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1 mai 2023 1 01 /05 /mai /2023 17:52

L'Heure des oiseaux - Maud Simonnot - | Maison de littérature générale

L’île de Jersey. En 1959, un orphelinat abrite des enfants dont personne ne se préoccupe de la situation. Ils vivent dans des conditions déplorables, subissent tous les sévices dont est capable un dominant sur des êtres vulnérables et sans défense. Lily, 8 ans, s’est promis de protéger le Petit, 5 ans. Elle lui évite les brimades, l’emmène écouter les oiseaux et lui permet de garder son âme d’enfant, autant que possible. Lorsqu’il s’agit de le réconforter ou de le rassurer, elle est là, à surpasser ses propres craintes pour épargner le pire. Soixante ans plus tard, la narratrice, une ornithologue, fait un séjour sur l’île avec pour objectif d’en savoir plus sur cet orphelinat dont les enquêtes, depuis sa fermeture en 1986, ont été bâclées. Son père a vécu là-bas mais son cerveau a effacé tous les souvenirs et, vieillard, il est encore sujet à des crises d’angoisse inexplicables ; sa fille veut lui apporter une explication. Découvrant une île où la Nature règne, elle se heurte aux silences de ses interlocuteurs jusqu’à ce qu’elle rencontre deux vieilles sœurs qui travaillaient là-bas et qui, sans remords ni regrets, racontent l’horrible vérité.

Conseillé par Luocine (merci !), ce roman m’a beaucoup plu ; après quelques lectures plus décevantes, il était bon de retrouver une belle plume, un sujet intéressant et un cadre attrayant. Simple, efficace, suave et juste, les louanges ne manqueront pas pour cette dénonciation de la maltraitance des enfants et, davantage, les non-dits des adultes et les silences complices. C’est peut-être la brièveté du livre qui m’a le plus dérangée et frustrée, la révélation finale (prévisible) et le dénouement arrivent trop vite à mon goût même s’ils sont de toute beauté et d’une émouvante délicatesse. L’image de cet ermite, que vient voir Lily régulièrement est assez singulière aussi, d’autant plus qu’Alphonse le Gastelois a réellement existé, il a été accusé de crimes qu’il n’a jamais commis et s’est reclus seul dans l’archipel des Écréhou. Il est indéniable que Lily, « fille de Déméter » pour son attrait pour les oiseaux, les fleurs et les arbres, va rester l’héroïne du roman, admirable et solaire, elle revit des décennies plus tard grâce à ces allers-retours entre passé et présent qui sont si savoureux. Une belle lecture et une autrice dont j’aimerais lire davantage.

« Deux merles chanteurs ont colonisé le peuplier qui s'élève sous les fenêtres de leurs dortoirs et dans les jeunes feuilles duvetées brillent au soleil. Lily se met à siffler avec eux, le garçon ne savait pas qu'elle possédait une si jolie voix d'oiseau. »

La vieille institutrice : « Pour une bigote pétrie de convictions, ces gamins sans religion, ces enfants du péché qui ont forcément hérité des vices supposés de leurs parents sont de la mauvaise graine à redresser. »

Le père qui a passé sa petite enfance à l’orphelinat : « La part manquante de son enfance et ce drame vécu et tu avaient créé chez lui cette fragilité, cette insécurité, ces crises qui le confrontaient à l'abîme du temps et l’avaient régulièrement fait désirer mourir. Du plus loin qu'il s'en souvienne, l'angoisse était présente. Elle venait directement de cet immense vide créé par l'arrachement brutal d'une part essentielle de lui-même, à un âge trop tendre. Mon père, ouvert dès lors à tous les vents, avait été condamné à voir son existence s’écouler en surface. »

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28 avril 2023 5 28 /04 /avril /2023 09:36

Une enquête de William Wisting, Fermé pour l'hiver, Une enquête de William  Wisting - Jorn Lier Horst - Librairie Dialogues

Au Sud de la Norvège, un cambrioleur est retrouvé assassiné dans le chalet d’un célèbre présentateur d’émissions télé. De nombreux chalets ont été « visités » la même nuit, l’inspecteur William Wisting se fait agresser et voler sa voiture par l’un des voleurs. Du cambrioleur mort, la police emporte le corps sans avoir ôté la cagoule qui recouvrait son visage, grossière erreur puisque le cadavre intact n’ira jamais jusqu’au centre d’autopsie. La fille de Wisting, Line, 27 ans, est une journaliste qui vient de rompre avec Tommy qui semblait tremper dans des histoires suspectes… peut-être même liées aux cambriolages.

