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31 mars 2023 5 31 /03 /mars /2023 19:54

Juste la fin du monde, le livre de Jean-Luc Lagarce - Flammarion -  9782081518445 - Livre

 

J’ai lu la pièce avant de visionner l’adaptation de Xavier Dolan qui a remporté, en 2016, le Grand Prix du Festival de Cannes.

                Après douze ans d’absence, Louis retourne voir sa famille. Mises à part quelques cartes postales lapidaires, il n’a que peu donné de nouvelles. Cette fois, celle qu’il veut annoncer est de taille : il va bientôt mourir. Les retrouvailles sont à la fois étranges et tendues : entre la joie de revoir cet Ulysse qui a réussi sa vie loin des siens et cette rancœur tenace, subsiste quelque chose de bien moins palpable : ces êtres unis par le lien du sang ne se connaissent pas réellement, ne parlent pas toujours la même langue. Il y a ceux qui en disent trop, toujours, ceux qui se taisent, ceux qui essaient de calmer les tensions. Et peu de place pour Louis pour exprimer le peu qui lui reste à vivre.

Lire une pièce de théâtre n’est jamais facile et je lis souvent sur les blogs que peu aiment s’y coller. Pourtant, celle-ci peut se lire aisément si l’on aime la poésie. En effet, derrière les formulations très orales, les répétitions et les digressions qui miment bien les paroles échangées lors d’un repas de famille, se cachent de petits bijoux où la puissance du mot s’associe à l’urgence de vivre ou ne pas pouvoir vivre dans une famille. L’urgence de dire qu’on va mourir sans pouvoir l’exprimer. Le texte est très beau, humain, bouleversant et mélancolique. Le film de Dolan s’est bien saisi de cette ambiance familiale très étriquée, une geôle où il est difficile de s’échapper. Les tensions sont encore plus exacerbées que dans la pièce, chacun vit sa vie sans réellement croiser l’autre, les nombreux gros plans et très gros plans insistent sur cet aspect intimiste. Le texte n’est pas complètement respecté, certaines répliques sont résumées, d’autres ajoutées (des injures notamment). Le dénouement n’est pas le même dans le texte et dans le film : au cinéma, le dernier plan montre Louis qui n’a pas réussi à parler et qui quitte la maison avec l’image de ce petit oiseau mort (dont il est tout de même très facile d’interpréter la signification) à ses pieds. Dans la pièce, j’ai trouvé la fin moins violente, un monologue fait état des souvenirs heureux de Louis, de sa nostalgie à les quitter maintenant qu’il est mort. Il suit une tirade de son frère Antoine qui exprime à la fois l’incompréhension, le manque de communication et l’amour maladroit dont la famille a toujours fait preuve. Une pièce riche – Jean-Luc Lagarce se savait déjà condamné lui aussi quand il l’a écrite, ses mots résonnent avec force et poésie.

A noter, la très belle interprétation de Louis par le regretté Gaspard Ulliel, touchant et très doux.

Antoine : « Il faut toujours que vous me racontiez tout, toujours, tout le temps, depuis toujours vous me parlez et je dois écouter. Les gens qui ne disent jamais rien, on croit juste qu'ils veulent entendre, mais souvent, tu ne sais pas, je me taisais pour donner l'exemple. »

Antoine : « tu m'accables,

tu nous accables,

je te vois, j'ai encore plus peur pour toi que lorsque j'étais enfant,

et je me dis que je ne peux rien reprocher à ma propre existence,

qu’elle est paisible et douce

et que je suis un mauvais imbécile qui se reproche déjà d'avoir failli se lamenter,

alors que toi,

silencieux, ô tellement silencieux,

bon, plein de bonté,

tu attends, replié sur ton infinie douleur intérieure dont je ne saurais pas même imaginer le début du début. »

Juste la fin du monde aux César 2017 : la critique — madmoiZelle.com      

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28 mars 2023 2 28 /03 /mars /2023 14:32

Surface – Matz & Luc Brahy – LIVRESSE DU NOIR

-  Adapté du roman d’Olivier Norek  -

C’est parce que j’avais lu le roman que j’ai emprunté la BD.

