet factice. Après, ils n’auront qu’à dire au juge qu’ils s’étaient sentis menacés. »

Une petite merveille que ce poème de Langston Hughes, le poème préféré des filles du coach :

LA MERE À SON FILS

Eh bien mon fils, je vais te dire quelque chose :
La vie ça n’a pas été pour moi un escalier de verre.
Il y a eu des clous,
Des échardes,
Et des planches défoncées,
Et des endroits sans moquettes,
A nu.
Mais quand même,
Je grimpais toujours,
Je passais les paliers,
Je prenais les tournants,
Et quelquefois j’allais dans le noir
Quand y avait pas de lumière.
Alors mon garçon faut pas retourner en arrière.
Faut pas t’asseoir sur les marches
Parce que tu trouves que c’est un peu dur.
Et ne va pas tomber maintenant…
Parce que, mon fils, moi je vais toujours,
Je grimpe toujours,
Et la vie ça n’a pas été pour moi un escalier de verre.

Ma Robinson, aux Noirs qui dénigrent le soutien des Blancs : « Si tu as soif et que quelqu’un te donne un demi-verre d’eau, tu ne dis pas : « Quel pingre ! Le verre n’est pas plein. » Tu bois, tu reprends un peu d’énergie pour avancer, pour continuer à te battre afin d’obtenir plus. »

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24 septembre 2021 5 24 /09 /septembre /2021 13:51

Seule en sa demeure de Cécile Coulon - Grand Format - Livre - Decitre

Je trempe enfin un bout d’orteil dans cette rentrée littéraire et encore, je n’ai aucun mérite, c’est Tiphanie qui m’a prêté ce livre (merci à elle !)

Un mariage arrangé au XIXème siècle. Les parents d’Aimée sont contents d’avoir trouvé un mari pour leur fille chérie, le cousin et complice d’enfance, Claude, voit d’un mauvais œil le départ d’Aimée. La jeune femme, à peine dix-huit ans, s’en va seule, rejoindre son époux - très pieux - dans une vaste maison dirigée par Henria, la gouvernante aussi discrète qu’efficace. Elle peine à s’habituer aux lieux, à cette ferme du Jura, à une certaine opulence et surtout aux attentions de Candre, un riche propriétaire terrien qui a perdu sa mère lorsqu’il était enfant puis sa première femme, Aleth, après quelques mois de mariage. Le respect, l’écoute et même l’amour sont des qualités dont fait preuve le mari. Aimée a joué de la flûte étant jeune ? Candre fait venir à elle la meilleure des professeurs qui fait le déplacement depuis Genève. Ce tableau idyllique s’effrite et se craquelle de toute part quand Aimée cherche à connaître la vérité sur les circonstances de la mort d’Aleth ; la présence du fils d’Henria, Angelin, un garçon aussi beau que muet, l’intrigue également.

Je suis très vite entrée dans cet univers d’un autre temps et j’ai beaucoup aimé accompagner cette jeune femme à la fois naïve et courageuse. Cécile Coulon parvient toujours à planter le décor en quelques phrases, à faire d’un endroit un personnage à part entière ; la poésie et la force de son langage ne laissent pas le lecteur indifférent. Comme souvent, le roman flirte avec le conte (on peut y voir une réécriture de « Barbe-Bleue ») mais l’autrice préfère le qualifier de « polar poétique ». J’ai également pensé aux Hauts de Hurlevent avec cette jeune fille envoyée seule dans un univers inconnu. J’ai aimé le personnage de Candre, cet être irréprochable en apparence, qui devient une « diablerie déguisé en dévotion. » Je crois que je ne suis pas la seule à penser qu’on aurait pu rajouter quelques centaines de pages à ce roman et s’enfoncer davantage dans cette brume qui moussait, non loin de la forêt d’Or… ... Un grand bonheur de lecture !

Ma dernière lecture de l'autrice : Une bête au paradis.

