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7 juillet 2023 5 07 /07 /juillet /2023 18:46

Trois femmes puissantes - Marie Ndiaye - Gallimard - Grand format -  Librairie Le Divan PARIS

Trois histoires :

Norah, 38 ans, avocate et mère de Lucie, retourne « au pays » (d’Afrique noire) sur l’injonction d’un père (aux multiples enfants et épouses) décrit comme impitoyable, despotique et désormais malheureux ... C’est en réalité pour retrouver un frère, Sony, emprisonné, que Norah a dû faire tout ce chemin. Le père veut que Norah prenne la défense du frère qui a tué sa belle-mère. La vérité est pourtant plus complexe.

Rudy Descas, 43 ans, se plaint de son épouse Fanta qui ne l’aimerait plus mais il remet aussi en question son passé, ses choix, son attitude envers sa femme, sa violence qui le fait exister.

Khady Demba est heureuse avec son mari mais elle ne peut avoir d’enfants et cette malédiction pèse un peu plus chaque jour sur le couple. A la mort de son mari, sa belle-famille lui ordonne de s’exiler et de retrouver Fanta en France. Le chemin sera semé d’embûches.

Ces trois récits n’ont pas vraiment de liens entre eux (l’Afrique ? la relation de couple ?) et ne sont même pas vraiment rattachés au titre (« puissantes » a-t-il un sens ironique ? Je cherche encore). Si l’écriture est capiteuse et colorée, le lecteur risque d’avoir du mal à pénétrer dans cette prose parfois complexe et tourmentée. J’ai aimé certains passages, d’autres m’ont laissée perplexe voire pantoise et agacée. Le besoin de Norah de tout contrôler et de voir d’un mauvais œil l’arrivée de son amoureux dans sa vie, sa spontanéité, sa joie de vivre et ses fantaisies, trouve un écho dans une enfance misérable et presque privée d’amour. Dans le deuxième texte, les affres et les triturages de cerveau du personnage principal (qui n’est pas une femme, va savoir) m’ont donné le tournis et ont failli déclencher un abandon. Mais je suis parfois tenace et je me suis raccrochée désespérément à la dernière histoire qui, avec le thème de l’exil, m’a davantage plu. Le bilan reste cependant très terne, j’aurais dû abandonner ma lecture (même celle qui m’a prêté le livre m’a autorisé à le faire !) parce que je n’ai vu aucun intérêt dans ce que j’ai lu que j’ai trouvé creux et fade ou incompréhensible. Peut-être que certains seront plus charmés par un méli-mélo de thématiques hétéroclites telles que l’agressivité des buses, les hémorroïdes qui démangent, le désert, les glycines, ... Prix Goncourt 2009 tout de même...

« Il regardait le large, le haut méplat de sa joue lisse, les cils noirs épais, le nez à peine saillant, et l'amour qu’il lui portait, à cette femme secrète, l'effrayait. Car elle était étrange, trop étrange pour lui peut-être, et il s'épuisait à démontrer qu'il n'était pas réduit à ce qu'il avait l'air d'être, qu’ il n'était pas simplement un ex-professeur de lycée revenu s'installer dans sa province natale, mais un homme que le sort avait élu pour s'acquitter d'un destin original. Il lui aurait suffi, à lui, Rudy Descas, il s'en serait contenté avec gratitude, de n'être chargé de nul autre devoir que de celui d'aimer Fanta. »

 

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3 juillet 2023 1 03 /07 /juillet /2023 16:57

Le Grand Saut - Thibault Bérard - | Maison de littérature générale

Léonard meurt dans sa cuisine, seul, glissant lamentablement sur le carrelage. Dans un dernier sursaut de vie, lui reviennent quelques souvenirs en vrac de son existence dont il n’a pas toujours été fier. Une fois mort, il va revivre certains épisodes clés, comme s’il y était. La naissance de son fils Tristan, les instants amoureux avec sa femme Lize, ses premiers jours en tant qu’employé dans une boutique d’antiquités, sa reconversion qui lui permet de voyager mais aussi d’accumuler les liaisons sans lendemain, et enfin, son arrivée-fiasco, ivre, à l’enterrement de sa femme lorsqu’il a fait honte à toute sa famille. Zoé est, elle, une fille de dix ans, un peu solitaire, qui est prête à plonger, à la piscine, de quelques mètres de haut rien que pour faire sourire sa mère qui est tombée en catatonie, ne répondant plus à aucune sollicitation extérieure. Les jours suivants, la petite Zoé va se donner pour mission de « retrouver » sa mère. Evidemment qu’on ne comprend pas tout de suite quel peut être le lien entre Léonard et Zoé mais le fin mot éclairera leur relation à la manière d’un feu d’artifice, tonitruant et spectaculaire.

