Overblog Tous les blogs Top blogs Littérature, BD & Poésie
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU
21 septembre 2023 4 21 /09 /septembre /2023 11:50

Liam est un homme qui a toujours eu besoin de vivre isolé, en pleine nature. Il est tombé amoureux d’Ava qui a accepté de le suivre dans cette maison recluse, a accepté de le voir partir régulièrement des jours entiers pour chasser mais elle a tenu bon quant à son désir d’enfant. Le petit Aru, âgé désormais de cinq ans, se fait toujours une joie d’accueillir son père après ses longues absences. Mais ce jour-là, Liam découvre le cadavre de sa femme, attaqué par un ours et un petit Aru désespéré. Ne sachant que trop faire de cet enfant trop vulnérable pour le suivre lors de ses expéditions, il veut le confier à un oncle, à la ville. Mais il doit essuyer un refus catégorique. Il repart donc avec son fils qu’il ne parvient pas véritablement à aimer vers le lac où Ava voulait le faire baptiser. Des obstacles et des contretemps vont perturber ce road-trip déjà très long et vont aussi modifier la relation père-fils.

C’est un roman qui se lit très bien mais Sandrine Collette use et abuse des ingrédients déjà utilisés auparavant : un environnement hostile, des êtres perdus au milieu de nulle part entourés de milliers de dangers, la proximité de la mort. Je crois que je me suis un peu lassée mais je ne peux nier avoir apprécier cette (courte) lecture. Je ne me souviens pas que l’autrice s’était amusée, dans ses précédents romans, à supprimer les virgules et chambouler la ponctuation. C’est plutôt réussi ici, on s’y perd pour mieux s’y retrouver à l’image des deux protagonistes. L’écriture m’a donc séduite pour certains passages qui respirent la poésie et d’autres qui permettent de réfléchir à notre petite condition d’humain. La langue orale et spontanée de Liam m’a tout de même parfois refroidie et, surtout, dans l’ensemble, je n'ai été ni surprise ni bouleversée par l’histoire narrée. Je deviens difficile, n’est-ce pas...

C’est tout de même mon septième roman de Sandrine Collette et mon préféré reste Les larmes noires sur la terre qui n’est pas un polar.

Père et fils entendent des loups au loin : « A vrai dire on s'est redressés tous les deux et je remarque la tension similaire de nos corps penchés en avant et pourtant on sait lui et moi que les loups sont trop éloignés on ne les verra pas. C'est plutôt la fascination du marin quand le chant des sirènes résonne sur la mer, quelque chose d'irrépressible qui brille au fond de nos ventres et vient chercher une vieille connivence oubliée du temps où l'univers était une sorte de fusion, j'ai du mal à expliquer pourtant ce temps-là je crois qu'il n'y avait pas ces haines et ces peurs, en ce temps-là, on était des loups et les loups étaient des hommes, ça ne faisait pas la différence on était le monde. »

« En vrai c'est la lueur éperdue dans ses yeux bleus qui me rend dingue, cette lueur qui me cherche simplement pour s'accrocher à moi, pour que j'ouvre une brèche, une possibilité, la largeur de mes bras et cette quête-là, cette prière muette, je n'y arrive pas il peut toujours rêver. La seule chose qu'il demande le gosse, c'est un peu de tendresse un truc comme ça. Il ne le dit pas c'est invisible sauf que c'est tellement là que l'air en frissonne, et je sens les vibrations vers moi que je repousse d'un geste de la main et je voudrais lui dire que ce n'est pas la peine, la tendresse je n'en ai pas du tout ou pas pour lui, on n'est plus que deux et ce n'est pas pour ça que je vais me rabattre sur lui. »

Partager cet article
Repost0
18 septembre 2023 1 18 /09 /septembre /2023 11:37

Jours de sable - Aimée De jongh - Librairie Le Forum du Livre

John Clark est un jeune photographe américain qui se voit offrir un reportage susceptible de lancer sa carrière : se rendre dans une partie de l’Oklahoma pour rendre compte des difficultés de ses habitants. En effet, en 1937, et ce depuis sept ans, la sécheresse sévit : il ne pleut plus et des tempêtes de poussière ravagent les plantations et mettent en péril la santé des gens qui, bien souvent, fuient vers la Californie. John a une série d’objectifs à atteindre comme photographier une tempête de poussière, l’intérieur d’une maison, une famille sur le départ, des enfants orphelins, etc. Après une première phase où il accomplit très sérieusement et docilement ses devoirs, il fait la rencontre de Betty, une femme enceinte qui a perdu son mari cinq mois plus tôt. En pénétrant dans l’intimité de toute une famille, John se rend compte que le pouvoir des images est bien faible quant il s’agit de prouver la détresse de toute une population.

