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1 juin 2023 4 01 /06 /juin /2023 09:47

In Absentia | Actes Sud

Pierre Delmain a été écrivain, il n’est désormais plus qu’un déporté politique survivant au Struthof, le camp alsacien (que j’ai souvent visité) et donc l’unique camp français. Son statut est privilégié : il a un peu plus de nourriture que les autres mais, en contrepartie, il doit achever les prisonniers destinés aux expériences médicales dirigées par Herr Doktor Hirt. Il les étrangle doucement avant qu’on intervienne sur les corps des manières les plus atroces et les plus absurdes. Il va ainsi tuer des dizaines de personnes ; dans ce cauchemar, il essaye d’y mettre de l’humanité et de la tendresse à travers un regard, un mot prononcé à voix basse, un prénom qu’il attribue pour donner un fragment d’âme à celui ou celle qui va mourir. Pour supporter ce qu’il fait au quotidien, son cerveau raconte une fiction qui se déroule au Moyen-âge. En parallèle, Saül Berstein, collectionneur d’arts, vit à Paris ses derniers instants de quiétude. Juif et homosexuel, il se fait embarquer comme tant d’autres dans un wagon à bestiaux. Il arrive au Struthof et rencontre Delmain, ils discutent comme ils l’auraient fait dans une vie ordinaire où une belle histoire d’amitié pourrait naître entre deux hommes intelligents épris d’art. Mais il y en a un qui est destiné à mourir, l’autre à lui survivre.

Dans un style efficace d’une puissance rare, l’auteur nous emmène en enfer, regarder ce que l’Homme a fait de pire sur cette terre.  Et Raphaël Jerusalmy trouve le moyen d’y déposer de la douceur, de la tendresse, de l’humanité. Le « tu » utilisé pour évoquer Pierre Delmain rapproche encore un peu plus le lecteur de ce personnage qui est à la fois victime et bourreau. Et l’après, le retour à la vie « normale » est tout aussi fort que cette période vécue dans le camp. De cette lecture choc, on peut retenir qu’on ne guérit jamais d’avoir vécu un tel enfer… et que, pourtant, malgré tout, des étincelles de vie et d’humanité surgissent toujours. Il y a aussi des rencontres qui marquent plus que d’autres et des souvenirs qui perdurent au-delà de la mort. Il est difficile de rédiger un billet après une telle lecture mais je ne peux que vous encourager à lire ce très beau texte. Coup de cœur.

Merci à Alex pour cette idée lecture forte, bouleversante et, elle a raison, emplie de lumière.

« Les arbres te regardent. A mi-chemin de la carrière, il y en a un dans le tronc est tout écorché. A chaque fois que tu passes devant, tu éprouves un sentiment de victoire. Surtout le soir, retour. Le voici. Tu t’en approches. Tu distingues les gerçures de l'écorce, désormais familières. Tu lui envies sa sève. Il l’exsude en fines coulées qui donnent soif. Tu voudrais t’étendre à ses pieds, t'assoupir à l'ombre de son feuillage. Tu trébuches ! Tu vas tomber. »

« Tu te tiens prêt, te massant les poignets, faisons craquer les jointures de tes doigts. Pour celui-là, ça ira vite. Tu sais désormais comment achever quelqu'un rapidement et sans douleur. Herr Doktor Hirt, lorsqu'il est dans les parages, chronomètre ta performance. Tu t'exerces, tu t'appliques. La nuit, tu t'entraînes sur du linge sale, de vieilles couvertures, pour t'habituer à serrer fort mais sans rudesse, à ne surtout pas relâcher l'étreinte, à soutenir le regard de celui que tu assassines. A lui offrir ton visage.

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29 mai 2023 1 29 /05 /mai /2023 08:28

critiquesLibres.com : Christine Stephen King

          J’ai quand même entendu deux fois « Tu lis du Stephen King, toi ? » sous mon toit… Eh oui, tout arrive.