C’est un roman que j’ai lu quasi d’une traite, avec plaisir, gourmandise et délectation. C’était si bon que je craignais que ça se terminât en eau de boudin... Or le dénouement n’est qu’une apothéose sublime et renversante qui m’a donné des palpitations et m’a coupé le souffle ! Ah, revivre certains moments heureux de sa vie, transmettre le meilleur à sa descendance, tendre des fils imaginaires entre les êtres aimés, toucher à l’essence même de la vie, voilà ce dont il est question. Le Grand Saut est solaire et musical, tellement lumineux, virevoltant et si sensible ! Je me confonds en éloges mais c’est parce que je me remets difficilement, ce roman m’a intimement touchée, et par son écriture belle et limpide, et par ces histoires emplies d’existences maladroites et authentiques. Whouh !

COUP DE CŒUR !

Les dernières minutes de vie de Léonard : « Au moment où il se croyait bon pour la glissade ultime, son aisselle se cala sur le plan de travail, interrompant la chute. Il hoqueta, hébété, pantin retenu par ses fils. Ça ne changeait pas grand-chose à l'issue, mais par une bizarre intuition, il devina que tant qu'il n'aurait pas terminé le cul par terre, il lui resterait un peu de temps avant de tirer le rideau. »

« son sourire, lui, est plus bruyant que jamais. »

« une musique un peu plus qu’humaine. »

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30 juin 2023 5 30 /06 /juin /2023 13:57

Musée - cartonné - Christophe Chabouté - Achat Livre ou ebook | fnac

Nous sommes au Musée d’Orsay. En plein jour d’abord, on sait très bien ce qui s’y passe entre les amateurs de peinture, les vrais spécialistes, les faux spécialistes convaincus, les ados blasés, les détenteurs de portables, les couples, les solitaires, les groupes, les passionnés, les distraits, … Et puis la nuit ! Une fois la nuit arrivée, les personnages sortent de leur cadre, les statues et sculptures se mettent à vadrouiller dans le musée, ça papote, ça se retrouve, ça drague un peu, ça s’interroge surtout sur cette drôle de colonie que sont les hommes qui tiennent si souvent un petit rectangle collé à l’oreille. L’ours blanc de Pompon va se blottir dans un coin, certains bustes se retrouvent pour discuter du surveillant Louis qui a le béguin pour Anne-Lise, sa collègue. Et puis de ce promeneur avec son chien qui se déplace de plus en plus lentement.

Le Musée d’Orsay est un de mes musées préférés et imaginer que ces œuvres prennent vie, s’amusent la nuit et parlent des hommes, ça ne pouvait que me plaire. Le lecteur de ce roman graphique a l’impression de se sentir privilégié d’assister à ces rencontres clandestines. Les œuvres brillent aussi par leur innocence et leur candeur. Certaines planches sont plus touchantes que d’autres, cette petite-fille qui décrit un tableau à son grand-père aveugle, lui qui aime « écouter les tableaux », cette statue qui raconte à son ami qu’« une petite fille s’est mise à danser devant une toile de Degas. Sa maman l’a regardée faire un moment, et puis, elle a posé son sac… et s’est mise à danser avec sa fille. » Je ne vais pas citer toutes les œuvres présentes dans l’ouvrage (je n’ai pas reconnu toutes les sculptures, un petit index aurait été le bienvenu) mais voir les raboteurs (adorés !) quitter leur plancher pour se balader, Berthe Morisot regarder un promeneur avec amour ou encore suivre Héraclès aux toilettes (le sèche-main et la chasse d’eau l’intriguent) suffisent déjà à nous combler. Quel hommage rendu à ce magnifique musée, sa variété et toutes ses richesses qui sont joliment mises en avant dans cet espace-temps hors du commun, dans un foisonnement vivant et coloré (oui, pour un album en noir et blanc !). Magnifique publicité pour le musée où on a envie d’y retourner encore et encore.