Je ne savais pas à quoi m’attendre avec ce titre, je ne connaissais que très vaguement la situation de cette région des Etats-Unis pendant la Grande Dépression et j’ai été bluffée par le travail de documentation de l’autrice-dessinatrice autant que par le dessin qui parvient si bien à représenter la poussière (pas évident...). Des années durant, le cauchemar a continué, certaines images sont marquantes comme ce sable qui s’amoncelle au creux des fauteuils d’une maison abandonnée, les enfants qui portent un masque à gaz et qui toussent, la pelle qui est l’ustensile indispensable de survie, le ciel devenu noir les jours de tempêtes de poussière. Mais l’autrice met également en avant, et c’est assez paradoxal pour un album graphique, la potentielle manipulation de l’image : la photographie qu’on a sous les yeux peut être une mise en scène (le cas d’Arthur Rothstein est resté célèbre : il déplaçait un même crâne de bovin où bon lui semblait pour intensifier l’impression de sécheresse sur un sol craquelé, par exemple) et le mensonge qu’implique la photo est évidemment encore plus prégnant de nos jours. Une très belle et intéressante découverte donc que ce gros album roboratif de 277 planches complété par un dossier photographique et explicatif. Allez, ... coup de cœur !

« S’il me fallait décrire mon séjour dans le Dust Bowl... je parlerais de la douleur cinglante quand le vent poussiéreux fouettait ma peau. Je dirais à quel point on a l’impression de suffoquer à chaque inspiration, à cause de la poussière. Je raconterais comment s’érode peu à peu l’âme humaine après des jours de sable. Rien de tout cela ne peut être capté par un appareil. »

J'avais déjà aimé Soixante printemps en hiver d'Aimée de Jongh

https://www.actuabd.com/local/cache-vignettes/L720xH855/p3-6-1abd5.jpg?1637699016

Partager cet article
Repost0
16 septembre 2023 6 16 /09 /septembre /2023 08:43

Ouasmok ?

Me revoilà avec du théâtre ! et avec un auteur que j’avais déjà évoqué pour Lys Martagon.

Pierre aborde Léa. Pierre et Léa sont en cinquième. Il lui avoue qu’il la suit depuis un moment, épie ses mouvements, a compris qu’elle n’a pas une vie facile. Elle ne répond pas tout de suite puis se laisse emporter par la fougue du garçon. Ils s’inventent un univers délirant, vont jusqu’à s’emménager un appartement dans le haut d’un clocher, y installer des livres de philosophie orientale, des bougies, une collection de papillons séchés, mais ils vont aussi se marier, avoir des jumeaux, et puis divorcer, car il faut penser à tout.

Une étincelle. C’est bref, très intense mais éphémère. C’est ce que j’aime chez ce dramaturge, ne pas nous faire croire que c’est éternel, grandiose et unique. Parce que la vie n’est pas comme ça. Comme Lys Martagon, Pierre et Léa sont des allumés rêveurs ou des rêveurs allumés qui croient à une magie invisible et à un monde meilleur... mais ils n’y croient plus deux heures plus tard parce qu’il faut pas déconner quand même, « c’était pour rire ». Encore une bonne petite pièce (que c’est court, tout de même !) qui doit être délicieuse à voir, à jouer ou à faire jouer.

« Pierre. – Salut.

Léa. – ...

Pierre. – Salut.

Léa. – ...

Pierre. – Salut.

Léa. – ...

Pierre. – Ouasmok ?

Léa. – Pardon.

Pierre. – Comment tu t’appelles ? C’est de l’arabe. T’as quel âge ? T’habites où ? T’es fille unique ? T’étais où en vacances ? T’es partie avec tes parents ? T’as fait quoi ?

