Suite et fin de cette grande saga. Ce 2nd tome ne compte pas moins de 790 pages. Et non, toujours pas dans sa nouvelle traduction.
La guerre a pris fin mais Scarlett est ruinée, elle travaille dur pour maintenir à flot son grand domaine de Tara. Elle tente le tout pour le tout et se rend à Atlanta pour demander de l’argent au seul qui en a encore suffisamment : Rhett Butler. Mais ce dernier est en prison et ne peut lui donner le moindre sou. Une rencontre heureuse avec Frank Kennedy permet à Scarlett de se marier rapidement et de payer ses impôts à Tara. Elle se rend vite compte cependant que son mari n’est pas seulement vieux mais également apathique et mauvais en affaires. Elle décide, avec l’aide de Rhett cette fois-ci, d’acheter une scierie et se comporte alors comme une excellente femme d’affaires coriace et rusée. Sa deuxième grossesse l’agace autant que la première et le climat tendu n’arrange rien à la pression qu’elle se met : les Yankees occupent la ville, se font détester des Sudistes parce qu’ils ont affranchi les Noirs mais n’apprécient pas les Noirs pour autant… Ashley, l’homme que Scarlett a toujours aimé, se fait embaucher par la jeune femme et même s’il est mauvais en affaires, elle le garde sous son aile. Une série de deuils va changer la donne mais Scarlett va s’enrichir et se montrer plus fière que jamais.
J’ai encore une fois beaucoup aimé me plonger dans cette époque fascinante. Margaret Mitchell a le don de rendre captivante n’importe quelle petite historiette ayant trait à Scarlett et brille à décrire cette ville d’Atlanta d’après-guerre (on a même droit à une excursion à La Nouvelle-Orléans). Les rebondissements rythment intelligemment le récit qui se lit avec une belle fluidité. Quant à Scarlett… même si elle peut agacer par sa malhonnêteté, ses « colères de Tartare et ses accès de rage de chat sauvage », son égocentrisme, elle force le respect par son esprit combatif et sa fine psychologie. Féministe avant l’heure, elle sait rebondir et se ressaisir ; elle m’a moins énervée que dans le premier tome. Il est intéressant d’apprendre que les femmes n’étaient pas censées s’introduire dans le monde des affaires, même pas faire semblant d’y comprendre quoi que ce soit. Rhett est séduisant avec son sens de l’humour et sa perpétuelle ironie, son sourire narquois et si mystérieux.
Si certains auraient tendance à fuir ce roman par peur de mièvrerie, ils se trompent, je trouve l’intrigue bien menée, les personnages secondaires intéressants, comme ce « petit » personnage, Archie, vieux prisonnier dégingandé et malpropre qui a jadis tué sa femme et qui forme -avec Scarlett- un drôle de couple, ou encore l’incroyable Mélanie, la femme d’Ashley que Scarlett a tant détestée et enviée. Même si le dénouement, avec ses drames, ses tragédies et ses retournements de situation, est aussi théâtral que spectaculaire, je l’ai beaucoup aimé. Je ne regrette pas ma lecture, la nouvelle traduction de Gallmeister aurait peut-être atténué mon agacement (les « nègres » deviennent des « noirs » apparemment et la traductrice a reformulé le parler des Noirs qui ne prononçaient aucun « r » ; comment d’ailleurs a-t-elle traduit ce passage : « Pareils à des singes ou à des petits enfants lâchés au milieu d’objets dont ils ne pouvaient comprendre la valeur, ils se livraient à toutes sortes d’excès soit par plaisir de détruire, soit par ignorance » !?) même si je pense qu’en tant que lecteur intelligent du XXIème siècle, on est capable de faire la part des choses et de comprendre que les mentalités ont heureusement évolué.
La question délicate du racisme s’étale encore une fois dans toute sa splendeur mais, heureusement, la haine pour cette masse de « nègres » qui ne savent que faire de cette liberté offerte et paressent et s’enivrent, cette haine fait donc place à un grand attachement pour les Noirs qui « font partie de la famille » comme Mama ou oncle Peter si fidèle… « Scarlett avait plus confiance dans les noirs que dans la plupart des blancs, en tout cas, elle avait plus confiance en eux que dans n’importe quel Yankee. »
Frank Kennedy au sujet de sa femme, Scarlett : « Il estimait qu’il y avait quelque chose d’inconvenant pour une femme à comprendre les fractions et à s’y connaitre en affaires. D’après lui, quand une femme avait le malheur de posséder un don si peu distingué, elle faisait mieux de ne pas s’en vanter. […] il était déçu de constater que sa femme était intelligente. »
Attention, citation un peu spoilante : « Ellen, Gérald, Bonnie, Mama, Mélanie et Ashley, il avait fallu qu’elle les perdît tous pour comprendre qu’elle aimait Rhett… qu’elle l’aimait parce qu’il lui ressemblait, qu’il était fort et sans scrupule, passionné et attaché aux biens de ce monde. »
Troisième lecture (et dernière) pour le Challenge Pavé de l’été by Brize !
Bonne rentrée à toutes et à tous !