          Nous sommes à Libertyville, ville fictive de Pennsylvanie, en 1978. Le narrateur et lycéen Dennis, est très copain avec un dénommé Arnie et il suit de près son coup de cœur : Arnie a aperçu une voiture mise en vente, ou plutôt un tas de ferraille, et il a tenu absolument à l’acheter. Dès les premières minutes de cette « rencontre », Arnie s’est métamorphosé, se comportant de manière étrange et irrationnelle, prêt à tout pour se procurer puis bichonner celle que son ancien propriétaire avait baptisée « Christine ». Tout commence par des hallucinations et des cauchemars, puis les bizarreries et les nouvelles lugubres vont s’enchaîner : Arnie prend de plus en plus d’assurance, lui jadis acnéique devient beau et attire la jolie Leigh, on apprend ensuite que l’ex-propriétaire décède puis ceux qui ont osé abîmer Christine meurent tous écrasés par une mystérieuse voiture. Pas de doute, Christine est hantée par un être maléfique. Dennis, associé à Leigh, tentera de raisonner son ami avant de vouloir stopper la série noire de meurtres.

Je participe pour la première fois au beau challenge « Les classiques c’est fantastique » de Moka et Fanny (thématique du mois : le titre n’est qu’un mot !) avec peut-être le moins classique de tous les titres même si Monsieur King a obtenu des dizaines de récompenses diverses et variées. Que dire de cette lecture dont tout le monde connaît l’intrigue ? Elle n’a pas été désagréable, les personnages sont assez bien dessinés, les rebondissements assez nombreux pour éviter l’ennui, certains dialogues sont vifs et alertes. On plonge complètement dans l’ambiance années 70-80, c’est sans doute ce que j’ai le plus aimé. On écoute Bruce Springsteen, Chuck Berry ou The Who, Grease vient de sortir mais la misogynie a encore de belles années devant elle… Pourtant, le roman est long, pas toujours excellemment écrit avec un style plat et sans intérêt et, évidemment, il faut y croire à cette histoire de voiture maudite… J’ai préféré le premier tiers du livre à la suite, lorsqu’on ne sait pas encore vraiment de quoi il retourne.  Le fantastique ne fait pas réellement peur, en tous cas, ça n’a pas pris chez moi. Toujours est-il que je suis contente d’avoir enfin extirpé ce bouquin de ma PAL et qu’il n’est même pas exclu que je retourne lire, un jour, Stephen King. Je ne suis pas insensible aux voitures, et parmi celles que j’ai eues, je me suis sentie plus proches de certaines, d’une en particulier, que d’autres. (le ridicule ne tue pas, voyez-vous…)

« Les phares le Christine s’allumèrent soudain, l'épinglant dans leur lumière blanche et crue. La Fury bondit sur lui, s’arrachant littéralement du sol en laissant du caoutchouc noir sur le trottoir tant le démarrage avait été brusque. Le bond de la voiture avait été tel que l'arrière avait paru toucher le sol, comme un chien ou un loup qui se tasse sur ses pattes arrière pour s'élancer. Les roues qui se trouvaient contre le trottoir montèrent dessus et la voiture partit vers Moochie dans cette position, penchée de côté. Le fond de la voiture gratta la bordure du trottoir dans un hurlement et une gerbe d'étincelles. »

 

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27 mai 2023 6 27 /05 /mai /2023 09:50

Au nom de Catherine - cartonné - Mayalen Goust, Julia Billet, Goust Mayalen  - Achat Livre ou ebook | fnac

Catherine, de son vrai prénom Rachel, s’épanouit dans sa vie de femme photographe indépendante, un an après la 2è guerre mondiale. Toujours amie avec le Jeannot de son enfance, elle est poussée par la directrice de son ancienne école à rester libre et autonome, à se chercher un vrai travail pour ne dépendre de personne. Courageuse et volontaire, elle rejoint Paris et vit à la Ruche, un refuge pour artistes où elle rencontre notamment Max Ernst. Participer en tant que reporter à une colonie de vacances en Allemagne permettant de réunir Allemands et Français va d’abord l’angoisser et puis, finalement, les jeunes et elle-même vont se rendre compte qu’ils n’ont affaire qu’à des adolescents et de jeunes adultes comme eux ; Catherine va même tomber amoureuse d’un Allemand. Les contrats pour Paris Match qui lui demandent de couvrir de grands défilés de mode ne l’intéressent pas vraiment, elle trouve son compte dans un voyage aux Etats-Unis : faire un reportage sur la ségrégation raciale et notamment le procès d’un révérend qui a porté plainte contre la ville de Topeka parce que sa fille, noire, a été refusée à l’école des Blancs.