Léa. – Pourquoi je te répondrai ? On ne se connaît même pas il me semble.

Pierre. – Justement, c’est une méthode révolutionnaire. Grâce à ce principe, on se connaît plus vite et on sait tout de suite si on a une chance de former un couple heureux. C’est génial. Non ? »

Partager cet article
Repost0
12 septembre 2023 2 12 /09 /septembre /2023 09:36

Livrenpoche : Acheter d'occasion le livre La petite femelle - Philippe  Jaenada - livre d'occasion

Il était grand temps que je découvre cet auteur. Un regret ? Ne pas l’avoir lu plus tôt !

Née en 1927, Pauline Dubuisson a grandi auprès d’une mère sans caractère, incapable de tendresse, et d’un père autoritaire qui lui apprend à être forte, impassible, à ne jamais montrer ses sentiments. Mûre très tôt, intelligente, elle se blinde à chaque épreuve, comme on lui a appris. A 11 ans, elle entend son père parler de suicide comme d’un acte « naturel et parfois salutaire », concevable et permis. Son adolescence se fera pendant la 2è Guerre mondiale et son homme d’affaires de père l’incitera à copiner avec les Allemands pour arrondir les angles. Parmi ses premiers amants, il y a ce médecin-chef allemand de 35 ans son aîné. Après son bac, des études de médecine l’emmènent à Lyon en 1947 puis à Lille où elle rencontre Félix Bailly, un beau jeune homme qu’elle initie à l’amour et à la sexualité. Indépendante, elle refuse de se marier avec lui car, à l’époque, ça signifie mettre une croix sur sa carrière de médecin au profit des enfants, du ménage, du linge. Elle aura d’autres amants avant de comprendre que c’est tout de même Félix qu’elle aime. Pourtant, ayant eu vent de ses infidélités, il la quittera pour se fiancer avec une certaine Monique, bien plus pure et innocente que Pauline... Cette dernière ne s’en remet pas, elle est désormais sûre d’aimer profondément Félix, et, rejetée par lui (en partie seulement parce que pour passer une nuit avec elle, il ne dit pas non), elle voudra mourir. Le moment du drame tourne en tragédie en mars 1951 puisque Pauline, au lieu de se tirer une balle dans la tête devant Félix, retourne l’arme contre le jeune homme et le tue en trois coups. La presse et l’opinion publique vont alors se liguer en une véritable cabale anti-Pauline la traitant de menteuse calculatrice, d’« orgueilleuse sanguinaire », de « monstre » qui a toujours eu "le diable au corps". Mal défendue lors d’un procès honteusement truffé de mensonges, elle tente en vain de se suicider puis totalisera neuf ans d’emprisonnement et de travaux forcés dont elle pourra réchapper grâce à sa conduite exemplaire, en 1960.

 Jaenada revêt la robe d’un avocat redoutablement efficace et convaincant. Par un travail de documentation de fourmi génialissime, il revient sur chaque épisode de la vie de Pauline sans chercher à modifier la vérité, sans inventer quoi que ce soit mais il faut admettre que ses commentaires – nombreux – tombent toujours justes et amènent le lecteur à la réflexion. Pauline a fricoté avec de jeunes Allemands pendant l’Occupation ? Oui mais il n’y avait qu’eux pour des adolescentes françaises en mal d’histoire d’amour. Pauline se montre insensible et froide ? Son père l’a éduquée ainsi. Au-delà de cette enquête absolument passionnante (au-delà de l’histoire de Pauline, ce sont des injustices réservées aux femmes qui sont décrites), je découvre aussi le style de ce romancier un peu fou. Par une écriture survoltée, excessive, frisant l’absurde, l’auteur innove en matière de comparaisons loufoques, il s’adonne aux longues phrases mais, surtout, surtout, il est le maître des parenthèses et des digressions. Comme un randonneur qui dévierait souvent de son parcours initialement prévu, il s’éloigne de son sujet mais y revient toujours, plus fort de ses courtes escapades. Philippe Jaenada se dévoile sans fard et sans pudeur, il met beaucoup de lui (de sa femme, de son fils) dans son roman. Défenseur de la condition féminine pour une époque où être femme ou animal la différence était minime, il consacre toute son énergie à cette femme éminemment féministe, indépendante, libre. C’est drôle, intelligent, délicieux à lire (malgré les 720 pages) Que dire de plus ? J’ai adoré de bout en bout, ce fut une belle révélation, n’ayons pas peur des mots. Merci au généreux prêteur 😉