Coup de cœur !

du même génial auteur  :

Les princesses aussi vont au petit coin

Henri Désiré Landru

Construire un feu

 

Musée - (Christophe Chabouté) - Roman Graphique [CANAL-BD]

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26 juin 2023 1 26 /06 /juin /2023 17:21

François le Champi - Label Emmaüs

Je poursuis de manière très disciplinée (pour l’instant, le mois prochain, ce sera moins sûr) le challenge des « Classiques c’est fantastique ». Ce mois-ci, un duel féminin Sand/Colette. Par manque de temps, j’ai d’emblée choisi mon camp en lisant Sand, autrice que je n’avais plus lue depuis mes années fac, alors que j’ai regoûté à Colette il y a peu.

François est un enfant abandonné de cinq ans (un « champi ») recueilli par Zabelle mais cette dernière, pauvre et peu instruite, éprouve le plus grand mal à s’en occuper. C’est alors que Madeleine, la meunière généreuse et altruiste, mariée à un gros bêta pingre, prend le petit garçon sous son aile et l’élève en grande partie. S’il n’a pas beaucoup de conversation et demeure niais sous les quolibets des villageois, il est efficace lorsqu’il s’occupe des bêtes, fiable quand il s’agit de réaliser des tâches manuelles, serviable, bon et fort. A la mort de Zabelle et parce qu’elle avait voulu l’abandonner à l’hospice quelques mois auparavant, François réclame encore plus d’attention et de tendresse auprès de Madeleine qui lui rend bien en le considérant finalement l’égal de son propre fils, Jeannie, de 5 ans son cadet. Mais les mauvaises langues vont bon train et le mari de Madeleine se sent menacé sous son propre toit par François devenu beau jeune homme pourtant empli d’une ingénuité désarmante. Celui redevenu plus ou moins « champi » doit quitter le village. Il y reviendra quelques années plus tard.

J’ai aimé ce court roman qualifié de « champêtre » (cet adjectif ne revêt-il pas une connotation un peu péjorative ?) pour sa simplicité et sa candeur. Cette figure de l’enfant abandonné mais exempt de toute méchanceté fait toujours mouche même si elle est répandue. L’histoire d’amour sous-jacente et clairement annoncée à la fin entre la mère adoptive et François a fait polémique, je ne sais trop qu’en penser, il me semble que George Sand a surtout voulu mettre en avant une histoire d’amour où l’homme est plus jeune que la femme et non l’inverse comme c’était et c’est encore si souvent le cas. De là à parler d’inceste... Les atermoiements et les minauderies ont achevé de m’agacer et les dernières lignes furent laborieuses. Ce que j’ai le plus apprécié, ce sont sans aucun doute ces mots fleuris, des néologismes ou issus du patois ... qui sont absolument délicieux à découvrir (merci les notes de la fin). S’il fallait répondre à la question de savoir qui pour moi "gagne" entre Sand et Colette, j’assume une préférence très nette pour Colette que j’ai relue récemment et dont je trouve les romans riches, passionnants et joyeusement féministes.

Pour la petite anecdote, j’ai fini ce roman ce matin, jour de Brevet français où tombe un texte... de George Sand !!

« et puis, ce qui était encore attristant, c'est qu'on entendait remuer dans toute la demeurance ni âme, ni corps, ni bête, ni gens ; sauf qu'un chien à poil gris emmêlé de noir et de blanc, de ses pauvres chiens de campagne que nous disons guarriots ou marrayés, sortit de l’huisserie et vint pour japper à l’encontre du champi ; mais il s’accoisa tout de suite et vint, on se traînant, se coucher dans ses jambes. »

« Et quand il fut là tout seul, il se mit à trembler et à étouffer comme de fièvre. Et si, il n’était malade que d’amour, car il venait de se sentir brûlé pour la première fois par une grande bouffée de flamme, ayant toute sa vie chauffé doucement sous la cendre. »

« il s’était un peu raccoisé » (calmé)

« un peu saboulé par cette confession » (abasourdi)

« je vous semonds de me laisser aller de bonne amitié. » (je vous invite...)

