Je découvre enfin cette romancière !
Sabine, une femme étrange et très timide, reçoit, lorsqu’elle quitte son entreprise après démission, une poupée gonflable. Très réaliste par ses petites imperfections, cette sex doll est fabriquée au Mans, on peut même lui articuler les poignets et les doigts. Elle s’appelle Sabine également. Horrifiée par ce cadeau qu’elle doit transporter dans le train, Sabine (la vraie) tente de faire comprendre à son compagnon Hans, un metteur en scène, l’incongruité du présent. Mais Sabine, les jours suivants, se met à se confier à cette amie statique : sa relation silencieuse avec une mère tyrannique, son rapport à sa sœur Fanny - femme parfaite qui, chaque année, fête son anniversaire de mariage en grande pompe. Mal aimée de presque tout le monde, Sabine a quitté son poste pour faire de la poésie. On se moque de ses choix, on se moque des mouches qu’elle prétend voir toute la journée.
Bon sang, quel roman étrange et déroutant ! L’intrigue met le lecteur mal à l’aise entre une narratrice taiseuse et un homme qui met en scène des maltraitances et des sévices, la présence de cette poupée… une violence latente se répand dans tout le roman. Quant à la forme, elle est originale également : les messages que laisse la mère sur le répondeur de Sabine sont de longs monologues que viennent ponctuer des dialogues parfois absurdes, parfois burlesques. De temps en temps des mots éparses se promènent sur les pages. Il est difficile d’apposer un avis tranché sur cette lecture qui dérange, m’a même fait penser à de la science-fiction avec ces caméras de surveillance qui se font installer dans toutes les maisons et ce slogan « Véritex, vous avez raison d’avoir peur. » Certains passages sont vraiment loufoques mais l’arrière-goût métallique persiste après avoir tourné la dernière page et j’espère faire meilleure pioche avec un autre titre de l’autrice.
Un des nombreux messages de la mère à la fille : « Tu vis dans quel monde, Sabine ? Il est où ce monde où les gens démissionnent pour faire de la poésie ? […] ta pulsion est sans excuses… Tu ne peux pas espérer plus que ce que tu n’as aujourd’hui… Tu as atteint ton sommet… Tu as un contrat à durée indéterminée… Tu travailles depuis quinze ans avec des collègues qui n’ont rien contre toi… […] Laisse-moi te dire que tu arrives dans des âges où les soins dentaires, c’est bien plus vital que la poésie… Tu peux très bien ne pas m’écouter, mais ce que tu peux faire de plus intelligent, c’est d’appeler ton patron demain à la première heure et essayer de rattraper le coup. »
Bonne rentrée aux professeurs et à leurs élèves !