« Plus je m’enfonce l'histoire de Pauline, plus je suis consterné (c'est peu dire, j'en rêve presque toutes les nuits et me réveille en sueur et sur les nerfs) par tout ce qu'on a prétendu ou affirmé sur son compte dans le but de l'éliminer, à coup sûr de la société.) »

La demande en mariage de Félix : « Ça doit la déconcerter, Pauline. La toucher aussi, je suppose, mais la laissée pantoise. Ce garçon est impulsif. Soit il s'en veut d'avoir fauté, de les avoir souillés tous les deux, et son sens de l'honneur lui ordonne de réparer sur-le-champ ; soit il respecte son plan de carrière conjugale : la première est la bonne, ce qui est dit est dit, soit, et c'est ce que je crois, ce qu'il a vécu la veille est une telle révélation, un bouleversement sentimentalo-sensuel, si intense et profond qu'il est persuadé de se trouver face au grand amour qui n'arrive qu'une fois dans une vie, comme en poussin qui voit une chèvre en sortant de son œuf croit que c'est sa mère. »

« Voilà, la petite femelle est en cage. Dehors, on va pouvoir s’en donner à cœur joie, elle va comprendre sa douleur, c’est parti mon kiki. C'est maintenant que vieux messieurs et dames aigries vont passer à l'action. »

 

Je participe encore une fois avec plaisir au challenge Pavés de l'été de La petite liste.

 

mais aussi au Challenge Les épais de l'été, organisé chez Dasola par ta d loi du ciné 

Challenge Les épais de l'été 2023

Partager cet article
Repost0
9 septembre 2023 6 09 /09 /septembre /2023 11:11

Hypericon

                 Teresa, une brillante étudiante en archéologie, se rend à Berlin pour accompagner l’installation de l’exposition du trésor de Toutankhamon. Elle y rencontre Ruben qui est son parfait opposé tant il est épicurien, désinvolte là où elle est hésitante et anxieuse. En parallèle, quelque part en Egypte, en 1922, un archéologue nommé Howard Carter, malgré le maigre budget restant, s’obstine à fouiller une parcelle restée inexplorée... et y trouvera la fameuse tombe du pharaon Toutankhamon. Son journal de bord devient le livre de chevet de Teresa et son occupation lors de ses nombreuses nuits d’insomnie.

En croisant deux époques tellement éloignées, l’autrice y trouve des points communs et insiste aussi sur la brièveté de la vie et la fugitivité de l’instant présent. L’hypericon, c’est le nom latin du millepertuis, cette plante qu’utilise Teresa et qu’on retrouve aussi dans le tombeau du pharaon. J’ai apprécié ce roman graphique, d’une part il y a cette découverte extraordinaire en Egypte (c’est ce que j’ai préféré) et d’autre part ce couple en devenir, leurs parties de jambe en l’air, leurs jeux du chat et la souris, la découverte de cette formidable ville de Berlin (décrite avec justesse) à une époque où l’attentat du 11 septembre va bouleverser la population. Les dessins, simples mais élégants (la couleur or domine dans les planches réservées à Toutankhamon) m’ont plu et les deux histoires ne se contentent pas de suivre une trame linéaire mais, par des ellipses et des tâtonnements, apportent un peu de magie et de poésie à cette grande Histoire toujours en train de s’écrire.

