« C’est l’histoire d’une famille, d’une maison et d’un pays. » Un narrateur s’adresse ainsi à Saule et jusqu’aux dernières pages, on ne saura rien de ce fameux Saule, et, au fil de la lecture, de plus en plus au sujet de ce mystérieux narrateur. C’est d’abord avec deux frères, Marty et Anzême, que nous partons à la campagne, dans le Morvan, dans une ferme qui s’appelle Les Chaumes. Nous sommes en 1914, dans la chaleur de l’été, il faut constamment surveiller Marty qui, simplet, cumule les bêtises. Anzême qui est marié à la belle Clairette, est contraint de troquer ses frusques de paysan pour l’uniforme de soldat car il est appelé à faire la guerre. Marty, resté à la ferme, se rapproche dangereusement de Clairette et ce qui était à craindre arriva : Clairette tombe enceinte de Marty sans que personne ne le sache. Le père de famille, Cytise, flairant cependant la vérité, va se battre avec son fils jusqu’à le tuer, involontairement. Charme, le fils de Clairette et Marty, va longtemps vivre avec ce secret. Un fils va naître, et un petit-fils... entre la province et Paris, les histoires vont se raconter, toutes différentes.
Quelle saga incroyable ! De 1914 à 2022, nous suivons avec passion cette famille Balaguère, ces générations d’hommes qui se succèdent avec une violence tapie en eux qui les empêche parfois - souvent - de mener une vie paisible. Evidemment les différents événements qui jalonnent ces décennies jouent leur rôle de chef d’orchestre : Anzême revient des tranchées avec un bras invalide ; Charme, blessé, ne pourra faire preuve de bravoure en s’engageant dans la résistance pendant la Seconde guerre mondiale ; Aloes, son fils, reviendra traumatisé de la guerre d’Algérie avant de voir mourir un ami du Sida, ... Si l’autrice a réussi à nous faire aimer ses personnages, à nous attacher à cette histoire familiale, je crois que je suis restée encore plus émue face à cette vue panoramique de tout un siècle que nous avons toutes tous, en partie, partagé. Les chapitres sont courts, les ellipses et les résumés judicieux, et, surtout, le roman gagne en profondeur et en intensité au fil des pages. Il serait intéressant d’avoir le point de vue d’un lecteur bien plus âgé ou, au contraire, celui d’un jeune qui n’a en mémoire que les dix dernières années. Pour ma part, les années 80-90 restent celles de ma jeunesse et Anne-Laure Bondoux a su les remémorer suffisamment bien pour me faire monter les larmes aux yeux. Qu’on se le dise, il n’y ni héros ni happy end, simplement un très beau roman, authentique et juste, à lire à tout âge. Rien que pour avoir eu constamment en tête la maison de ma toute petite enfance, ses étés, son jardin, sa vie dehors, c’est un COUP DE CŒUR.
Le roman a obtenu la récompense suprême au Salon du Livre et de la Presse Jeunesse : « Pépite d’or ».
(des illustrations de la fille de l'autrice ponctuent agréablement le livre.)
J'avais adoré, de la même autrice : Et je danse, aussi
« C'est le plus mauvais choix que je puisse faire : celui qui, de dissimulation en mensonge, va me conduire à devenir mon propre ennemi. Mais ce jour-là, fidèle aux hommes de ma famille, j'obéis à ce code d'honneur désastreux qui exige de nous, depuis la nuit des temps, d'avoir l'air fort alors que nous ne le sommes pas. »
« Est-ce que le monde serait moins violent si les hommes pleuraient plus souvent ? Est-ce qu’Hitler savait pleurer ? Est-ce que Vladimir Poutine sait pleurer ? Nous avons traversé tant d'orages. Saurons-nous encore traverser ceux qui s'annoncent ? J'espère que oui. »