Il s’agit bien de la suite de La Guerre de Catherine même si la dessinatrice n’est plus la même. J’ai mis un petit temps à me faire à la différence entre les deux styles de dessin (c’était Claire Fauvel pour le 1er tome), j’ai trouvé le trait moderne, minimaliste, un brin anachronique par rapport à l’époque évoquée mais finalement, ça m’a plu et j’ai lu cet opus comme indépendant de l’autre. Il me serait difficile de choisir mon préféré même si j’ai été frustrée dans un premier temps de ne plus voir Etienne. Il me semble que le dessin ici est plus adulte, plus mûr, comme Catherine l’est devenue elle aussi. Malmenée par les interdictions et les nombreuses couvertures et assez passive dans le premier tome, elle prend sa vie à bras le corps et dieu sait que ce n’était pas évident dans les années 40 et 50 de s’émanciper quand il fallait encore l’autorisation d’un mari ou d’un père pour aller travailler… Résolument féministe, Catherine va même rencontrer Simone de Beauvoir, cette expérience ainsi que son voyage américain, ses prises de position marquées vont faire d’elle une femme libre.

Un diptyque totalement réussi à faire lire au plus grand nombre !

Au nom de Catherine de Julia Billet - Album - Livre - Decitre

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24 mai 2023 3 24 /05 /mai /2023 10:05

Frontières du printemps - Paperblog

Le titre correspond aussi au début de 469 phrases ou paragraphes ou strophes ou versets ou haïkus, de petites bribes poétiques qui nous emmènent dans un train, sur une terrasse, dans une boulangerie, en bord de mer, à suivre un vol de martinets ou encore à observer les gens et à évoquer le quotidien et ce qui l’est moins. Entre autres.

Entre poésie et narration, l’auteur nous invite dans son monde sensible, fait d’impressions et de sensations, de perceptions et de ressentis divers. Il suit tout de même une sorte de trame linéaire qui fait défiler une journée ou un voyage en train. On passe ainsi de petites phrases en apparence banales à d’autres plus philosophiques, d’autres encore universelles. J’ai pris un certain plaisir à découvrir ces petites touches de « Je sens… », à piocher quelque phrases deci delà, à y trouver quelque chose de reposant. Source de méditation ou au moins de réflexion, le petit livre possède une précieuse vertu calmante, j’ai beaucoup apprécié la manière dont l’auteur prend le temps de se sentir habité par ce qui l’entoure. Cette décélération accompagnée d’une écoute attentive du monde est toujours appréciable.

Si j’ai bien compris, l’auteur est un astrophysicien français ayant pris un pseudo nippon parce qu’amoureux du Japon.

La publication de cet ouvrage, en 2021, fait suite à un Je sais… sorti 15 ans plus tôt.

Quelques morceaux choisis :

51. Je sens qu’il se passe quelque chose en une fraction de seconde quand on croise le regard de quelqu’un.

82. Je sens qu’il manque un mot pour signifier qu’il y a au moins un aspect positif dans quelque chose. Par exemple le seul dièse comme on dit le seul bémol quand il y a un aspect négatif ?

106. Je sens qu’à chaque instant des milliards d’yeux fixent des milliards de choses sur cette planète.

147. Je sens qu’avec leurs enfants, les gens ne pensent souvent plus qu’à eux-mêmes.

268. Je sens que le rêve est une explosion de je sens.

358. Je sens que voler est comme nager dans l’air, que nager est comme voler dans l’eau.

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20 mai 2023 6 20 /05 /mai /2023 17:58

Dessous les roses de Olivier Adam - Editions Flammarion

Difficile de passer plus d’un an sans lire un de mes auteurs fétiches.