La fameuse découverte de Carter : « Puis, au fur et à mesure que mes yeux s’habituent à l'obscurité, je vois une chambre. A l'intérieur, quelque chose scintille à la lueur de la bougie. Des statues aux formes étranges. De l'or partout. Des merveilles. »

Berlin : « cette ville dans laquelle je viens de débarquer est un méli-mélo inextricable, un labyrinthe sans murs mais parsemé d’indices dispersés qui permettent de passer d’un endroit à un autre, à chaque fois différente, et absolument unique, délirant, inclassable. »

Hypericon, bd chez Dargaud de Fior

Hypericon - (Manuele Fior) - Comédie [CANAL-BD]

Partager cet article
Repost0
6 septembre 2023 3 06 /09 /septembre /2023 11:15

Mon maître et mon vainqueur - François-Henri Désérable - Librairie  L'Armitière

          Le narrateur et ami de Vasco va témoigner chez le juge. Vasco, conservateur à la BnF, est tombé éperdument amoureux de Tina, une comédienne mariée à Edgar et mère de jumeaux de 18 mois. Entre Tina et Vasco, l’amour pour Rimbaud et Verlaine va les rapprocher, mais surtout le sexe avec ce qu’il a de plus instinctif, bestial, explosif. Tina ment régulièrement à son mari qu’elle prétend pourtant aimer aussi pour retrouver son amant. Une passion dévoreuse abîme les deux qui se quittent, se retrouvent, se déchirent, se requittent, se manquent. Le mariage de Tina et Edgar est pourtant prévu... Vasco écrit des poèmes, se ruine pour offrir à son amante le revolver qui a permis à Verlaine de tirer sur Rimbaud, il s’isole, se morfond, périclite, veut mourir, veut récupérer Tina.

C’est dans un récit morcelé, avec des va-et-vient entre le présent et le passé, que se dessine l’histoire d’amour ou plutôt les deux histoires d’amour contenues dans ce roman. Si j’ai beaucoup aimé les références littéraires, les inclusions de citations de Verlaine, Rimbaud ou encore Baudelaire, j’ai encore davantage apprécié les petites pointes d’humour qui permettaient à l’ensemble de se lire avec une fluidité agréable. Mais je n’ai absolument pas réussi à m’attacher à Tina qui m’a agacée de bout en bout. Et puis, surtout, l’histoire se résume à une affaire d’adultère avec ses clichés et ses différentes étapes ou quand l’amour copine si bien avec la mort... puisque toute la narration se fait chez un juge, le lecteur se dit d’emblée que ça va mal finir. C’était donc une parfaite lecture de vacances pour moi, divertissante et légère mais pas indispensable. (Mention spéciale tout de même à la couverture et au titre)  

Le passage est trop long pour être cité mais j’aime l’idée de rangement de bibliothèque de Tina : les livres sont classés selon la cote d’amour de la lectrice. En haut à gauche, la crème de la crème, pour glisser doucement vers le moins bon, et, en bas à droite, des livres nuls et sans aucun intérêt.

« la rupture amoureuse est pire que la mort, c'est le deuil pour soi-même d'une personne encore en vie, que d’autres pourront voir et entendre et sentir et toucher. »

Margaux : « Elle avait la connerie absolue comme d’autres ont l’oreille. Sa conversation était creuse, insipide ; et puis elle était d’une jovialité, d’une équanimité déprimante : tout, tout le temps, était toujours génial, ou canon, ou chanmé. »

Les cousins d’Edgar sont très chics, « parfaitement sanglés dans leur costume, à croire que porter un costume ils avaient fait ça toute leur vie, et qu’ils avaient poussé leurs premiers vagissements à cause d’un nœud de cravate qui le serrait un peu trop. »

Partager cet article
Repost0
3 septembre 2023 7 03 /09 /septembre /2023 09:45

VEILLER SUR ELLE | Libraire de Plaisance

Michelangelo alias Mimo naît en Italie en 1904 mais ses parents émigrent en France : son père sculpteur décède prématurément et sa mère préfère le confier, à l’âge de douze ans, à un oncle de Pietra d’Alba, en Italie, pour qu’il apprenne le métier de sculpteur. Apprendre, il ne le fera pas tant que ça puisque non seulement Zio Alberto est un fainéant toujours ivre mais, surtout, Mimo a un talent inné pour cet art de la sculpture. Très tôt, malgré les quolibets qu’il essuie à cause de son nanisme, il réalise des merveilles d’une beauté et d’une originalité sans pareilles. La rencontre avec Viola Orsini, fille d’une riche famille d’héritiers qui règne sur la région, sera décisive pour toute la vie de Mimo : créature aussi impertinente que céleste qui écoute les morts, se couche sur les pierres tombales, se souvient de tout ce qu’elle lit, rêve de voler, se lie d’amitié avec une ourse, et devient « démiurge » de la vie Mimo. Mais les aléas de la vie vont séparer les deux amis, l’une va se retrouver grièvement blessée tandis que l’autre - après maintes pérégrinations et infortunes - va gravir les échelons du succès. Mais j’en dis déjà trop...