Je vais m’auto-citer et reprendre mon résumé du roman : Le capitaine Noémie Chastain, une jeune femme belle, amoureuse et compétente, a été défigurée lors d’une intervention ; la moitié de son visage fait désormais peur à tous, à commencer par elle-même. Elle a perdu son mec, elle a perdu en partie ses responsabilités professionnelles puisqu’on l’a mise à l’écart du 36 de Paris pour l’Aveyron. Là, avec six bleds à sa charge, elle doit surtout évaluer la nécessité ou non de fermer ou maintenir le commissariat. C’est donc à reculons qu’elle se rend en province, résignée à s’y ennuyer. Elle tisse cependant des liens avec Romain et sa famille, elle apprécie petit à petit l’air de la campagne, et surtout, elle tombe sur un cadavre qui va être le début d’une enquête qui va tenir Chastain au premier plan.

Commençons par ce que j’ai moins aimé : le dessin m’a tenue à distance, cette femme défigurée a des allures de superwoman dès la première planche et j’avais tout de même gardé en tête un sentiment de honte et de rejet dans le roman qui apparaît moins dans la BD. Les portraits des autres personnages ne m’ont pas davantage séduite. J’avais aimé l’ensemble du roman sans plus, ici j’ai vraiment apprécié retrouver l’intrigue, le scénario bien ficelé, ce village englouti sous les eaux et ses mystères qui ressurgissent les uns après les autres. Une relecture différente donc mais tout autant -voire plus- appréciée. Par sa fidélité au texte d’origine et la qualité de son esprit de concision, la BD se suffit à elle-même. Cette thématique du village englouti sous les eaux -très romanesque, c’est bien vrai- me poursuit en ce moment puisqu’on la trouve aussi dans Le Silence et la Colère

 

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25 mars 2023 6 25 /03 /mars /2023 10:48

Le Chant du silence (Grand format - Broché 2023), de Jérôme Loubry |  Calmann-Lévy

Je n’ai pas résisté à la tentation de lire le dernier roman de cet auteur que j’ai apprécié pour Les refuges.

Dans un village aux « nuages lourds et à l’horizon noyé dans une mer obscure », au bord de l’océan, Damien revient après presque vingt-cinq ans d’absence, le cœur plein de rancœur, pour assister aux funérailles de son père qu’il détestait. C’est dans ce port de pêche qu’il a vécu ses plus belles années d’adolescence mais aussi les plus terrifiantes. En effet, sa mère l’a attiré loin de son père parce que Jean était plus intéressé par la mer et par l’alcool que par sa famille, qu’elle-même ne voulait plus de cette vie isolée, souhaitait autre chose pour son fils qu’une carrière de pêcheur. Mais un ami de Jean, Franck, émet des doutes sur son supposé suicide … mais la mort d’un copain dans les années 90 dont Jean serait responsable s’entoure d’un halo de mystère de plus en plus incompréhensible. Et puis, il y a la belle Oriane, l’amoureuse de Damien ; il y a cette amitié entre trois ados qui se jurent d’être toujours unis ; il y a ces deux autres ados vulgaires et menaçants ; il y a Lilly la folle, muette parce que son mari violent lui a tranché la langue…

Ne vous fiez pas à la couverture que je trouve complètement ratée, le roman est complexe, dense, et captivant. Entre thriller et roman noir, le récit nous fait naviguer entre 1995 et 2019 en distillant doucement des informations sur la personnalité des protagonistes qui permettront d’expliquer le dénouement. C’est bien de psychologie dont il est question, des relations bénéfiques ou toxiques, des ruptures douloureuses, des incompréhensions et des mensonges entre humains. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman même si un je-ne-sais-quoi m’a dérangée à la fin, peut-être parce que j’avais découvert le pot aux roses un peu trop tôt. Toujours est-il qu’il était appréciable de vivre un moment dans ce village aussi fascinant que mystérieux, si souvent battu par la pluie. J’ai peut-être préféré Les refuges.