« En cette saison, les arbres se rapprochaient des hommes : leurs doigts attrapaient les vestes, grattaient les cheveux, froissaient les pantalons, les feuilles rousses dessinaient sous le ciel un deuxième toit pourpre, les ouvriers marchaient sous une mer de sang suspendue aux branches, l’air circulait à peine, prisonnier entre les troncs larges comme des cercueils. La terre suffoquait, écrasée par ces géants, et les hommes, moins agiles que les bêtes, plus violents que les cieux, se contorsionnaient, ils brûlaient de désir et de mélancolie dans des maisons fragiles qu’ils croyaient solides, ils s’enfonçaient dans des femmes à la peau malade, qui voyaient, elles, la forêt d’en haut, lui parlant dans la nuit, comme on parle à Dieu ou à une meilleure amie. »

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21 septembre 2021 2 21 /09 /septembre /2021 14:36

Chroniques de jeunesse - broché - Guy Delisle, Guy Delisle - Achat Livre |  fnac

Par le passé, j’ai lu pas mal d’albums de Delisle, j’ai été contente de me plonger à nouveau dans ses dessins, dans son univers.

Guy a 16 ans, il postule dans l’usine où travaille son père en tant que dessinateur industriel, une usine de papier québécoise pour un job d’été. Il découvre un métier difficile, éreintant, supposant de maîtriser d’énormes machines, le tout dans une atmosphère bruyante et trop chaude. Guy rêve d’être dessinateur de BD, il travaille la nuit dans cette usine et s’isole des jeunes de son âge. Il rencontre des hommes très différents qu’il plaint de travailler douze mois dans l’année dans cet enfer.

Même si le sujet n’est pas des plus passionnants, ça m’a plu de découvrir cet univers de papier et surtout cette première expérience dans le monde du travail pour un adolescent québécois. Je garde moi-même de forts souvenirs de mes jobs d’été que j’ai – pour la plupart – détestés. Il est utile de passer par là pour savoir ce qu’on veut et ce qu’on ne veut pas faire. Delisle évoque des ouvriers sans les juger et c’est toujours avec une grande humilité et une certaine dignité qu’il traite ses sujets. Le lecteur est content pour lui quand, à la fin, il se fait embaucher par un producteur et qu’il quitte cette usine qui « continuera à tourner et à fumer nuit et jour, hiver comme été. » Je suis en panne de BD en ce moment et je dois dire que je n’ai pas grand-chose de plus à rajouter pour celle-ci.  

Chroniques de jeunesse de Guy Delisle - Album - Livre - Decitre

 

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17 septembre 2021 5 17 /09 /septembre /2021 09:10

Entre deux mondes - Olivier Norek - Y'a d'la Joie!

En Syrie, Adam, un agent double, doit fuir mais, dans un premier temps, pour ne pas se faire remarquer, il envoie sa femme Nora et sa petite fille Maya rejoindre l’Europe avant lui. Le pari est risqué mais grâce à certains contacts, elles parviennent à sortir du pays avant de rejoindre la Lybie via l’Israël. De là part un Zodiac de quinze mètres empli de réfugiés, tous serrés les uns contre les autres. Et la petite Maya tousse, elle risque de faire repérer le bateau durant cette sortie nocturne, elle risque aussi de contaminer les autres… Quelques centaines de kilomètres plus loin, le lieutenant Bastien Miller prend ses nouvelles fonctions au commissariat de Calais. Il découvre la Jungle, cet immense bidonville où sont entassés les réfugiés qui espèrent passer en Angleterre. Le manque de personnel et les réflexions malveillantes de certains collègues agacent Bastien mais c’est un homme juste et bon, l’avenir le prouvera. Adam parvient finalement à atteindre la Jungle seul, à la recherche de sa femme et de sa fille, introuvables… Les deux hommes vont se rencontrer, un petit garçon persécuté qu’Adam aura sauvé viendra compléter le trio.

Mais quelle claque formidable que ce roman ! Je ne sais pas pourquoi il est classé parmi les polars parce que - et je respecte cette catégorie - c’est bien plus qu’un polar, c’est un roman poignant, sensible, humain, glaçant de vérité. Il porte bien son titre, deux univers diamétralement opposés se rencontrent et c’est le choc. Olivier Norek ne prend pas position, il nous emmène discuter avec les flics qui sont rompus à cette « chasse » aux migrants et également auprès des Calaisiens pour qui la vie a changé, bouleversant l’économie, fermant les boutiques et stoppant la venue des touristes. Quant aux réfugiés et à leur formidable espoir de s’en sortir, ils ne sont pas non plus dépeints de façon manichéenne, il y a les salauds, ceux qui se méfient et quelques anges. J’avais ressenti le même genre d’émotions à la lecture des Échoués de Pascal Manoukian ou d’Eldorado de Gaudé, ou encore en regardant La Pirogue de Moussa Touré. Des passages indispensables pour relativiser nos petits problèmes du quotidien.