Après deux coups de cœur (Cent millions d’années et un jour et Des diables et des saints) du même auteur, la barre était placée très haut pour ce roman. A la fois récit d’aventure, Bildungsroman, livre sur la sculpture, roman à suspense, apologie de la différence, ce texte est aussi un éloge de l’amitié. Le tout est nimbé de bout en bout d’un charme italien qui traverse les décennies du XXè siècle : guerres, fascisme et antifascisme, Cinecittà, séismes, tout y passe. Riche et dense comme un ouvrage de Luca Di Fulvio, virevoltant et coloré comme un Carlos Ruiz Zafón, Veiller sur elle se distingue surtout par une alchimie mystérieuse, une magie qui opère à chaque page et se clôt par un dénouement grandiose. L’admirable plume de Jean-Baptiste Andrea magnifie cette intrigue envoûtante. Ce roman vient de recevoir le Prix du roman Fnac 2023 et, au vu des critiques (quasi) unanimes, il ne se contentera pas d’une seule récompense. (edit 5 septembre : on vient d'apprendre qu'il fait partie de la Première Sélection du Prix Goncourt). Je crois cependant que Cent millions d'années et un jour et Des diables et des saints méritent aussi une ovation ... (oui je les ai préférés !)

« Elle me sourit, un sourire qui dura trente ans, au coin duquel je me suspendis pour franchir bien des gouffres. »

« Viola était une funambule en équilibre sur une frontière trouble tracée entre deux mondes. Certains diront entre la raison et la folie. Je me bâtis à plus d'une reprise, parfois physiquement, contre ceux qui l'accusaient d'être folle. »

« Je n’ai jamais retrouvé la douceur des printemps de Pietra d’Alba, quand l'aube durait tout le jour. Les pierres du village en agrippaient le rose et le passaient à tout ce qui pouvait le refléter, carreaux, métaux, inclusions de mica dans les affleurements rocheux, source miraculeuse, jusqu'aux yeux des habitants. Le rose ne s'éteignait que quand le dernier homme s'endormait, car même à la nuit tombée, il survivait dans le regard qu'un garçon posait parfois sur une fille sous la lumière des lampions. Le lendemain, tout recommençait. Pietra d’Alba, pierre d’aube. »

« Moi aussi, un jour, j'ai cru que j'avais du talent. J'ai compris depuis qu'on ne peut pas avoir du talent. Le talent ne se possède pas. C'est un nuage de vapeur que tu passes ta vie à essayer de retenir. Et pour retenir quelque chose, il faut deux bras. »

« Sculpter, c'est très simple. C'est juste enlever des couches d'histoire, d'anecdotes, celles qui sont inutiles, jusqu'à atteindre l'histoire qui nous concerne tous, toi et moi et cette ville et le pays entier, l'histoire qu'on ne peut plus réduire sans l'endommager. Et c'est là qu'il faut arrêter de frapper. Tu comprends ? »

Avec ses 581 pages, ce roman participe au challenge des Pavés de l’été du blog la petite liste.

Partager cet article
Repost0
31 août 2023 4 31 /08 /août /2023 11:14

Hotell - John Lees - Librairie La Fureur de Lire

Sur la route 66, un étrange hôtel isolé, l’hôtel Pierrot Courts. Débarque une mère enceinte jusqu’au cou qui fuit un compagnon trop violent. Elle se rend rapidement compte qu’il règne, dans sa chambre d’hôtel, une ambiance pas franchement cocasse, elle sent comme un malaise, fait des rêves étranges de son bébé qui prendrait le pouvoir, elle rencontre un voisin entreprenant et finit par se laisser dominer par son bébé. Un autre client rêve de tuer sa femme, il passe réellement à l’acte en l’empoisonnant avant de la découper en morceaux mais cinq minutes plus tard, elle se présente tout sourire sur le seuil de sa chambre. Il y a aussi ce père qui veut exorciser le démon qui a pris possession de son fils, il est aidé par un prêtre tombé en disgrâce. Les personnages se suivent et parfois se croisent dans cet endroit où rien ne va.