Antoine, Paul et Claire sont frères et sœur. Paul est un cinéaste et scénariste qui fait brillamment carrière à Paris mais Antoine et Claire lui reprochent d’abord de les bouder trop souvent, ne se pointant qu’à de rares exceptions dans la demeure familiale – c’est le cas aujourd’hui même – ensuite, ils lui en veulent d’étaler leur vie sur grand écran souvent de manière inexacte ou outrancière même si Paul s’en défend. Ce soir est très particulier puisque leur père vient de mourir. Entre les rancœurs, les regrets et les reproches, les trois exposent leur vie dont les racines sont communes. La mère, désormais veuve, est au centre de cette maison familiale.

Voilà un livre qui se lit très bien, on entre vite dans cette petite sphère familiale malmenée, abîmée et finalement assez ordinaire. La forme, qui s’apparente à une pièce de théâtre, genre que je chéris, m’a évidemment plu : il y a trois actes, un jour par acte et chacune des scènes est prise en charge tantôt par Claire, tantôt par Antoine ; Antoine à qui on en veut toujours et depuis longtemps n’aura droit à la parole qu’à la dernière scène. Une lecture bien agréable au début qui se gonfle d’émotion au bout d’une centaine de pages mais, où, il a peut-être manqué un peu de piment et de singularité ; il faut dire qu’après le grand William Boyle, c’était difficile de rivaliser. Pourtant, quand je lis Olivier Adam, j’ai l’impression de rentrer à la maison tellement je me trouve de points communs avec son univers, sa génération, son époque et il y a autant de positif que de négatif dans ce constat. C’est une lecture que je conseillerais pour peu qu’on s’intéresse aux relations ambiguës et complexes d’une fratrie. Pour le final aussi, tout en splendeur ; pour ce titre si polysémique et si juste. En fait, j'ai adoré.

Olivier Adam aime le prénom Paul, déjà présent dans Les Lisières ou Des vents contraires. Jean-Paul Dubois nous donne aussi du « Paul » en veux-tu en voilà… c'est tout de même étrange !?

La mort du père – j’ai tellement vécu la même chose : « j’avais l’impression de perdre le mien sans arrêt depuis des mois déjà. Comme s’il ne cessait de mourir encore et encore. Ça avait commencé par le verdict des médecins. Ça avait continué avec l’hospitalisation. Puis la perte de conscience. La sédation. Les soins palliatifs. Le décès lui-même. Demain ce serait l’enterrement. Et ça continuerait comme ça pendant des jours, des mois, des années. Je le perdrais de nouveau à chaque fois que j’y repenserais après l’avoir oublié pendant quelques heures. Chaque fois qu’il me faudrait me le répéter pour l’intégrer. Chaque fois que je réaliserais qu’il ne serait plus jamais là. Et que c’était définitif. Sans recours. »

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17 mai 2023 3 17 /05 /mai /2023 16:35

Livre : La guerre de Catherine écrit par Julia Billet et Claire Fauvel - Rue  de Sèvres

En 1941, Rachel Cohen, une adolescente, est interne à la Maison des Enfants, une école aux méthodes particulières, laissant une grande place à la liberté et aux talents personnels de chaque enfant. Rachel se prend de passion pour la photographie, guidée par Pingouin, le mari de la directrice de l’école. Lorsque les restrictions et arrestations de Juifs s’amplifient, la direction de l’école décide de protéger tous les enfants juifs en leur attribuant une nouvelle identité : Rachel deviendra Catherine. Elle devra quitter l’établissement pour rejoindre un pensionnat tenu par des sœurs. Elle y rencontre Alice, une petite fille qu’elle prend sous son aile. En développant des photos en ville, à Riom, elle fait la connaissance d’Etienne avec qui elle partage sa passion et qui fait battre son cœur un peu plus fort. Mais la mère supérieure pense avoir été dénoncée, il faut fuir encore, et c’est avec Alice que Catherine se rend cette fois dans une ferme isolée où elles sont recueillies par des paysans un peu rustres mais généreux. Catherine s’essayera au métier d’institutrice pour les petits sans jamais réellement quitter son Rolleiflex qui lui permet d’immortaliser toutes ses rencontres.