 « Mais le temps ne cicatrise rien. Il se contente d'observer les blessures avec son air narquois et de les griffer de temps à autre pour les raviver. »

Le silence du titre revient comme un leitmotiv : « Mais les femmes… C'est leur silence qui est dangereux. Et ça, c'est pire que tout. Ça fait beaucoup de bruit le silence d'une femme quoi qu'on en dise. »

« As-tu déjà rencontré des silences qui te meurtrissent au point de vouloir fermer les yeux pour que ce ne soit qu'un mauvais rêve ? »

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21 mars 2023 2 21 /03 /mars /2023 10:08

Le Silence et la Colère

Je me réjouissais tout particulièrement de lire la suite du Grand monde tant apprécié l’année dernière.

Un petit bond dans le temps : après 1948, on se retrouve en 1952. François travaille toujours au Journal du soir, il est toujours avec Nine, sa fiancée sourde dont les mystères rendent sa personne de moins en moins limpide. Jean s’apprête à ouvrir le Dixie, un très grand magasin de prêt-à-porter féminin, son épouse Geneviève est toujours aussi odieuse, d’autant plus qu’elle a du mal à élever voire à aimer sa fille de trois ans, Colette. Hélène, quant à elle, a pris du galon puisqu’elle a droit, en tant que (vraie) journaliste, à un reportage : rendre compte de ce village, Chevrigny, qui doit disparaître sous les eaux au profit d’un barrage. Ô ciel, elle n’est toujours pas mariée même si amants et prétendants ne manquent pas. Les parents Pelletier restés à Beyrouth suivent de loin et parfois avec inquiétude l’évolution de leurs enfants mais un certain combat de boxe va venir distraire leur routine. 

Entre Beyrouth, Charleville, Paris et Chevrigny, ça bouge, il n’y ni pause ni temps mort dans les rebondissements et les mésaventures de chacun, bref, c’est un roman social mais toujours encore, comme Le Grand Monde, un roman d’aventure. Chaque personnage est fortement marqué, aucun n’est ordinaire ou lisse, et ils sont presque tous monstrueux. Bref, on est vraiment dans du Romanesque avec un grand R. Sans doute moins conquise par ce deuxième opus que par le premier tome, certains passages m’ont un peu laissée indifférente notamment les pages sur la boxe ; la dimension caricaturale de Geneviève -un monstre dans toute sa splendeur- m’a un peu lassée et j’ai trouvé certaines histoires un peu vite réglées à la fin. Je chipote un peu parce que j’ai quand même pris beaucoup de plaisir à ce roman vite dévoré malgré ses quelque 560 pages. La femme prend une place importante : le thème de l’avortement est mis en avant, la maternité, la condition de la femme dans les années 50 et, à part Geneviève (qui n’a rien d’humain), ce sont les femmes qui sont les véritables héroïnes du livre. Merci Lemaitre. Zola ne peut que ressurgir, encore plus dans les dernières pages qui marquent l’ouverture du grand magasin de Jean, l’effervescence, la société de consommation en devenir, le rapport triangulaire patron/employés/clients. On aimerait connaître la suite, en savoir plus sur les personnages et leur évolution, bref, la dimension feuilletonesque est au sommet de sa gloire chez un Pierre Lemaitre en pleine forme.

A noter l’intéressant et véridique article joint au roman : « La Française est-elle propre ? »

 

Certains traits de l’époque ne nous manquent pas :

  • l’avortement est vu comme un « crime contre la sûreté de l’Etat » … et la brigade anti-avortement sévit toujours.
  • « Cette fille devait bien avoir vingt-deux ou vingt-trois ans et ne portait ni alliance ni bague de fiançailles. »
  • Filles et garçons sont ensemble à l’école de Chevrigny : « ça n'est pas très normal de les mettre ensemble, mais que voulez-vous, l'institutrice des filles est partie le mois dernier, on ne pouvait pas faire autrement. »