Bon bon bon... j’ai emprunté cette BD avant de réaliser chez moi que c’était un comics mais il faut savoir s’écarter de ses habitudes parfois, n’est-ce pas ? J’ai souvent hésité entre cauchemar et bonne tranche de rigolade (mais, « en vrai » comme disent mes ados, j’ai quand même bien flippé !) j’ai cependant réussi à terminer ma lecture que je n’ai pas trouvée si mauvaise. Les différentes histoires finissent par s’imbriquer intelligemment pour ne former qu’une farandole d’horreurs (yeux crevés, bébé transformé en zombie hilare, étang malfaisant et monstre visqueux, femme découpée en morceaux sanguinolents). Evidemment, le thème d’un hôtel perdu qui fait peur n’est pas sans rappeler certains films de Kubrick ou d’Hitchcock mais il faut avouer qu’ici on est un brin au-dessus dans l’horreur. Il devrait sortir un second tome que je vais m’appliquer à soigneusement éviter.

Paroles de réceptionniste : « Tout le monde affirme avoir un mauvais pressentiment au Pierrot Courts. Parfois, je me dis que cet endroit est l’incarnation même du mauvais pressentiment. Ils prétendent vouloir partir, mais ils ne le font pas. Ou ils en sont incapables. Comme prisonniers d’une gravité malfaisante. »

 

Partager cet article
Repost0
28 août 2023 1 28 /08 /août /2023 08:00

Une amazone: suivi de Marie eBook : Dumas, Alexandre: Amazon.fr: Boutique  Kindle

J’ai un peu triché pour participer au challenge Les classiques c’est fantastique puisque le défi consistait plutôt à lire un pavé de Dickens vs Dumas ... Ici, il s’agit de « Marie », une nouvelle de jeunesse de Dumas et d’« Une amazone », une autre nouvelle parue la même année que La Reine Margot (1845).

« Une amazone » : Edouard Didier est un jeune homme qui vient d’emménager dans un petit appartement. Lors d’un bal masqué, il se laisse aborder par une jeune fille portant un domino ; très vite séduit par la fine main et la douce voix, il tente de percer l’énigme de son identité. De plus en plus mystérieuse, la jeune fille sème quelques indices : il s’agit d’Herminie, une orpheline qui sait manier les armes et monter à cheval comme un homme et qui, surtout, ne veut pas se marier. Elle fait d’Edouard ce qu’elle veut, et commence par lui ordonner de garder leur liaison secrète et de venir la rejoindre à minuit, dans la maison d’en face, en posant une longue planche entre les deux fenêtres. Une vraie liaison dangereuse...

Passés les deux premiers chapitres dont je n’ai pas compris l’intérêt (une longue partie de cartes, le lansquenet), le récit gagne rapidement en force non seulement grâce à ce personnage féminin énigmatique et attachant mais aussi par le truchement de l’humour. En effet, Herminie mène notre petit Edouard à la baguette, il se demande d’ailleurs ce qu’il représente vraiment pour elle : « un peu plus que sa femme de chambre, un peu moins que son chien, un accessoire, un hochet, un passe-temps ». Mais il ne l’aime pas non, non, non, évidemment. L’autre personnage-clé de la nouvelle, c’est Edmond, le lourdaud de service qui va revêtir une importance cruciale à la fin du texte. J’ai adoré cette nouvelle que j’ai trouvée impeccablement menée avec ce qu’il faut d’humour, de surprise et de suspense.

Dans « Marie », le narrateur, lors d’une nuit parisienne, va sauver une jeune fille de la noyade. Enceinte, elle voulait mourir, délaissée par un homme qui n’est autre qu’Alfred, une connaissance que le narrateur haïssait déjà. Le père de Marie va affronter Alfred en duel. Le récit n’est composé que d’une seule lettre, celle du narrateur qui réclame l’aide de son ami Gustave pour une « affaire de sang, une affaire que la mort peut seule terminer. » (tout s’éclaircit à la fin)

Deux jolis moments de lecture agrémentée par des dialogues fort savoureux et un rythme enlevé.