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22 juin 2023 4 22 /06 /juin /2023 09:21

La petite-fille - Bernhard Schlink - Leslibraires.fr

J’écoute régulièrement l’émission « Le masque et la plume » et rares sont les livres qui font l’unanimité. La petite-fille en fait partie.

Kaspar est un vieux libraire berlinois qui a une vie très routinière, tous les soirs, lorsqu’il rentre de son travail, il doit nettoyer et ranger les dégâts de Birgit, son écrivaine d’épouse, alcoolique. Lorsqu’il la retrouve morte dans sa baignoire et qu’aucun mot n’a été laissé pour lui, il se met à fouiller son ordinateur. Il découvre un texte « Un Dieu sévère » où sa femme tant aimée révèle un pan de son passé : vivant encore en RDA, elle est tombée enceinte et a abandonné sa fille. Kaspar, qui vivait alors dans l’Allemagne de l’Ouest, ignorait tout de cet épisode et l’a aidée à passer en RDA peu de temps après son accouchement. Ils vécurent heureux sans qu’il ne sache jamais rien de cet événement douloureux qui explique pourtant bien des réactions de Birgit. Sans être rancunier, Kaspar met un point d’honneur à retrouver cette enfant abandonnée mais la surprise est de taille quand il découvre qu’elle et son mari sont d’Extrême-droite, portant admiration et respect envers Hitler… Kaspar rencontre aussi et surtout sa « petite-fille », Sigrun, qui veut bien, à 15 ans, d’un grand-père providentiel et généreux. Kaspar et Sigrun vont passer quelques bons moments ensemble, lui lui enseignera les beautés de la musique et de la littérature, elle restera campée sur les croyances de la communauté « völkisch », partisane d'une religion de la race germanique.

Après un démarrage que j’ai trouvé légèrement poussif, le rythme s’accélère avec la découverte de ce fameux texte. La vie en RDA et ce sentiment très particulier de vouloir fuir sa terre natale tout en y restant attaché sont bien décrits. L’impossibilité de retrouver son « pays » après la réunification est également une donnée souvent passée sous silence. Au-delà de l’intérêt historique, j’ai beaucoup aimé aussi la complexité des liens qui unissent Birgit et Kaspar mus, néanmoins, par un vrai sentiment d’amour. Le plus effrayant reste cette pensée pro-hitlérienne qui semble prendre de plus en plus d’ampleur en Allemagne. L’auteur parvient à nuancer ces croyances fondées sur la suprématie d’un peuple, dans un monde qui n’est pas manichéen, il montre une jeune fille intelligente et douée de bon sens qui a pourtant du mal à ne pas comprendre qu’elle se trompe. Et Kaspar (un héros ! Si humble, bienveillant et magnanime) tente de lui inculquer des valeurs, très subrepticement, à travers l’art et de riches discussions. Tout n’est que douceur et tendresse entre eux, une sorte de relation idyllique qui unit deux êtres si différents. Ce roman fait indéniablement partie des Grands, il a tout le potentiel pour devenir un classique. Aussi édifiant que surprenant, aussi intéressant que bouleversant. A lire.

« Il regarda du côté de la nuit, et l’obscurité n’était pas seulement dehors, elle était en lui. »

« Mes nuits non vécues sont miennes comme celle que j’ai vécue. »

« Que l’on n’échappe pas à soi-même, que l’on s’emmène toujours et partout avec soi-même, je le savais. Mais je ne savais pas qu’on emmène aussi les autres avec soi, toujours et partout. »

« Il n’y a qu’une vérité. Elle n’appartient ni à moi ni à toi. Elle est simplement là. Comme le soleil et la lune. Et comme la lune elle n’est parfois visible qu’à moitié et elle est pourtant ronde et belle. »

Le Liseur.