Geneviève ou comment jouer la comédie : « Car aucune femme n’avait jamais été autant enceinte que Geneviève. La grossesse lui interdisant de nombreux mouvements, il fallait la servir plus souvent encore qu'à l'accoutumée, ranger, épousseter, laver à sa place. Les tâches ménagères lui avaient toujours répugné, elle n'avait jamais rien fait de bien notable dans la maison ; enceinte, elle ne faisait plus rien du tout. Soufflant, se tenant la poitrine à deux mains, poussant des gémissements plaintifs, s’arc-boutant soudainement sous l'effet d'un élancement dans les reins, elle passait douloureusement du fauteuil au lit, il fallait lui apporter son ouvrage, un verre d'eau, madame Faure, sans vous commander à moins qu'il y ait de la limonade ! Vous iriez m’en chercher ? Tout était prétexte à lamentations, ses seins qui gonflaient lui causaient des douleurs horribles, l’appartement orienté au sud. »

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18 mars 2023 6 18 /03 /mars /2023 16:05

Les Pizzlys - Jérémie Moreau - Delcourt - Grand format - Chez mon libraire

Nathan est chauffeur uber à Paris. Il élève seul sa sœur Léa, une ado, et son petit frère Etienne depuis la mort de leur maman. Mais Nathan ne va pas bien, à force de rouler nuit et jour, d’avoir le nez collé à son GPS, il souffre de vertiges voire d’hallucinations. Et un jour sa voiture s’encastre dans un poteau alors qu’il devait amener Annie, une dame d’un certain âge, à l’aéroport. Ne sachant pas où passer la nuit, Annie accepte l’invitation de Nathan, sympathise avec la petite famille et finit par leur proposer de l’accompagner vivre avec elle en Alaska, son pays natal. N’ayant plus grand-chose à perdre, Nathan accepte. C’est évidemment un choc culturel, Etienne se voyait déjà gamer, Léa est toujours collée à son Iphone alors qu’il n’y a plus ni connexion ni électricité. Passés les premières lamentations et appréhensions, les trois finissent par s’habituer à vivre dans cette cabane isolée, au milieu de paysages grandioses. Parfois ils croisent un pizzly, ce croisement entre un ours polaire et un grizzly, souvent ils marchent des heures, tous les jours ils chassent leur nourriture. Mais le réchauffement climatique se ressent partout : les animaux sont perturbés, les cycles sont malmenés, les glaces fondent, les maisons s’effondrent. Malgré tout, cette petite famille vit au contact de la nature d’une manière toute nouvelle, en véritable connexion avec les animaux que les hommes vont apprendre à respecter et même à écouter.

Cette lecture est une claque ! Entre fable écologique et récit d’anticipation qui n’en est plus vraiment, cet album est surtout un avertissement alarmant sur les dégradations qu’on inflige à notre planète et l’urgence qu’il y a à réagir.  La beauté de certains passages, de certaines vues à couper le souffle, de la noblesse de cette vie simple régie par un animisme convaincant contraste avec l’angoisse des lendemains, la terre souffre et elle l’exprime en s’effondrant ; c’est très alarmiste mais sans doute nécessaire. Il n’est pas forcément question de fin du monde mais d’une métamorphose inévitable et, en cela, l’album est très juste. Je n’ai peut-être pas tout aimé, j’ai eu du mal à me faire à tout ce fluo mais les dessins sont si beaux. J’ai eu du mal à interpréter ce choix du magenta, du rose, du vert luminescents, à la fois pour faire référence aux aurores boréales (?), à la dimension déjantée et psychédélique de notre monde archi connecté ? Je ne sais pas. Toujours est-il que l’album mérite qu’on le découvre, pour ses richesses, son engagement, l’éclat particulier de ses planches.

J’avais moyennement aimé Penss et les plis du monde, adoré La saga de Grimr et vénéré (!) Le Singe de Hartlepool.