Conseillé par Keisha, ce roman m’a permis de voyager en Norvège, plus précisément dans le comté de Vestfold, réputé pour ses beaux paysages et ses chalets en bord de mer où, dans le roman, il se passe des événements pas tellement bucoliques…Dans un enchevêtrement d’affaires où les cambriolages se mêlent à des histoires de drogue, l’intrigue ne se contente pas de rester en Norvège mais nous emmène aussi en Lituanie pour quelques jours. L’ambiance est pesante et inquiétante (les découvertes de cadavres se multiplient, les oiseaux morts tombent du ciel, Line a la bonne idée de s’isoler dans un de ces chalets qui n’attirent que des ennuis…) Un roman prenant et roboratif où j’ai aimé que le monde ne soit pas manichéen. Pas un coup de cœur à cause de certaines petites longueurs, rien de méchant mais quand on lit un roman tel que L’île des âmes de Pulixi, la barre est haute au rayon polars, qu’on se le dise !

Line fait une petite promenade : « Le sentier descendait vers le bateau. La présence de Line chassa les oiseaux. L’endroit ne présentait aucune facilité pour accoster. Le petit bateau avait dû se détacher et dériver. Et il butait maintenant contre les pierres rondes. Soudain, elle se figea. Il y avait quelqu'un à bord. Un homme assis au fond de la barque, à moitié appuyé contre le banc de nage arrière, la tête renversée. Ses yeux avaient été becquetés. Sa bouche était béante. Son visage étroit et blême était tacheté par la mort. »

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26 avril 2023 3 26 /04 /avril /2023 15:02

Le Voleur d'amour - Poche - Richard Malka - Achat Livre | fnac

Sans doute faut-il parfois sortir de ses propres sentiers battus… ou pas.

Adrian se confie à celle qu’il aime, Anna. Quand elle dort, il lui raconte comment il est né, quelques siècles plus tôt, de parents qui ne se sont jamais aimés et qui ont été déchirés par la perte de leurs deux enfants, les aînés d’Adrian. Comment il a découvert qu’en aimant une personne, il pouvait lui voler son âme, la rendre malade, voire la tuer. Pour sauver Anna qui lui fait tant penser à son ancienne amante Clélia, il préfère donc se tuer.

Nous promenant entre le XVIIIè siècle et le XXIè siècle à grand renfort d’orgies, de vampirismes et de questions philosophicovénitiennes aux allures gothiques, le roman patauge dans un fantastique qui ne me sied pas du tout. J’en ai lu la moitié avant de me rendre compte qu’il serait peut-être temps d’arrêter mes souffrances… J’aurais dû mal à trouver une seule qualité dans ces pages qui tentent peut-être d’imiter vaguement Le Parfum de Süskind tout en faisant référence à Dracula… ? Encore un roman très bien noté sur Babelio et qui n’a eu en moi aucun écho. Flop.

« La proximité de la Faucheuse produit des raccourcis. L’urgence abolit les filtres de la bienséance. Clélia approcha ses lèvres. Elle m'embrassa et, pour la première fois, la chose s'est produite. »

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24 avril 2023 1 24 /04 /avril /2023 09:48

Voir l'apéro au bout du tunnel, bd chez Delcourt de Mathou

En quatre saisons, Mathou nous raconte 2020 et 2021, sa vie liée à la pandémie, son quotidien de mère d’une fille, d’épouse, ce confinement qui rend la proximité plus inévitable, les odeurs plus intenses, les besoins d’apéro plus intenses, la cohabitation avec le chat Simone, les retrouvailles avec la nature, les bonbons, les mots candides d’enfant, l’amour mère fille.