C’est une véritable odyssée que Rachel-Catherine va vivre pendant cette guerre. Toujours inquiète pour ses parents dont elle n’a plus de nouvelles, elle croisera cependant souvent le chemin de personnes généreuses et altruistes. Les péripéties de Catherine mais aussi de ces autres enfants complètement perdus, qui doivent cacher leur véritable identité, sont relatées avec émotion et tendresse. L’histoire est d’autant plus prenante et intéressante qu’elle est placée sous le prisme de la photographie. Les dessins rendent parfaitement bien la douceur et la délicatesse de l’histoire dans cette époque faite d’atrocités et de barbaries. Un album à faire lire à tout le monde. Il existe une suite que je découvrirai très bientôt, Au nom de Catherine. Merci à ma fille de m’avoir prêté son cadeau.

La BD est une adaptation du roman de Julia Billet qui s’est inspirée de l’histoire de sa mère, Tamo Cohen. J’ai déjà pu apprécier le talent de la dessinatrice Claire Fauvel pour La Nuit est mon royaume.

"Etienne rend leur fierté à ces femmes et ces hommes liés à la terre, aux saisons, dans la rudesse du quotidien. Et l'art est bien là, dans cet interstice de la vie... dans l'extraordinaire."

La Guerre de Catherine, bd chez Rue de Sèvres de Billet, Fauvel

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13 mai 2023 6 13 /05 /mai /2023 17:08

Éteindre la Lune - William Boyle - Éditions Gallmeister

J’étais persuadée d’avoir déjà lu cet auteur mais j’ai eu beau fouiller dans ma mémoire et dans mon ordi, non. Je dois le confondre avec un autre. Toujours est-il que je ne regrette absolument pas cette lecture.

A Brooklyn, en 1996, Bobby a 14 ans et, avec son copain, il ne sait comment remplir ses journées tristes et monotones. Leur dernière trouvaille : jeter des cailloux sur les voitures du haut d’un pont. Ça les fait rire jusqu’au jour où ce petit jeu stupide aura des conséquences funestes. Cinq ans plus tard, Lily, jeune fille un peu paumée essaye d’être écrivaine tout en démarrant des ateliers d’écriture qu’elle ose diriger. La rencontre avec Jack, un bonhomme qui n’a connu que des tragédies dans sa vie, va illuminer ses jours et la rassurer dans son quotidien. Francesca, elle, n’en peut plus de vivre avec sa grand-mère qui lui fait la morale à longueur de journée et elle se précipite sur une rencontre qui n’augure rien de bon. Sur fond de misère sociale, de règlements de compte, de malheurs à répétition, de magouilles, les malfrats vont croiser le chemin d’êtres devenus lumineux.

Excellent roman américain, il bénéficie à la fois d’une intrigue sombre et efficace et de réflexions très justes sur la société contemporaine, ses dérives et ses gangrènes. J’ai absolument tout adoré, la diversité des personnages, leur profondeur, ces rencontres inattendues qui sont autant d’étincelles dans cette vie pourrie d’un Brooklyn si glauque. Les protagonistes sont presque tous entre l’adolescence et l’âge adulte, et on retrouve cet entre-deux dans leurs réactions, ces hésitations à ne pas quoi savoir faire de son corps, de sa liberté, de sa vie. L’écriture est fluide, rythmée par des dialogues percutants et accompagnée de musiques derrière lesquelles on a l’impression d’entendre les klaxons et les rumeurs de la ville. C’est un roman noir, vif, remuant, sonore, alcoolisé, qui nous sort du schéma classique familial tout en évoquant - avec brio -le thème de la résilience. COUP DE CŒUR !

(ne lisez pas la quatrième de couverture qui en dit trop !)

Un des voyous que Jack tente d’effrayer : « Max ouvre. Grand, pâle et ridicule, il est vêtu d'une chemise jaune à manches courtes avec, dans la poche de poitrine, un porte-stylos rempli. Une chemise mal boutonnée – il a dû rater un trou – qui pend par-dessus son pantalon, un Dockers de contrefaçon. Des taches de sueur presque noires sous ses aisselles. Des chaussures de piètre qualité aux lacets défaits. Des lunettes premier prix à monture rectangulaire. Dans sa main, une petite brique rouge de lait entier, comme on en donne aux gamins à la cantine. Une traînée blanche et humide au-dessus de sa lèvre. Des cheveux pas coiffés, désordonnés, saupoudrés de pellicules. »

Une réplique qu’on ne peut trouver dans un roman français ! « J’ai déjà vu des pistolets. J’ai bossé dans des restaurants. »

 

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10 mai 2023 3 10 /05 /mai /2023 10:18

La dame de Reykjavik t.1 - Ragnar Jónasson - Points - Poche - Place des  Libraires

Premier tome d’une trilogie.