« Ce chaos est tout l'inverse d'une fin du monde. C’est un grand bouillonnement, une immense redéfinition de toutes choses… Le passage d'un monde à un autre. »

En pleine forêt : « Il n'y a rien qu'on puisse cacher, pas même nos pensées les plus profondes. Tout ce qu'on fait, tout ce qu'on dit, tout ce qu'on pense, reste là-dehors dans le monde. »

https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L720xH950/pizzlys_bd-50-ebeb8.png?1665336631

https://www.francetvinfo.fr/pictures/uNvQXySe4AWT-_ezLc_DCgJZjvQ/fit-in/720x/2022/10/14/phpLxmoUy.jpg

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15 mars 2023 3 15 /03 /mars /2023 17:13

Livre : La crue, Blackwater : l'épique saga de la famille Caskey, écrit par Michael  McDowell - Monsieur Toussaint Louverture

 

Eh oui, je m’y suis enfin collée, moi aussi !

A Perdido, ville de l’Alabama, en 1919, une crue a submergé la ville, les endroits restés indemnes sont peu nombreux, les habitants se sont réfugiés sur les hauteurs. Lorsqu’ils font une ronde, Oscar Caskey, un riche propriétaire de scierie et son domestique noir Bray, secourent une jeune femme, mystérieusement rescapée dans une chambre d’hôtel pourtant inondée. Ils l’emmènent en barque et, malgré le halo d’énigmes qui l’entoure, cette Elinor Dammert venue d’une autre région, se fait peu à peu accepter par la ville. Dans la famille Caskey, c’est d’abord James, cet homme « frappé par le sceau de la féminité » qui se prend d’affection pour Elinor et l’héberge. Marié à Geneviève, une femme alcoolique qui quitte la ville les ¾ du temps, il doit cependant faire face au fort caractère de Mary-Love sa sœur (et mère d’Oscar) qui, d’emblée, n’aime pas Elinor (et elle est la seule). Oscar finit par épouser cette belle étrangère rousse qui étonne par sa vigueur, son rapport particulier à l’eau (elle nage à contre-courant avec la force d’un grand gaillard) et son pouvoir subtil de persuasion. Est-elle un être bienfaisant ou malfaisant, le suspense reste entier…

Peut-on parler de « déception » ? Si je n’avais eu vent de toute la médiatisation de cette saga qualifiée de « phénomène littéraire », je vous aurais dit que c’était une lecture bien agréable sans être incroyable. Evidemment, je m’attendais à un truc énorme et exceptionnellement époustouflant et je fus déçue. Tout ça pour ça… J’ai trouvé ça très court, un peu creux et inconsistant, et le fantastique ne m’a pas particulièrement plu (ce n’est pas non plus mon genre de prédilection) mais c’est bien écrit et très fluide. J’ai apprécié le fait que ce microcosme, que cette petite ville au climat rude (il fait trop froid ou trop chaud ou il pleut des trombes) soit gouvernée par les femmes et que de petites remarques subtiles mais fréquentes renvoient à cette société matriarcale où les hommes semblent seulement semblent gouverner mais sont finalement très faibles, influençables et incapables. Il faut reconnaître que le suspens qui s’appuie sur l’étrangeté et le mystère qu’entourent le personnage d’Elinor happe le lecteur ; reste à savoir si j’ai envie de lire la suite, aidez-moi à me décider, dites-moi ce que valent les tomes 2 à 6 !

(Ma fille m'a dit "Ce livre, on ne le lit rien que pour sa couverture", et c'est vrai !)

Les jours et semaines qui suivirent la crue : « La puanteur ne parut jamais entièrement s'en aller. Même une fois les maisons décrassées de la boue, les murs récurés, de nouveaux tapis étalés, du nouveau mobilier acheté et des rideaux accrochés ; même lorsque tout ce qui avait été abîmé fut jeté et brûlé, que l'on débarrassa les jardins des branches et autres carcasses pourrissantes, et que l'herbe eut commencé à repousser, la ville, aux aguets le soir venu, Découvrez que sous le parfum de jasmin et de rose, sous l'odeur du dîner sur le feu et l’amidon des chemises, elle empestait la crue. »

Les temps ont changé fort heureusement : « Les Blancs n’aiment pas voir des gamines noires quand ils mangent, la gronda Roxie, à moins qu'elles apportent un plat. »

 

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12 mars 2023 7 12 /03 /mars /2023 12:16

L'île des âmes - Piergiorgio Pulixi - Gallmeister - Poche - Place des  Libraires

 

J’achète rarement un roman sans rien connaître ni de l’auteur ni du livre… quelle bonne pioche j’ai faite ici !