Un coup de cœur !

Le tragique voyage de Nora et Maya : « Alors qu’il restait encore de nombreux passagers à imbriquer dans la masse déjà compacte de migrants, une vague frappa plein flanc et jeta en pluie dense plusieurs centaines de litres d’eau salée au-dessus d’eux. Ils voyaient encore la plage qu’ils étaient déjà transis de froid. Dans près de cinq cents kilomètres, ils auraient rejoint le port de Pozzalo, en Italie. Cela pouvait prendre une nuit. Comme trois. »

Ça n’arrange personne que les flics interpellent les migrants quand il n’y pas meurtre. Donc la police se contente de les éloigner de l’autoroute pour qu’ils ne montent pas dans les camions : « On tire tellement de grenades lacrymo qu’elles arrivent toutes les semaines par palettes. Il y en a plus à Calais qu’à la réserve nationale du RAID. D’après le commissaire, on en a claqué pour près de deux millions d’euros en une année. Et pour zéro interpellation. »

J'avais lu Surtensions du même auteur, excellent polar.

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14 septembre 2021 2 14 /09 /septembre /2021 15:08

Une histoire des loups - Poche - Emily Fridlund - Achat Livre ou ebook |  fnac

            Madeline, surnommée la Soviet ou la Cinglée, à 14 ans, vit avec ses parents hippies dans une maison misérable complètement perdue à 10 kms à pied de son école. Nous sommes dans le Minnesota, il y fait souvent froid, les bois sont sombres, les lacs gelés. Dans cet univers hostile, Madeline voit se construire, en face de chez elle, une belle villa vite remplie par une famille. Elle lie connaissance avec la jeune mère citadine dépassée par cette situation isolée et le petit garçon, Paul, de quatre ans. Le père étant souvent absent, la mère embauche Madeline en tant que baby-sitter. Même si le comportement de l’ado est plutôt étrange, la mère lui fait confiance. Côté bizarrerie, le couple n’est pas en reste, le père est sévère, la mère a parfois une attitude d’ado et les deux sont englués dans une sorte de secte qui préfère croire qu’on peut tout gérer grâce à ses émotions…

Tout est étrange dans ce roman, la tragédie qu’on sent venir de loin et qui apparaît soudainement, les fils de cette même tragédie qui se déroulent de manière sinueuse, les personnages peu attachants. Il en résulte un rythme lent et une tension qui retombe trop souvent. Rajoutons que le titre est mensonger car de loups, il n’y en aura point. J’ai mis un temps fou à lire ce roman, ma lecture a manqué de fluidité. Cependant, il faut admettre que de nombreux passages très nature writing sont passionnants à lire, que l’écriture est belle et qu’il y a peut-être du David Vann là-dedans, à balancer de la violence sans donner d’éclaircissement très rationnel.

« comprendre que la mort est simplement une croyance erronée que toute chose puisse avoir une fin. Aucun de nous ne va disparaître, pas dans la réalité. Tout ce qui change, c’est notre façon de percevoir les choses. »

 

Les premières sorties de Madeline et de Paul : « Il n’était pas aussi ennuyeux que je le pensais. Il disait « attention » aux écureuils, s’énervait contre les détritus, lavait les boulets de canon jusqu’à ce qu’ils se dissolvent dans un canoë échoué repli d’eau. Je lui appris à plier des brindilles pour baliser le chemin du retour, à marcher sur la partie des rochers recouverte de lichen, moins glissante. Pour briser le silence, pour nous donner quelque chose à faire, je me mis à nommer tout ce que l’on croisait. Épigée rampante. Mésange à tête noire. »

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10 septembre 2021 5 10 /09 /septembre /2021 19:58

L'absolue perfection du crime - Tanguy Viel - Librairie Mollat Bordeaux

Après le formidable Article 353 du code pénal, je ne pouvais que vouloir poursuivre avec cet auteur.