Bon, c’est très léger, même complètement volatile, extrêmement vite lu (15 minutes ?), ça remplit son rôle de divertir… et que dire d’autre ? 😊J’en attendais plus, quand même ; quand j’ai l’impression que je pourrais faire la même chose (dessins en moins), ça m’agace. On a tous des anecdotes à raconter du confinement. Ça passe peut-être en version blog (Mathou semble être connue pour cela) mais de là à en faire un livre ? Je suis sceptique. Positive attitude : les dessins m'ont plu. Petites réflexions tout de même sur le covid (pour que ce billet ne fasse pas juste trois lignes, hum) : on l’oublie très vite, et heureusement. Comme les filles de la BD, on a tous eu de petites frayeurs à la vue de deux acteurs qui se touchaient ou s’embrassaient alors que c’était inenvisageable dans la vraie vie. Moi qui n'aime pas les foules, je suis heureuse qu'on puisse entasser des humains, les faire se frotter et se coller les uns aux autres sans craindre pour sa santé.

 Micro billet pour micro BD et micro enthousiasme…

Mathou a déjà publié des dizaines de livres.

Allez, celle-là m’a fait sourire : « Dites, en fait, « Marie-Rouanna » c’est sa femme à Manu Chao ? Nan parce qu’il en parle tout le temps dans ses chansons ! »

Voir l'Apéro au Bout du Tunnel - (Mathou) - Humour [CANAL-BD]

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20 avril 2023 4 20 /04 /avril /2023 17:49

Fille en colère sur un banc de pierre de Véronique Ovaldé - Editions  Flammarion

Je n’avais plus lu l’autrice depuis Des vies d’oiseaux, il y a 12 ans.

Quatre sœurs. Les deux aînées, Violetta et Gilda, sont restées à Iazza, une minuscule île sicilienne ; Mimi, la petite dernière a disparu on ne sait où depuis des années et Aïda a quitté l’île adolescente. Le père vient de mourir et quinze ans après le départ d’Aïda, Violetta se sent bien obligée de la contacter et de la faire venir aux funérailles du paternel tant redouté. Le retour dans l’île ne se fait pas sans tensions, les souvenirs du passé ressurgissent, les retrouvailles sont plus artificielles que chaleureuses. La disparition de Mimi conjuguée avec la fréquentation de Leonardo, le mari de Violetta mais surtout l’ancien amant d’Aïda, le début de démence de l’aïeule

Très vite immergée dans cette ambiance sicilienne dès les premières pages de ce roman à l’ambiance à la fois solaire et tendue comme un arc, j’ai traîné des pieds pour lire les deux derniers tiers. J’ai regardé, j’ai trouvé ça joli, bien écrit et esthétique, parfois j’ai accompagné Aïda mais la plupart du temps, je suis restée en dehors de l’histoire, de ces histoires de famille, de rancœur, de mensonges, de sororité. Je suis en général friande des intrusions du narrateur mais, ici, la narratrice intervient souvent et parfois inutilement, j’ai trouvé ça surfait (« Au moment où j'écris ces mots, je me dis que leur cohabitation va de moins en moins être évidente. Mais, me rétorquerez-vous, ce mouvement est une loi de l'univers »). Ou seraient-ce les allures de conte qui m’auraient empêchée de profiter pleinement de cette lecture ? Le rythme manque aussi de peps mais avec des phrases qui font souvent une demi-page, ce n’est pas tellement étonnant. Une lecture en demi-teinte donc, alors que j’aurais aimé être éblouie par le soleil sicilien.

Un beau passage sur l’enfance : « Souvenez-vous de cet âge où jamais vous ne marchiez mais toujours sautilliez. Souvenez-vous de cet âge où construire un château de sable vous demandait un tel degré d'implication que vous étiez quasiment désespérée à l'idée de sa nature éphémère. Souvenez-vous de cet âge vous aviez toujours raison même si vous étiez aussi peu expérimentée qu’un beignet, souvenez-vous, les adultes étaient incessamment tiraillés, quand ils vous parlaient ou vous regardaient, entre l'agacement et l'attraction (ne suis-je pas irrésistible, ne suis-je pas étonnante, ne te surprends-je pas à chaque instant, n'es-tu pas joyeux de me voir bouger et vivre et courir et m'agiter et lancer de petits bouts de phrases drôles et sans consistance ?). »

 

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17 avril 2023 1 17 /04 /avril /2023 09:15

Arditi/Buyle, comme s'il en pleuvait - Sceneweb

Quand je cours, j’essaie d’alterner musique et podcasts, je suis aussi une adepte de la chronique du Masque et la Plume et de l’émission dominicale de Cécile Coulon. Mais parfois, je ne sais pas du tout quoi écouter. J’ai tenté une pièce de théâtre qui date de 2012 mais qui reste d’actualité.