En Islande, l’inspectrice Hulda n’a plus que quelques mois à travailler avant de partir à la retraite, perspective qui ne l’enchante pas du tout. Veuve, assez pauvre, cette femme n’a que son travail dans sa vie même si l’amitié naissante d’un certain Pétur pourrait donner lieu à une belle histoire. La mauvaise nouvelle vient du chef d’Hulda qui lui annonce que, finalement, elle est remerciée déjà maintenant, qu’elle peut plier bagage, l’affaire en cours sera transmise à un collègue plus jeune (donc plus compétent…). Devant le désarroi d’Hulda, le chef l’autorise à sortir une affaire non résolue et à s’en occuper les deux dernières semaines qu’il daigne lui octroyer. Hulda va donc enquêter sur la mort d’Elena, une demandeuse d’asile russe retrouvée morte dans une crique, un an auparavant. L’inspecteur Alexander semble avoir été bien négligent pour conclure aussi vite à un suicide. En effet, tout porte à croire qu’il s’agirait d’un meurtre. Hulda, lors de son enquête, va commettre des impairs, va fâcher chef et collègues et va avoir du mal à clore cette affaire sans provoquer quelques remous.

Si le roman démarre comme un polar assez classique, deux particularités émergent, l’une plus rapidement que l’autre : l’histoire tourne beaucoup autour de l’inspectrice Hulda, de son âge, de sa date de « péremption » dans le monde du travail, plus tard dans le livre de son passé douloureux. C’est vraiment intéressant et ces données expliquent certaines de ses réactions, voire de ses erreurs professionnelles. Ensuite : la fin ! Quel choc que ce dénouement imprévisible ! Le cadre hostile de cette nature islandaise n’est pas pour déplaire non plus, on frôle le nature writing sans y être tout à fait. Ma maman m’a prêté la suite, je pense la lire, on se retrouve apparemment quinze ans plus tôt. Et puis découvrir l’Islande sous cet angle n’est pas désagréable.

La crique où Elena a trouvé la mort : « Sans être particulièrement grande, elle était d'une beauté quelque peu austère, et la mer paraissait sereine malgré les assauts répétés des rafales de vent ; Hulda éprouva une sensation momentanée de bien-être, la vision et l'odeur de la mer la transportant une fraction de seconde dans la vieille maison d’Alftanes, au sein de sa famille, quelques jours avant le désastre. Puis la sensation se dissipa et ses pensées revinrent vers Elena qui, plus d'un an auparavant, avait dû se tenir au même endroit, face au même panorama, et peut-être ressentir à la même paix. »

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7 mai 2023 7 07 /05 /mai /2023 10:12

Du bruit dans le ciel de David Prudhomme - BDfugue.com

Dans un gros album de 200 pages, l’auteur nous présente l’endroit où il a grandi. Lorsqu’il était enfant, ses parents avaient acheté un terrain au milieu de nulle part où il devait aider à sortir les cailloux qui empêcheraient le gazon de pousser alors qu’il aurait plutôt voulu rester à la maison dessiner. La taille des terres permettaient aussi de s’occuper de chevaux. Des années plus tard, un lotissement a encerclé la maison familiale qui s’est agrandi au fil du temps. Mais c’est surtout l'ancienne base militaire américaine, quelques kilomètres plus loin, qui est sujet aux fluctuations économiques : revendu aux Chinois, le terrain a aussi été zone industrielle, aire d’entraînement des pilotes, école catholique, cabaret, bref, il en a connu des métamorphoses souvent plus ou moins ratées ou absurdes.