Sud de la Sardaigne. Une fliquesse, Mara Reis, qui a la langue bien pendue, va devoir faire équipe avec Eva Croce venue de Milan pour d’obscures raisons. Une unité des affaires classées a été créée à Cagliari et les deux femmes que tout oppose doivent collaborer avec un certain Moreno Barrali, un enquêteur à qui il ne reste plus que quelques mois à vivre. La vie et la carrière de ce flic ont été marquées par une affaire non résolue : le meurtre de deux femmes à 11 ans d’intervalle commis selon les mêmes rituels, très proches de la civilisation nuragique, celle d’un peuple de paysans sardes qui s’est adonné au culte de la Déesse-mère puis de celui de Dionysos. A trop vouloir s’obstiner, Moreno en a perdu la santé mais aussi toute crédibilité parmi ses pairs. Lorsqu’une jeune femme, Dolores, est retrouvée sauvagement assassinée selon le même rituel, les enquêtrices vont faire le lien avec les crimes non élucidés mais sur leur parcours, les découvertes macabres vont se succéder, comme si cette affaire était maudite…

Quel roman passionnant !! Sauvage, organique, puissamment sarde, il me semble qu’il pourrait entrer dans la catégorie des « ethno-polars » tant il nous en apprend sur la culture sarde et la civilisation nuragique. Les personnages sont forts et marquants, ils évoluent avec brio dans cette enquête sombre et mystérieuse. Les chapitres courts, la variation des points de vue et les changements de décor permettent de créer un rythme très enlevé. L’écriture est belle et efficace, la poésie de certaines descriptions tranche avec le langage cru de Mara, c’est délicieux. Et puis vivre quelques centaines de pages sur cette merveilleuse île sarde (je n’ai vu qu’une partie du nord, il me tarde d’en découvrir un jour davantage !), quel plaisir ! Pulixi a repris nos enquêtrices préférées pour les placer dans son dernier roman, L’Illusion du mal.


- COUP DE CŒUR -

Eva Croce quitte Milan pour la Sardaigne : « Le tangage du bateau lui évoquait les contractions d'une parturiente. Le clapot des vagues, les gémissements causés par les douleurs. Le souffle du vent, la respiration haletante de la femme sur le point de perdre les eaux. Le battement sourd des moteurs du ferry qui montaient dans les tours, l'augmentation vertigineuse du pouls. Elle sourit, amère. En un sens, c’était ça : cette nuit enveloppante était l'utérus qui la retiendrait encore quelques heures, jusqu'à ce qu'elle accouche d'une nouvelle vie, d’une nouvelle elle. »

« La Sardaigne n'est pas une île. C’est un archipel d'innombrables îlots séparés non par la mer, mais par des langues de terre. Certaines ne sont que de petits atolls, mais chacune a sa propre identité. Parfois même une langue et des coutumes spécifiques. Et les démarcations qui les séparent sont invisibles à l'œil nu. Du moins pour qui n'est pas du coin. Pour tous les autres, elles sont bien perceptibles, car tracées avec du sang en des temps immémoriaux. Des frontières inviolables qui imposent le respect. Parce qu’en certains lieux la mort est plus sacrée que la vie. »

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9 mars 2023 4 09 /03 /mars /2023 10:01

Les Vieux Fourneaux - Tome 7 - Les Vieux Fourneaux - Chauds comme le climat  - Wilfrid Lupano, Paul Cauuet - cartonné - Achat Livre | fnac

Alors que le grand patron de l’entreprise d’anti-dépresseurs, Garan-Servier, vient de passer l’arme à gauche, Antoine, dans une manif à Paris, est blessé. Il a voulu empêcher un casseur de briser la vitrine d’une banque … ça, ça le dépasse Pierrot, vouloir protéger une banque ! Pendant ce temps-là, dans le petit village de Montcoeur, le maire pavoise, ravi d’avoir eu l’idée d’organiser un pique-nique de l’amitié… jusqu’à ce que la vieille Berthe déboule et lui plante sa pique à brochette dans les fesses. Etrangement, le lendemain, un incendie ravage la ferme de Berthe mais aussi toute l’entreprise Garan-Servier ! Qui est le coupable ?