Un soir Bruno, anesthésiste, la cinquantaine bien tassée, trouve sur la table basse du salon un billet de cent euros. Ce n’est ni lui, ni sa femme Laurence, directrice de maternelle, qui l’ont déposé ici, ils en sont sûrs. Après quelques discussions et réflexions, ils décident de se faire un bon resto avec ces sous. Le lendemain, ce n’est plus un billet qu’ils retrouvent mais plusieurs, au total quelque 1200 euros. L’affaire prend une autre tournure. Allez, ça ne peut être que la femme de ménage qui a les clés de l’appartement, qui a fait le coup. Oui mais pourquoi ? Ils l’interrogent plus ou moins subtilement, non ce n’est pas elle… Le surlendemain, ce sont plus de 35000 euros qu’on retrouve comme par magie. Laurence s’affole, Bruno va les dépenser en caviar, champagne, chez Vuitton ou chez Dior.

Comédie de boulevard assez loufoque, caustique et surtout efficace puisqu’on rit (oui, même en courant). Les acteurs remplissent leur mission : Bruno est celui qui va se laisser attirer voire envoûter par cet argent venu de nulle part, Laurence va se montrer plus raisonnable, mais peut-on se revendiquer homme de gauche et dépenser allégrement une si grosse fortune non méritée ? Et d’ailleurs, qu’est-ce que le mérite ? Doit-on forcément avoir travaillé durement pour profiter de l’argent ? Une belle réflexion sans réponse univoque avec quelques piques bien envoyées aux nouveaux riches, aux anciens pauvres, à ce monde gouverné par l’oseille. Une pièce magnifiquement portée à bout de bras par Pierre Arditi et Evelyne Buyle. 1h25 de spectacle ont permis de distraire mes 19 kms de course.

Ce billet est surtout un prétexte pour vous demander quels sont vos podcasts préférés ou vos habitudes d’écoute.

« On n’est pas obligé de gagner de l’argent pour en avoir, qu’est-ce que c’est que ce raisonnement à la con ? »

« On peut porter du cachemire sans être forcément un salaud ! »

« Être de gauche, c’est pas forcément porter un pull qui gratte et manger du pâté de foie en boîte. »

La pièce est sur Youtube.

Comme s'il en pleuvait de Sébastien Thiéry - WebThéâtre : : Actualité des  spectacles, théâtre, opéra, musique, danse - Paris

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13 avril 2023 4 13 /04 /avril /2023 04:36

Quand tu écouteras cette chanson – Lola Lafon | Tu vas t'abîmer les yeux

Je n’avais pas encore eu l’occasion de découvrir cette collection « Ma nuit au musée », c’est chose faite.

En août 2021, Lola Lafon a passé une nuit au musée consacré à Anne Frank. Elle a emporté peu d’affaires - lampe torche, ordinateur, portable, journal intime - dans l’Annexe, nourriture et boisson étant interdites et elle est surveillée par une caméra. Les heures passent dans cet endroit insolite et froid mais Lola ne se décide pas à entrer dans la chambre d’Anne Frank, antre sacré ; elle retarde ce moment, elle discute avec la vigile, elle somnole, elle repense à son enfance.