Une côte bretonne, il y a quelques années. Le narrateur, plus ou moins contraint par Marin, un copain qui a fait trois ans de prison, se prépare à participer au braquage d’un casino. Avec Andrei, Luciano et Jeanne, ils ont tout prévu, de l’entrée tonitruante déguisés en richards à la sortie du magot par montgolfière téléguidée. Le casse est prévu pour le 31 décembre. Evidemment, on sait d’emblée que ça sent le roussi et que cette « famille » de petits mafieux risque gros malgré une préparation minutieuse. Le narrateur n’y croit pas vraiment d’ailleurs, obéit surtout à ce Marin qu’il craint et on le retrouve sept ans plus tard à sa sortie de prison. Comment le braquage s’est-il déroulé ? Le roman y répond sans tout dévoiler tout de suite et garde une part pour « l’après », assez savoureux également.

Après une entrée en matière un peu laborieuse, le roman prend de l’ampleur, gagne en force et en suspense. Cette mafia bretonne titubante est attachante, on a envie qu’ils réussissent leur coup même si « l’Oncle » à la tête de ce petit groupe meurt rapidement à un âge très avancé. C’est parfois drôle, parfois teinté d’ironie, les personnages essaient tout en sachant que c’est perdu d’avance. J’avais lu Comment voler une banque de Donald Westlake il y a presque dix ans, les deux romans se ressemblent avec leur lot de désillusions, d’anti-héros et de projets chimériques. On peut aussi songer à un Ian Levison, avec une verve satirique moins omniprésente. Ou penser au cinéma américain, évidemment. Même si je suis loin de l’engouement de l’Article 353 du code pénal, j’ai beaucoup aimé cette lecture, bien divertissante, et je continuerai ma découverte de ce romancier.

Le narrateur s’adresse silencieusement à Marin : « Et on a continué à t’obéir, à s’agacer bien sûr, à surveiller tes nerfs bien sûr, mais obéir aux lois terrées d’une vie commune. Je me suis demandé souvent, Marin, ce qui fait que toujours on s’encorde à ce qu’on déteste. Mais je ne te détestais pas, Marin, on ne te détestait pas, parce qu’on était de la même famille. Et cela, cette famille, même mort il faudra l’honorer. »

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7 septembre 2021 2 07 /09 /septembre /2021 14:39

Les Mains de Ginette de Marion Duclos, Olivier Ka - Album | Editions  Delcourt

Ginette a de belles mains, les plus belles que Marcelin Gavoche n’ait jamais vues. Et il s’y connaît, Marcelin, en mains, puisqu’il vend des gants de toutes sortes dans sa droguerie. Il a l’art de savoir vendre, d’expliquer à ses clientes pourquoi il trouve pour elle le « produit parfaitement adapté à la nature de leur peau et à la morphologie de leurs doigts. » Disons-le clairement, Marcellin tombe amoureux des mains de Ginette, pour elle, pour elles, il accomplit le meilleur, la couvre de cadeaux et d’amour. La préposée aux postes et le droguiste se marient et contaminent, par leur bonheur, le village entier. Mais au fil des mois, Ginette devient de plus en plus suspicieuse, toutes les mains vues par Marcelin à la boutique ne le tenteraient-elles pas ? N’a-t-il d’ailleurs pas déjà succombé à une fille qu’il gante ? La jalousie de Ginette prend des proportions drastiques, elle empêche son mari d’aller où bon lui semble, elle le force à préférer la vente de l’électroménager à celle des gants, elle regarde avec mépris les mains de toutes les clientes de la poste. Marcelin, tellement amoureux, accepte tout mais ses meilleurs copains ne voient pas cette tyrannie du même œil. Il faut que cela cesse !

Une histoire plutôt sombre et même tristounette puisque ça ne termine pas très bien même si le lecteur ne risque pas de s’attacher à Ginette, une femme mauvaise et toxique comme on dirait de nos jours… L’histoire a pour cadre un petit village des années 60 et nous invite à entrer dans la boutique de la parfaite petite ménagère. Les dessins attrayants sont très colorés et avec ses bigoudis et ses papiers peints à grosses fleurs, nous projettent bien dans cette époque. Mais mais mais, j’ai ressenti une petite déception quant à l’intrigue (c’est pourtant Olivier Ka !), tout ça se lit très bien mais il manque un peu d’humanité dans cette histoire de vie ratée ou un peu de piquant qui permettrait de rendre l’album marquant.