Et encore une chouette virée avec nos joyeux lurons ! Je ne sais pas pourquoi j’ai laissé traîner l’album si longtemps avant de le lire, je ne me lasse toujours pas des irrévérences de nos petits vieux, du bazar qu’ils sèment, de cette atmosphère décomplexée et anarchiste. La langue de Lupano est fleurie, le dessin de Cauuet est d’une belle précision pour mettre en valeur la belle vieillesse. Le racisme, la délocalisation, les préjugés se font tout petits dans les grands discours révolutionnaires de nos vieillards préférés. Qu’est-ce qu’on a envie d’y croire et d’aller boire des coups à La Chope avec Mimile, Pierrot et Antoine ! A lire sans modération.

Lorsque les policiers tentent d’interpeller Berthe à son domicile, elle leur jette une fourche à leurs pieds :

« Bon, déjà, elle n’a plus sa fourche.

- Je note : « Tentative d’homicide sur un agent des forces de l’ordre.

- C’est une lecture très partiale des événements. Je dirais plutôt qu’elle a rendu les armes, non ? 

- Et envoyez-moi tout le pshitt que vous voulez, vous me faites pas peur, j’en ai plein, des fourches !

- Surarmée, donc. »

 

« Pourtant, ta tête, y a pas de quoi la mettre en avant. Ni pour le contenu, ni pour le contenant ! »

Lien vers Le tome 6

Les Vieux Fourneaux - Tome 7 - Les Vieux Fourneaux - Chauds comme le climat  - Wilfrid Lupano, Paul Cauuet - cartonné - Achat Livre | fnac

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6 mars 2023 1 06 /03 /mars /2023 15:55

Malheur Indifferent (Folio) de Peter Handke

Au rayon (très étendu) de mes lacunes, il y a Peter Handke, écrivain, scénariste, dramaturge et réalisateur autrichien, prix Nobel de Littérature 2019.

La mère de l’auteur-narrateur s’est suicidée en 1971, à l’âge de 51 ans. Dans ce court récit, Peter Handke retrace le parcours d’une vie à la fois fade et douloureuse. Née en Autriche dans une époque où la femme ne peut que se taire et s’occuper des tâches ménagères, elle aimerait « apprendre » mais ce désir étant très vite balayé, elle se contente du peu, du moins, voire du rien. Amoureuse du père de Peter, elle ne pourra rester avec lui et devra épouser et supporter un homme violent et alcoolique. D’acceptations en résignations, la vie suit son cours et les quelques plaisirs qu’elle s’octroiera seront vite balayés par des problèmes de santé invalidants. La mère souffre de migraines insupportables, un mal qui ne guérit pas. Son suicide est parfaitement organisé, elle écrit à ses proches, leur envoie son testament, s’apprête pour l’occasion…

L’absence d’émotions surprend d’emblée ; c’est sans pathos aucun que l’auteur raconte sa mère comme il aurait raconté la vie d’un inconnu. Il dissèque tout ce qu’il sait pour essayer de comprendre son acte final … qu’on conçoit aisément. Même au moment de l’annonce du décès, l’indifférence semble dominer, Peter se surprend à penser à autre chose devant le cadavre qu’il veille, il s’ennuie et son esprit divague. Il aimerait aussi faire un objet littéraire de ce qu’il écrit. Il a d’ailleurs attendu quelques semaines pour s’attabler à cette tâche. Et pourtant, la simplicité et la narration froide et objective fonctionnent et permettent de rendre un véritable hommage à la mère disparue, de livrer le portrait d’une femme déjà morte avant de se tuer, d’une vie sans consistance ni appétit. La distance placée entre la mère -d’ailleurs jamais nommée- et son fils rend compte de la pudeur de l’auteur et permet de se faire porte-parole de ce qui a été : une époque, une femme née au mauvais endroit, une pauvreté autant sociale qu’intellectuelle. Evidemment on ne peut pas ne pas songer à L’Etranger de Camus. J’ai beaucoup aimé ce texte fort qui se veut aussi réflexion sur l’écriture mais qui, surtout, célèbre l’effacée, met en lumière une discrète et lutte contre l’oubli.