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18 juin 2023 7 18 /06 /juin /2023 20:37

Ceci n'est pas une comédie romantique - C'est avant tout une histoire de  potes

Et je poursuis ma petite découverte complètement aléatoire de pièces de théâtre écoutées en courant…

Chris est seul dans son appart, assez désespéré parce qu’il sort depuis trop longtemps avec Mélanie, une perverse narcissique dont il ne parvient pas à se débarrasser. Il appelle tous ses anciens potes à la rescousse, personne ne répond sauf Camille. Elle est belle, survoltée et, contre toute attente, elle vient écouter son vieux copain avec qui elle avait monté un groupe de rock des années auparavant. La discussion tourne en engueulade, les blessures du passé sont réouvertes et ravivées, elle le contraint à écrire un sms de rupture envoyé trop vite à Mélanie, lui lui reproche d’accumuler les plans cul.

Géraldine Adams et Yanik Vabre interprètent parfaitement bien ces deux potes à la dérive, chacun avec ses bagages d’échecs, de frustrations et de non-dits. Le langage est cru, le rythme bien enlevé, on rit vraiment souvent, pas mal de répliques pourraient devenir cultes et même si on devine aisément la fin (et qu’on veut la voir arriver comme telle !) c’est un très agréable moment que j’ai passé. Se concentrer sur une histoire qui, de surcroît, est drôle, permet vraiment de faire passer les kilomètres plus facilement. Evidemment, je ne peux pas tellement évoquer la mise en scène puisque je n’ai rien vu mais la musique rock contribue à donner punch et vie à cette pièce bien fichue.

Disponible sur YouTube.

Ceci n'est pas une comédie romantique | Le Funambule Montmartre |  BilletReduc.com

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15 juin 2023 4 15 /06 /juin /2023 20:32

Slava T1 : Après la chute (0), bd chez Dargaud de Gomont

Slava Segalov est à la fois l’assistant et l’élève de Dimitri Lavrine qui n’est, ni plus ni moins, un pillard. Il déniche les endroits jadis luxueux mais désormais abandonnés pour y voler les biens les plus rares et les plus précieux. Puis il les vend à des investisseurs nouveaux riches, et fait fortune en toute impunité. Ça passe, c’est facile mais parfois dangereux car il tombe sur plus malin et plus fort que lui. La donne change lorsque Slava rencontre la jolie Nina qui a des principes qui l’étonnent et son frère -tellement imposant- Volodia. Et le road-movie se poursuit à quatre dans un univers de la mafia russe.

L’auteur parvient à rendre drôles des événements pourtant dramatiques ! Au-delà de cette histoire de bandit typiquement russe (dans un bâtiment, le premier regard de Lavrine se pose sur les plafonds qu’il n’hésite pas à démonter pour les revendre), au-delà donc de la petite histoire, l’auteur dresse un portrait d’une Russie mal portante et boitillante où la morale est un mot inconnu. Ça sent le pourri et pourtant on s’attache à ces personnages, Slava l’ancien artiste qui se laisse trimballer par ce Lavrine sans foi ni loi, ce même Lavrine qui est à la fois brillant et complètement stupide, ou Volodia le gros balèze qui boit trop de vodka. Et c'est très bien écrit. Côté dessins, je retrouve toujours avec un grand plaisir le trait de Gomont travaillé et vif que j’avais déjà tellement aimé dans Pereira prétend, Malaterre ou La Fuite du cerveau. Un presque sans-fautes, je dis « presque » parce que certains passages m’ont ennuyée mais je ne suis pas une spécialiste de la Russie, ça doit être ça. L’auteur précise que l’album a été réalisé avant la guerre contre l’Ukraine. Bref, à découvrir quand même. Et la suite ne devrait pas tarder.