Ah ! ces femmes : « Le jeu avec les femmes a cela de charmant qu'il donne à leur physionomie toutes les expressions d'un chagrin réel ou d'une joie folle, selon qu'elles perdent ou qu'elles gagnent, car elles ne se donnent pas comme nous la peine de cacher ce qu'elles éprouvent. »

Herminie, résolument moderne et assurément très franche : « Je vous aime comme amant mais je vous haïrais comme mari. La seule idée que quelqu'un aurait reçu d'un pouvoir plus fort que le mien, le droit de m'empêcher d'être libre serait un tourment sans fin pour moi. Vous êtes mon premier amour, mais je ne vous dis pas que vous serez le dernier. Moi, je n'ai jamais aimé, je ne sais pas combien de temps on aime et du jour où je ne vous aimerais plus comme aujourd'hui, j'entends que nous redevenions libres tous deux ; que jusque-là il n'y ait pas une indiscrétion de votre part, comme Il n'y aura pas un doute de la mienne, et qu'une fois séparés par ma seule volonté, quoi qu'il arrive, vous cessiez de me connaître et continuiez votre route sans regarder en arrière. »

« Cette femme-là prend un amant comme on prend un domestique, pensa Edouard, voyons les gages ! »

Sinon, de Dumas, j’ai déjà écouté Les Trois Mousquetaires, lu et adoré Le Comte de Monte-Cristo (non chroniqué ici) et de Dickens, je n’ai qu’un petit David Copperfield (en version abrégée - oui, c'est nul).

Partager cet article
Repost0
25 août 2023 5 25 /08 /août /2023 15:27

Coups de théâtre - Christian Grenier - Leslibraires.fr

L’inspecteur Germain et sa jeune stagiaire, Logicielle, papotent tranquillement du métier mais ils se séparent rapidement parce que bientôt sera diffusée, à la télé, le soir-même, une pièce de théâtre policière inédite. En direct du Théâtre du Crime, la nouvelle pièce de René Brusses est retransmise en direct. L’inspecteur est dans son canapé quand retentissent les trois coups et que se lève le rideau. Le problème est que l’actrice qui gît sur scène avec un couteau dans le dos ne se lève pas, ne bouge pas, elle est réellement morte. Une page de publicité interrompt les excuses maladroites du commentateur. S’ensuit une enquête où nos deux policiers vont suspecter l’ensemble des comédiens, auteur, metteur en scène et techniciens présents ce soir-là car, finalement, tout le monde la détestait, cette Matilda.

Même si la note de l’auteur nous avertit que ce texte est un roman, il est bel et bien présenté comme une pièce de théâtre. La mise en abyme est astucieuse pour un lectorat de jeunes qui pourra, surtout, s’initier au genre d’Agatha Christie. En effet, le huis clos, le suspens, la psychologie des personnages, la chute, ainsi que ce genre policier dépourvu de toute violence sont des ingrédients qu’on retrouve ici. Il est possible de transformer ce roman en pièce de théâtre en raccourcissant ou supprimant certains passages. Même si les portraits des personnages auraient pu être plus aboutis, j’ai apprécié cette lecture qui se veut également un hommage au théâtre. A faire lire aux jeunes férus de théâtre ou de policier.

« Le théâtre, Logicielle, c'est le règne de l'apparence. C'est l'univers du décor, du clinquant. Ceux qui pénètrent dans ce monde l'apprennent parfois à leur dépens. Beaucoup abandonnent leur propre personnalité pour adopter celle de personnages factices et provisoires. Certains y trouvent la gloire. La plupart, ils perdent leur âme. Connaissez-vous l'expression : « Il tuerait sa mère pour faire un bon mot » ?  J'ai connu des acteurs qui, pour glaner quelques applaudissements, ont été capables des pires bassesses... »

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Violette
  • : Un blog consignant mes lectures diverses, colorées et variées!
  • Contact

à vous !


Mon blog se nourrit de vos commentaires...

Rechercher

Pages