Le très beau billet de Mo'

Les mains de ginette de Olivier Ka, Marion Duclos - BDfugue.com

Bonne rentrée à toutes et à tous !

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3 septembre 2021 5 03 /09 /septembre /2021 14:27

Autant en emporte le vent Tome 2 - broché - Margaret Mitchell,  Pierre-François Caillé - Achat Livre ou ebook | fnac

Suite et fin de cette grande saga. Ce 2nd tome ne compte pas moins de 790 pages. Et non, toujours pas dans sa nouvelle traduction.

La guerre a pris fin mais Scarlett est ruinée, elle travaille dur pour maintenir à flot son grand domaine de Tara. Elle tente le tout pour le tout et se rend à Atlanta pour demander de l’argent au seul qui en a encore suffisamment : Rhett Butler. Mais ce dernier est en prison et ne peut lui donner le moindre sou. Une rencontre heureuse avec Frank Kennedy permet à Scarlett de se marier rapidement et de payer ses impôts à Tara. Elle se rend vite compte cependant que son mari n’est pas seulement vieux mais également apathique et mauvais en affaires. Elle décide, avec l’aide de Rhett cette fois-ci, d’acheter une scierie et se comporte alors comme une excellente femme d’affaires coriace et rusée. Sa deuxième grossesse l’agace autant que la première et le climat tendu n’arrange rien à la pression qu’elle se met : les Yankees occupent la ville, se font détester des Sudistes parce qu’ils ont affranchi les Noirs mais n’apprécient pas les Noirs pour autant… Ashley, l’homme que Scarlett a toujours aimé, se fait embaucher par la jeune femme et même s’il est mauvais en affaires, elle le garde sous son aile. Une série de deuils va changer la donne mais Scarlett va s’enrichir et se montrer plus fière que jamais.

J’ai encore une fois beaucoup aimé me plonger dans cette époque fascinante. Margaret Mitchell a le don de rendre captivante n’importe quelle petite historiette ayant trait à Scarlett et brille à décrire cette ville d’Atlanta d’après-guerre (on a même droit à une excursion à La Nouvelle-Orléans). Les rebondissements rythment intelligemment le récit qui se lit avec une belle fluidité. Quant à Scarlett… même si elle peut agacer par sa malhonnêteté, ses « colères de Tartare et ses accès de rage de chat sauvage », son égocentrisme, elle force le respect par son esprit combatif et sa fine psychologie. Féministe avant l’heure, elle sait rebondir et se ressaisir ; elle m’a moins énervée que dans le premier tome. Il est intéressant d’apprendre que les femmes n’étaient pas censées s’introduire dans le monde des affaires, même pas faire semblant d’y comprendre quoi que ce soit. Rhett est séduisant avec son sens de l’humour et sa perpétuelle ironie, son sourire narquois et si mystérieux.

 Si certains auraient tendance à fuir ce roman par peur de mièvrerie, ils se trompent, je trouve l’intrigue bien menée, les personnages secondaires intéressants, comme ce « petit » personnage, Archie, vieux prisonnier dégingandé et malpropre qui a jadis tué sa femme et qui forme -avec Scarlett- un drôle de couple, ou encore l’incroyable Mélanie, la femme d’Ashley que Scarlett a tant détestée et enviée. Même si le dénouement, avec ses drames, ses tragédies et ses retournements de situation, est aussi théâtral que spectaculaire, je l’ai beaucoup aimé. Je ne regrette pas ma lecture, la nouvelle traduction de Gallmeister aurait peut-être atténué mon agacement (les « nègres » deviennent des « noirs » apparemment et la traductrice a reformulé le parler des Noirs qui ne prononçaient aucun « r » ; comment d’ailleurs a-t-elle traduit ce passage : « Pareils à des singes ou à des petits enfants lâchés au milieu d’objets dont ils ne pouvaient comprendre la valeur, ils se livraient à toutes sortes d’excès soit par plaisir de détruire, soit par ignorance » !?) même si je pense qu’en tant que lecteur intelligent du XXIème siècle, on est capable de faire la part des choses et de comprendre que les mentalités ont heureusement évolué.