« La lutte des plus forts pour le lucre. La lutte des plus faibles pour survivre. Et entre les deux, Lavrine qui fait des va-et-vient, tel un gros bourdon absorbé par sa tâche, butinant les dernières fleurs de ce monde en ruine, avec la candeur des bêtes au printemps. »

« On va se faire des couilles en or, mon pote ! Et un slip en platine ! »

https://www.livreshebdo.fr/sites/default/files/styles/first_article_list/public/2022-06/Pierre-Henry%20Gomont%2C%20%22Slava.%20Vol.%201.%20Apr%C3%A8s%20la%20chute%22%20%28Dargaud%29%C2%A0%3A%20Rocambole%20en%20Russie0.jpg?h=bea22dae&itok=QZ2O85F8

 

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12 juin 2023 1 12 /06 /juin /2023 09:23

Le poney rouge - John Steinbeck - Librairie Mollat Bordeaux

Jody Tiflin est un garçon de dix ans « avec des cheveux comme de l’herbe jaune et poussiéreuse, des yeux gris timides et polis, et une bouche qui remuait quand il pensait. » Il vit dans une grande ferme non loin de Salinas, avec ses parents et Billy Buck, le vacher qui est aussi un spécialiste des chevaux. Quand arrive un petit poney rouge nommé Gabilan au ranch, Jody se prend immédiatement d’affection pour lui, c’est grâce à lui qu’il se lève immédiatement le matin, bien avant le triangle que fait résonner sa mère en guise de réveil. Il s’en occupe avec attention et tendresse, le brosse, l’étrille, l’habitue au licol, le dresse jusqu’au jour où le petit poney essuie une grosse averse ; il tombe malade et malgré le détachement de Billy, son état s’aggrave. Si Jody continue à être aux petits soins, l’état de l’animal empire et Billy reconnaît que, contrairement à ses pronostics, il ne va pas tarder à mourir. La peine de Jody est immense et, le jour de sa mort, il se défoule sur un busard, le poignardant violemment. Mais la vie continue et après quelques (rares) événements qui ponctuent le quotidien du ranch, les mois passent et une promesse est faite à Jody : le poulain que porte la jument Nellie sera pour lui, rien qu’à lui. Une grossesse de jument - onze mois - c’est très long quand on attend impatiemment comme Jody. La mise bas ne va pas se passer aussi bien que prévu…

Ce court roman classé Littérature de jeunesse dort depuis longtemps dans ma PAL, depuis qu’il a été retiré du dépôt de mon collège. En effet, même si le héros est un petit garçon, le style, les nombreuses descriptions, les tragédies du roman me contraignent à dire qu’il ne conviendrait peut-être pas à un jeune lectorat sauf si, à la rigueur, il est passionné par les chevaux. J’ai trouvé l’histoire violente de bout en bout, l’éducation de ce garçon à la dure (c’est une autre époque n’est-ce pas), ses rêves brisés les uns après les autres, cette solitude qui le contraint à apprendre seul et isolé de tous (il n’y a presque aucun autre enfant dans l’histoire). Le roman se termine de manière abrupte, la jument est tuée à coups de marteau par Billy pour pouvoir mettre entre les bras de Jody le poulain tant attendu. Steinbeck manie la plume comme une épée et la brièveté du roman lui permet d’aller à l’essentiel, sans concession ni détour, et de décrire la dureté de la vie. J’ai aimé la force du récit, la cruauté réaliste de la vie décrite, la nature indifférente face aux malheurs de l’homme, ces thèmes si chers à Steinbeck.

L’incipit : « Au lever du jour, Billy Buck surgit de la baraque et resta un moment sous la véranda à regarder le ciel. C’était un petit homme large aux jambes arquées avec une moustache de morse, des mains carrées à la paume renflée et musclée. Ses yeux contemplatifs étaient d’un gris aqueux et ses cheveux, pleins d’épis et délavés par les intempéries, s’échappaient de son chapeau Stetson. »

Les garçons de son âge jalousent Jody maintenant qu’il a un cheval : « Ils savaient par instinct qu’un homme à cheval est, spirituellement aussi bien que physiquement, plus grand qu’un homme à pied. Ils savaient que Jody avait été miraculeusement soulevé hors de toute égalité avec eux et avait été placé au-dessus d’eux. »

Le meurtre de Steinbeck

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8 juin 2023 4 08 /06 /juin /2023 20:19