Le point faible de cette BD, c’est vraiment sa longueur. L’idée comme l’histoire et la manière dont elle est traitée ne sont pas inintéressantes mais on comprend que le dessinateur a ressenti le besoin de tout raconter, de plonger dans ses souvenirs et de mettre en lumière cet endroit qu’il a si bien connu. Ça lui a sans doute personnellement fait du bien mais pour le commun des lecteurs, c’est long et parfois lassant ; il aurait été plus percutant de condenser certains changements économiques et topographiques et de se concentrer sur des portraits bien réussis (les grands-pères, par exemple). Il subsistera tout de même l’image des hommes, minuscules et impuissants, tels des pantins, à qui on impose des changements, qui voient leur paysage se modifier sans qu’on leur demande leur avis. Je ne remets pas en cause le dessin que j’ai apprécié par ses traits simples et efficaces.

« Dans notre coin, qu’on appelle le centre, à égale distance de tout, souvent traversé sur la route des vacances mais où on ne s’arrête guère… on a l’habitude de laisser passer… n’attendre rien. Mais faire son miel de toutes choses, en tentant de rendre sa fantaisie au quotidien. Voilà peut-être le secret maison. Ce que j’ai appris ici. Dans l’œil du cyclone. Au milieu de rien. Mon manège à moi. »

Du bruit dans le ciel, bd chez Futuropolis de Prudhomme

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4 mai 2023 4 04 /05 /mai /2023 09:54

Cynthia: Le meurtre et autres nouvelles - John Steinbeck

 

Ce recueil de nouvelles est composé de quatre textes.

La première nouvelle intitulée « Le harnais » nous emmène dans les environs de la ville natale de Steinbeck, Salinas. Peter est un fermier qui vit avec sa femme, Emma, « femme-oiseau », menue et maladive, mais pugnace. C’est toujours Emma qui a commandé, décidé, dirigé. Mais elle ne survivra pas à sa dernière maladie, son dernier alitement. Le jour de sa mort, Peter débloque complètement mais avoue à son copain qu’Emma exerçait une influence oppressante sur son existence et qu’il compte bien, désormais, profiter de la vie comme il l’entend. En réalité, il n’en fera rien, trop endoctriné par sa femme même décédée.

Dans la deuxième nouvelle, « Le meurtre », le pouvoir d’une seule femme s’exerce encore une fois sur un homme. Jim Moore a épousé une Slave qu’il n’a jamais cessé d’admirer pour sa beauté. Mais au fil des mois de vie à deux, il ne peut s’empêcher de se questionner : Jelka est belle, attentionnée, docile mais silencieuse, elle ne participe jamais aux discussions avec son mari, se contentant d’hocher la tête. Il est question de mystère, de fidélité et d’endurance conjugale.

Dans « Le serpent », le jeune docteur Phillips, une sorte de savant fou, un biologiste érudit spécialisé dans les animaux, vit reclus dans son petit appartement, absorbé par ses recherches. Une jeune femme mystérieuse arrive, elle souhaite acheter un serpent, le plus grand serpent à sonnette dont il dispose. Elle exige également de donner un rat vivant au même serpent, là, immédiatement, sous ses yeux. Le chercheur observe une fascination tout à fait inhabituelle voire malsaine lors du repas du serpent.

Dans la dernière nouvelle « Fuite », mama Torres, « une femme, maigre et sèche, aux yeux anciens » dirige seule une ferme. Veuve, elle vit avec ses trois enfants et son aîné, Pépé, affectueux, beau et gentil, mais surtout très paresseux. Une expérience particulière, va le faire mûrir d’un coup, et de faire devenir « un homme » comme le souhaitait sa mère. Il va même devoir fuir et, finalement, cette maturité venue d’un coup le perdra.

 

Même si la dernière nouvelle est un peu à part, ces textes placent la femme au cœur de l’histoire, lui attribuant une importance et une puissance sur l’homme. Elles apparaissent comme influentes, dangereuses, … voire nocives. Ce court recueil de nouvelles fait en réalité partie d’un livre plus vaste, La grande vallée, publié en 1938, à peu près à la même époque que Des souris et des hommes. Et j’y ai trouvé beaucoup de ressemblances : la dimension tragique, cette nature souvent hostile, un pessimisme ambiant et une manière efficace et marquante de planter le décor et de dessiner les personnages. Pourquoi donc ne lis-je pas plus souvent Steinbeck ?

 

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