Si je connais, comme beaucoup, le Journal d’Anne Frank, j’ai tout de même appris certains détails intéressants, notamment son désir d’être lue ; elle a retravaillé elle-même quelques passages (et pas son père contrairement à certaines rumeurs), certains comportaient ainsi deux versions. Elle a voulu devenir autrice et en avait déjà toutes les qualités de réflexion, de sensibilité et d’écriture. Aux premières publications, une censure a supprimé certains passages qui évoquaient la sexualité et les règles de la jeune fille. Une adaptation filmique, en 1958, a corrigé la fin de l’histoire considérée comme trop dure ( !) , « il serait préférable de terminer sur une note d’espoir » ( !!) Mais je crois que les éléments peu connus de l’histoire d’Anne Frank ne sont finalement pas le plus important dans ce beau récit. Lola Lafon s’imprègne de l’endroit avec un grand respect, elle effleure la vie et la mort de la jeune fille avec délicatesse et tendresse et évoque également des sujets forts qui la touchent personnellement : l’héritage communiste de ses parents, son rapport à ses origines juives qu’elle a tendance à taire, l’anorexie, l’écriture. Les parallèles établis entre la vie d’Anne Frank et la sienne et ses souvenirs sont pertinents et toujours évoqués avec beaucoup de pudeur et de subtilité. Elle révèle aussi le bouillonnement d’Anne Frank qui était finalement une adolescente dans toute sa splendeur et sa fougue, une adolescente comme tant d’autres et pourtant tellement unique.

Une belle lecture qu’on pourrait qualifier de nécessaire. Si vous avez d’autres titres à me conseiller parmi ceux de « Ma nuit au musée », dites, dites !

« Pourquoi préférer la solitude de l'écriture, pourquoi consacrer tellement de temps à des vies irréelle mais vraies, à des créatures ni mortes ni vivantes. Ecrire n'est pas tout à fait un choix : c'est un aveu d'impuissance. On écrit parce qu’on ne sait par quel autre biais attraper le réel. Vivre, sans l’écriture, me va mal, comme un habit trop lâche dans lequel je m’empêtre. Il faut parfois rétrécir l'espace pour en entendre l’écho. Pourquoi écrit-on ? Peut-être est-il possible de répondre par la négative : ne pas écrire met à vif toutes les failles, alors on écrit. »

« Ecrire est un engagement à ferrailler. On s’engage dans l'écriture comme dans une armée imaginaire, où l'on serait à la fois général et aspirant soldat. »

« l'écriture est un chemin sans destination, l'écriture à la beauté inquiétante de ce qui ne mène nulle part, et ce pendant des mois, parfois. »

La petite communiste qui ne souriait jamais de la même autrice.

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9 avril 2023 7 09 /04 /avril /2023 17:57

Gros-Câlin - Poche - Romain Gary - Achat Livre | fnac

C’est l’histoire d’un mec qui achète en Afrique un python pour lequel il ressent « une amitié immédiate, un élan chaud et spontané ». Malheureusement, arrivé en France, il faut au serpent nommé Gros-Câlin, de la chair vivante. Et Michel Cousin a beau acheter une souris blanche puis un cochon d’Inde, il s’attache très vite à ces mignonnes créatures qu’il est incapable de donner en pâture à Gros-Câlin ! De plus, Michel Cousin est amoureux de Mlle Dreyfus, il est sûr qu’ils vont vivre une belle histoire d’amour, commencée déjà, pour sa part, puisque tous les jours ils effectuent un voyage formidable ensemble : ils prennent quelques poignées de secondes l’ascenseur ensemble ! De fantasmes en désillusions, le personnage va surtout se sentir très seul et va trouver, en la compagnie de son serpent, un double qu’il va imiter, s’enrouler sur lui-même, se contorsionner, se dérouler, se cacher, se faufiler…

Juste ciel ! Laissez tomber toutes vos lectures ou vos projets de lecture pour vous jeter sur – au moins – les premières pages de ce roman génialissime ! Encore une fois, Gary surprend. Il n’est pas étonnant qu’il ait voulu garder son anonymat en signant ce texte Emile Ajar parce que le roman est complètement déjanté, loufoque et allumé. Oscillant entre Queneau et Ionesco, il plonge dans l’absurde tout en évoquant avec finesse les thématiques de la relation à l’autre, de la solitude et de la marginalité. Quelle tendresse dans ces lignes, quelle poésie pour évoquer l’amour et aussi les prostituées (oui, c’est surprenant) et quel humour aussi ! Il existe deux fins proposées dans mon édition, la seconde me paraît trop terre-à-terre, elle évoque des blouses blanches alors que j’aimais bien rester dans une ambiance onirique. Le personnage principal est un anti-héros aussi burlesque que sublime, épris d’absolu et incompris des siens dont il a bien raison de s’éloigner en rampant… Un texte surprenant aux multiples entrées, polysémique (la mue du serpent et celle de l’auteur), sensuel et mystérieux comme un serpent, cet animal qui m’a toujours fascinée (mes parents n’avaient pas voulu que j’en adopte un quand j’étais ado !)   - A lire -