L'apiculteur d'Alep de Christy Lefteri - Poche - Livre - Decitre

La vie est belle à Alep : Nuri et son cousin Mustafa travaillent ensemble en tant qu’apiculteurs, ils sont si doués que leur miel et ses produits dérivés se vendent dans le monde entier. Leur vie familiale respective, Nuri, sa femme Afra et leur fils Sami ; Mustafa, sa femme et ses deux enfants, les comble également. Mais la guerre civile vient bouleverser leur douceur de vivre, ou plutôt va entailler profondément et douloureusement leur bonheur. Des enfants qui meurent, des maisons éventrées, des cadavres qui se font dévorer par les chiens « dans les champs où poussaient des roses avant la guerre » ; une angoisse au quotidien et deux tragédies contraignent Nuri et les siens à fuir Alep : une île grecque, un bateau clandestin, Athènes, peut-être l’Angleterre où Mustafa s’est déjà réfugié. Cet exil s’apparente à une périlleuse odyssée où les dangers s’accumulent et où, surtout, le passé refait surface à chaque coin de rue.

Sur les conseils de Luocine, j’ai choisi ce livre sans trop savoir de quoi il s’agissait. Les thématiques de l’exil et de la migration dominent mais ceux, plus implicites, de l’attachement au sol natal, du souvenir, du deuil, de la résilience, sont tout aussi forts et si bien traités. L’écriture apporte de la poésie à un monde actuel sordide et désespérant, certains épisodes anecdotiques donnent le sourire dans ce fracas de souffrances, comme ce Marocain qui achète des fleurs pour un bourdon qui a les ailes cassées, comme cette femme aveugle qui dessine en inversant toutes les couleurs d’un paysage ou encore comme ces abeilles noires anglaises qui sont très actives même en-dessous de 15 degrés. La vulnérabilité d’un être humain face aux drames bataille sans cesse avec la force de la résilience dont chacun est capable. C’est avec subtilité et délicatesse que l’autrice nous délivre un message de tolérance et d’amour à travers un regard empli d’empathie pour les 13 millions de Syriens « déplacés » (quel euphémisme de la part des médias !) Je crois bien que la fin bouleversante me pousse à faire de cette lecture un coup de cœur.

Lorsqu’il n’y a pas la guerre, c’est la sécheresse qui guette : « Le désert progressait, le climat devenait plus rude, les rivières se tarissaient, les paysans souffraient ; seules les abeilles semblaient résister. « Regarde ces petites guerrières, disait Afra quand elle venait nous rendre visite avec Sami, bout de chou emmailloté dans ces bras. Regarde-les qui continuent à travailler alors que tout meurt autour d'elles ! » Afra priait pour qu'il pleuve, car elle redoutait par-dessus tous les tempêtes de sable. »

Un e-mail de Mustafa depuis l’Angleterre : « Il règne un grand silence ici, un silence qui suinte le chaos et la folie. Je m’efforce de penser au bourdonnement des abeilles. J’essaie de trouver de la lumière en fermant les yeux. J’imagine le pré et nos ruches. »

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5 juin 2023 1 05 /06 /juin /2023 09:48

L'écluse de Philippe Pelaez, Aris - BDfugue.com

Dans un petit village du Lot, on a déjà retrouvé trois noyées. Toujours au niveau de l’écluse où travaille Octave, celui dont on se moque parce qu’il est difforme et laid, et serait attardé. Il devient donc le coupable idéal et surtout le souffre-douleur d’Alban, celui qui violente les filles et se veut être une petite frappe sans scrupules. Entre le petit inspecteur propre sur lui venu de Cahors, la belle Fanette la fille du boucher, le groupe de petits caïds du coin, … les victimes se mêlent aux bourreaux et l’enquête piétine.

Mon billet sera court, je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé cette BD polar mais je ne lui ai trouvé rien d’extraordinaire, c’est divertissant, c’est bien dessiné mais ça sent trop le déjà vu, déjà lu, ressemblant à Eté brûlant à Saint-Allaire lu tout récemment. J’ai préféré les paysages, les berges du Lot et ses écluses à l’intrigue elle-même. Un petit air de Giono ou de Pagnol qui est appréciable.

J’avais déjà lu Philippe Pelaez pour Puisqu’il faut des hommes que j'avais beaucoup aimé.

L'Écluse, bd chez Bamboo de Pelaez, Aris

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