Les fantômes reviennent au printemps
Juliette est une jeune femme un peu dépressive et hypocondriaque. Elle fuit un temps la vie parisienne pour rejoindre sa ville natale mais sa famille ne l’aide pas vraiment à aller mieux : sa grande sœur Marylou n’en pouvant plus de la vie de famille a pris un amant qu’elle retrouve dans la serre du jardin tous les jeudis ; son père, divorcé, a du mal à sortir de sa vie pépère et trop tranquille ; sa mère – c’est tout l’inverse – elle cumule les amants plus jeunes et mène une vie délurée. Quand Juliette rencontre Pollux, un gars un peu veule qui tombe amoureux d’elle, elle parvient à confier ses angoisses mais le célibataire maladroit ne va peut-être pas la combler pour autant. Entre l’adoption d’un canard, les accidents au sens propre comme au sens figuré, le bar « Le Tropical » où les désœuvrés se retrouvent le temps d’une bière, les souvenirs du passé, les palpitations de Juliette, les rendez-vous adultères dans la serre (l’amant vient toujours déguisé, en ours, en lapin, en fantôme… d’où le titre… c’est très drôle !) la vie ordinaire suit son petit bonhomme de chemin.
C’est une jolie découverte d’une autrice dont je n’avais jamais rien lu. Récits de la vie de tous les jours, parcours de personnages auxquels on peut s’identifier et surtout, traitement drôle et léger des soucis quotidiens. J’ai parfois bien ri, j’ai bien aimé la justesse des sentiments des personnages – on n’est pas dans un univers manichéen feel good, et surtout, j’ai apprécié me laisser surprendre par les dessins. Relativement naïves, colorées voire enfantines pour la plupart, certaines planches cèdent la place à des aquarelles plus grandioses aux couleurs plus douces. J’ai trouvé que c’était un beau mélange entre les rondeurs d’un Botero et l’exubérance d’un Douanier Rousseau. Et puis, ça parle de nous, on s’y retrouve, on l’a vécu, on voudrait ne pas le vivre … bref on est dans le vrai, quoi !
Pollux s’occupe de la chienne de la tenancière du bar, il n’aime pas le caniche : « Oh je ne la déteste pas vraiment. Je trouve qu’elle pue, qu’elle est moche et qu’elle ne sert à rien, mais je pourrais dire la même chose de pas mal de gens que je connais et je les aime quand même. »
Marylou en grande conversation avec sa copine : « Tu te rappelles de la petite tête de mort que je m’étais tatouée juste là ? Ben elle a disparu. Je voulais la montrer à l’amant l’autre jour et pouf… Elle n’était plus là… et puis d’un coup j’ai aperçu un bout bleu… Alors j’ai tendu la peau du ventre… Et elle était là… coincée entre deux bourrelets. Le peu de jeunesse qui me restait. Noyée dans la graisse… »