« C'est un homme avec personne dedans. »

La souris blanche : « Blondine a aussitôt commencé à s'occuper de moi, grimpant sur mon épaule, farfouillant dans mon cou, chatouillant l'intérieur de mon oreille avec ses moustaches, tous ces mille petits riens qui font plaisir et créent l'intimité. En attendant, mon python risquait de crever de faim. J'ai acheté un cochon d’Inde, parce que c'est plus démographique, l’Inde, mais celui-ci aussi trouva moyen de se lier immédiatement d'amitié avec moi, sans même faire le moindre effort dans ce sens. »

« Les pythons sont très attachants. Ils sont liants par nature. Ils s’enroulent. »

« chacun de vous est entouré de millions de gens, c’est la solitude. »

« Ils ont cru que je souffre seulement de manque extérieur, alors que je souffre aussi d'excédent intérieur. Il y a surplus avec absence de débouchés. »

« Vers onze heures du soir, je m'étais à ce point entortillé autour de moi-même, que je jugeai plus prudent de ne pas chercher à m'en sortir, pour éviter de me nouer encore davantage, comme les lacets des souliers qu'il convient de tirer avec les plus grands ménagements. Je demeurai donc couché, en proie à une circulation intérieure intense, avec heure de pointe, embouteillages et signaux bloqués au rouge, hurlement des ambulances, pompiers et extincteur d'incendie cependant que cela ne faisait que s'accumuler autour de moi, et que les naissances continuaient pseudo-pseudo dans un but de main d'œuvre, d'expansion et le plein emploi. »

tellement différent : Lady L.

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6 avril 2023 4 06 /04 /avril /2023 16:46

Été Brûlant à Saint-Allaire - (Daniel Casanave / Franck Bouysse) - Comédie [ CANAL-BD]

Saint-Allaire est un village perdu en pleine campagne, un de ces endroits où, en 1966, on trouve tout ce dont on a besoin : boulangerie, boucherie, café, épicerie. La jolie Anna Soulette, du haut de ses dix-huit ans, est bien décidée à trouver l’amour, elle a déjà ressenti battre en elle les premiers émois sexuels. Pourtant, Polo, un gars stupide du village, la violente un peu trop et la fait fuir. C’est Aristide que la belle blonde aime beaucoup, il est mitron à la boulangerie et surtout Noir… A une époque où le racisme allait bon train, Anna l’aime pour sa gentillesse et son tact, qualités rares chez les habitants de Saint-Allaire. Entre son père ivrogne, le curé porté lui aussi sur la boisson, des mégères de sœurs, un père irresponsable, les deux amoureux devront faire leur petit bout de chemin tout seuls, entre le lavoir et la place du village, entre le petit bois et la grande à foin. Ou peut-être bien plus loin…

J’ai beaucoup aimé cette BD qui, sous des allures vieillottes, distille une bonne dose d’humour avec un petit air de-ne-pas-y-toucher. Cette plongée dans les années 60 dans un petit village de campagne fleure bon le pain frais et l’herbe coupée. A côté de ça, il va aussi falloir supporter les préjugés, le racisme ambiant et les esprits étriqués mais les auteurs se débrouillent pour terminer l’histoire en beauté. Les dialogues claquent et les personnages sont pittoresques. Alors oui, le scénario est peut-être un peu léger avec un dénouement prévisible mais j’ai bien aimé cette parenthèse d’un autre temps avec un humour parfois un peu potache, ça a accompli sa mission de me divertir un instant. Les dessins sont signés d'un auteur pour moi inconnu, ils ne m'ont pas particulièrement plu mais pas dérangée non plus...