« Naître femme dans ces conditions c’est directement la mort. »

« Elle n’était donc rien devenue, elle ne pouvait plus rien devenir non plus. »

« Même ce corps mort me semblait effroyablement abandonné et avide d’amour. »

« Ecrire n’était pas, comme je le croyais bien au début, me souvenir d’une période close de ma vie, ce n’était constamment que prendre cette attitude dans des phrases dont la distance n’est qu’arbitraire. »

« Un jour, le couteau m’a glissé des mains en coupant le pain, il m’est revenu aussitôt à l’esprit qu’elle coupait des petits morceaux de pain dans le lait chaud des enfants le matin. »

 

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3 mars 2023 5 03 /03 /mars /2023 15:54

Nos gloires secrètes - Poche - Tonino Benacquista - Achat Livre ou ebook |  fnac

Le titre de ce recueil de six nouvelles est assez explicite : les histoires nous projettent dans un passé obscur fait de secrets inavoués.

Dans « Meurtre dans la rue des Cascades », un jeune homme un peu paumé a malencontreusement tué un poivrot, copain d’un soir, en le jetant par-dessus une verrière. Jamais puni, jamais inquiété, il vivra une vie tapi dans ce secret terrible.

« L’Origine des fonds », c’est la revanche d’un auteur-compositeur très fortuné qui a des comptes à régler avec son passé. Nouvelle à chute qui fait sourire et fait bien plaisir.

« Le parfum des femmes » nous permet d’accompagner un grand nez, un parfumeur à la retraite, dans son grand appartement parisien où, seul, il s’ennuie et se souvient de ses heures de gloire passées lorsqu’il parfumait les plus belles femmes du monde. Une voisine, jeune et jolie, fait son apparition et lui permettra de manière complètement insolite, d’exercer une dernière fois son beau métier.

« Le rouge, le rose et le fuchsia » : un couple fait l’acquisition, chez un antiquaire, d’un petit bureau de secrétaire appelé un « bonheur-du-jour » mais c’est une photo sur le bureau du vendeur qui les attire encore plus. Leur imagination vagabonde loin de la réalité.

« Patience d’ange » est ma nouvelle préférée. Un couple lutte au quotidien avec la maladie de leur petit garçon, Justin. Un mal étrange le ronge depuis des mois : il est devenu inerte et muet. Contre toute attente, mère et père se sont rapprochés, ils ont trouvé un semblant d’équilibre mais ils restent emplis d’espoir au moment de ce rendez-vous avec un grand médecin…

« L’aboyeur » est celui qui annonce les invités lors des réceptions mondaines. Le richissime Christian fait appel à lui pour ses 50 ans : il a invité 50 personnes, des proches, des célébrités, des indispensables dans sa vie de nanti… Mais personne ne viendra jamais. L’occasion pour lui de partager ses confidences avec l’aboyeur et une partie de ses souvenirs, et les leçons à tirer de cet abandon généralisé. Je n’ai pu m’empêcher de penser à l’excellent Bal d’Irène Némirovsky.

 

J’ai beaucoup aimé ce recueil de nouvelles avec des textes variés, colorés, parfois un peu espiègles et coquins, célébrant la vie. Les histoires se lisent avec plaisir, elles sont distrayantes et parfois un brin philosophiques et m’ont rappelé celles d’un Eric-Emmanuel Schmitt. De l’auteur, j’ai presque tout lu et au fil du temps, je l’ai de moins en moins aimé. Saga, Malavita, Romanesque, Quelqu’un d’autre restent néanmoins d’excellents souvenirs.

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