 

La question délicate du racisme s’étale encore une fois dans toute sa splendeur mais, heureusement, la haine pour cette masse de « nègres » qui ne savent que faire de cette liberté offerte et paressent et s’enivrent, cette haine fait donc place à un grand attachement pour les Noirs qui « font partie de la famille » comme Mama ou oncle Peter si fidèle… « Scarlett avait plus confiance dans les noirs que dans la plupart des blancs, en tout cas, elle avait plus confiance en eux que dans n’importe quel Yankee. »

Frank Kennedy au sujet de sa femme, Scarlett : « Il estimait qu’il y avait quelque chose d’inconvenant pour une femme à comprendre les fractions et à s’y connaitre en affaires. D’après lui, quand une femme avait le malheur de posséder un don si peu distingué, elle faisait mieux de ne pas s’en vanter. […] il était déçu de constater que sa femme était intelligente. »

Attention, citation un peu spoilante : « Ellen, Gérald, Bonnie, Mama, Mélanie et Ashley, il avait fallu qu’elle les perdît tous pour comprendre qu’elle aimait Rhett… qu’elle l’aimait parce qu’il lui ressemblait, qu’il était fort et sans scrupule, passionné et attaché aux biens de ce monde. »

Troisième lecture (et dernière) pour le Challenge Pavé de l’été by Brize !

 

Bonne rentrée à toutes et à tous !

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31 août 2021 2 31 /08 /août /2021 16:39

L'enlèvement des Sabines de Emilie de Turckheim - Grand Format - Livre -  Decitre

Je découvre enfin cette romancière !

Sabine, une femme étrange et très timide, reçoit, lorsqu’elle quitte son entreprise après démission, une poupée gonflable. Très réaliste par ses petites imperfections, cette sex doll est fabriquée au Mans, on peut même lui articuler les poignets et les doigts. Elle s’appelle Sabine également. Horrifiée par ce cadeau qu’elle doit transporter dans le train, Sabine (la vraie) tente de faire comprendre à son compagnon Hans, un metteur en scène, l’incongruité du présent. Mais Sabine, les jours suivants, se met à se confier à cette amie statique : sa relation silencieuse avec une mère tyrannique, son rapport à sa sœur Fanny - femme parfaite qui, chaque année, fête son anniversaire de mariage en grande pompe. Mal aimée de presque tout le monde, Sabine a quitté son poste pour faire de la poésie. On se moque de ses choix, on se moque des mouches qu’elle prétend voir toute la journée.

Bon sang, quel roman étrange et déroutant ! L’intrigue met le lecteur mal à l’aise entre une narratrice taiseuse et un homme qui met en scène des maltraitances et des sévices, la présence de cette poupée… une violence latente se répand dans tout le roman. Quant à la forme, elle est originale également : les messages que laisse la mère sur le répondeur de Sabine sont de longs monologues que viennent ponctuer des dialogues parfois absurdes, parfois burlesques. De temps en temps des mots éparses se promènent sur les pages. Il est difficile d’apposer un avis tranché sur cette lecture qui dérange, m’a même fait penser à de la science-fiction avec ces caméras de surveillance qui se font installer dans toutes les maisons et ce slogan « Véritex, vous avez raison d’avoir peur. » Certains passages sont vraiment loufoques mais l’arrière-goût métallique persiste après avoir tourné la dernière page et j’espère faire meilleure pioche avec un autre titre de l’autrice.

Un des nombreux messages de la mère à la fille : « Tu vis dans quel monde, Sabine ? Il est où ce monde où les gens démissionnent pour faire de la poésie ? […]  ta pulsion est sans excuses… Tu ne peux pas espérer plus que ce que tu n’as aujourd’hui… Tu as atteint ton sommet… Tu as un contrat à durée indéterminée… Tu travailles depuis quinze ans avec des collègues qui n’ont rien contre toi… […] Laisse-moi te dire que tu arrives dans des âges où les soins dentaires, c’est bien plus vital que la poésie… Tu peux très bien ne pas m’écouter, mais ce que tu peux faire de plus intelligent, c’est d’appeler ton patron demain à la première heure et essayer de rattraper le coup. »

 

Bonne rentrée aux professeurs et à leurs élèves !

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