A noter que Franck Bouysse écrit pour la première fois un scénario de BD.

Des forains s’installent pour quelques jours au village – dialogue entre le cantonnier et le cafetier :

- Il faut un sacré bazar.

- Ouais, mais c'est bon pour les affaires.

- Ça se voit que c'est pas toi qui nettoie la place après…

- C'est quand même pas le coup de feu tous les jours, en ce qui concerne.

- Bon je vois que les clichés ont la vie dure.

- Sûr que tu serais souvent sur la photo.

- Je ne sais pas ce qui me retient d'aller dans un autre bar.

- Peut-être parce qu'il y en a pas d'autres. 

 

Un vieil aristocrate désargenté et moins con que d’autres villageois héberge Aristide et son père :

- Pourquoi tu l’as appelé Tolstoï ton chien ?

- En hommage, je parie que vous n'avez pas lu Tolstoï, un écrivain russe ?

Je l’ai appelé comme ça parce qu'il n'est guère épais.                           ­­[j’adore !!]

Été Brûlant à Saint-Allaire - (Daniel Casanave / Franck Bouysse) - Comédie [ CANAL-BD]

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3 avril 2023 1 03 /04 /avril /2023 18:23

Disco queen - broché - Stéphanie Janicot - Achat Livre ou ebook | fnac

Soizic, la soixantaine, est mal en point : entre un infarctus et un cancer, elle doit être hospitalisée un long moment. Elle occupe son temps à écrire un roman autour d’un fantasme qui surgit comme une évidence : ouvrir une boîte de nuit disco dans son petit village, dans sa grange rénovée pour l’occasion. Dans son écrit qu’elle fait lire régulièrement à ses proches, elle se laisse aller à rêver l’impossible : ses deux filles, Yanne et Chloé, l’aideraient, toute la famille s’y mettrait, ce serait un succès fou à tel point qu’on pourrait inviter John Travolta pour l’élection d’une miss Disco. Chloé et Yanne acceptent ce pari fou et, dans le plus grand secret, réalisent le rêve de leur mère en ouvrant cette boîte – pour de vrai.  

La vie réelle croise donc la fiction dans un roman résolument musical puisque les titres des chapitres sont des titres de chansons : « I will survive », « Ring my bell » ou encore « Superstition » (vous aurez reconnu Stevie Wonder). Commençons par le positif : j’ai adoré deux idées. La première consistant à écrire un roman (est-ce possible dans une chambre stérile, je ne sais pas) en étant hospitalisée, un roman qui « sort » la patiente de l’hôpital et qui permet à ses proches de lire autre chose que jérémiades et peur de la mort. La seconde idée, c’est bien cette histoire de boîte. Je fais partie de cette génération qui allait en boîte à 18 ou 20 ans, et cette période est faite de bons souvenirs. J’élargirai le projet à faire danser tous les âges, sur toutes les musiques, comme aux mariages où on peut s’éclater et se trémousser sans réfléchir. Je suis sûre que le monde irait mieux en dansant davantage. Pour le reste… je dois bien être obligée de reconnaître que la légèreté prêchée dans le roman se retrouve un peu trop dans son contenu et dans son style et que je m’en fichais de la petite vie de chacune de ses protagonistes féminines (il y a peu d’hommes), je n’y ai trouvé aucun intérêt et – à choisir – j’aurais préféré ne pas lire le livre. C’est dit.

« Je ne m'étais pas trompée en le cherchant là, au cœur même de la chose la plus insignifiante, la danse.  « Ce qu'il y a de plus profond dans l'homme c'est la peau », disait très justement Paul Valéry. L’apparence, le superficiel est la meilleure manière de nous connaître nous-mêmes, la seule manière de connaître les autres. J’ai enfin compris ce que j'avais tant recherché. Rien ne pouvait être plus essentiel que cette légèreté, cet absolu de notre être réduit à sa plus simple expression, lorsque plus rien ne pèse, ni pensée, ni désir, ni corps, ni matérialité. Peut-être cette joie pure était-elle semblable à la mort. »

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