Plébiscité par de nombreux lecteurs, ce roman m’a fait de l’œil à moi aussi et je suis ravie d’avoir succombé.
Stan est un paléontologue d’une cinquantaine d’années, complètement passionné par son boulot. Un certain Leucio lui raconte un jour qu’enfant, il est tombé nez à nez avec un dragon dans une grotte perchée à quelques centaines de mètres d’altitude. Stan, célibataire et proche de la retraite, n’a plus rien à perdre ; il est persuadé qu’un squelette de dinosaure l’attend dans cette grotte. Il dépense ses dernières économies et embrigade trois hommes : Umberto, son ancien assistant, un Italien géant et très doux, le guide Gio et Peter, un jeune Allemand extravagant. Ensemble, ils vont gravir la montagne, affronter les intempéries, creuser la glace, faire face aux disputes et aux moments de découragement.
Ce n’est pas tant l’intrigue qui m’a plu, même si le suspens nous fait tourner les pages à vitesse grand V, surtout à partir du moment où Stan se retrouve seul, même si on doit reconnaître que le personnage principal est attachant - son passé nous est dévoilé avec une lente et délicieuse subtilité – que les personnages secondaires sont tout aussi intéressants et originaux. Et puis, le final est une apothéose parfaitement réussie. Non, ces nombreuses qualités sont largement devancées par l’écriture imagée, sensuelle, parlante, sensible, d’un indéfinissable charme qui fait qu’on resterait bien plus longtemps dans le froid et la neige de ces montagnes hostiles. Je crois bien que je suis tombée amoureuse de cette plume qui parle, mieux que personne, des ruisseaux, par exemple, mais aussi de cet amour d’un fils pour sa mère perdue trop tôt, de ce rêve de gosse qui s’épanouit et s’envole... Allons-y : c’est un coup de cœur !
Stan a le vertige et n’a jamais fait de via ferrata : « Un miracle est arrivé. J’ai trouvé mes jambes d’alpiniste. Elles étaient là qui m’attendaient sur le bord du sentier, je les ai chaussées sans m’en rendre compte. Ce sont des jambes merveilleuses, pleines de puissance contenue, de ressort, de technique pour appréhender les trahisons du chemin. Je marche soudain d’un pas léger, je me colle bientôt à Umberto qui m’adresse un sourire en coin, l’air entendu. Je suis des leurs. »
« On l’entend – une chanson molle de laine, une mélodie de sabots. On la sent – une haleine d’ardoise mouillée. Mais on ne la voit pas, la frontière est invisible. Celle d’une nation vaste comme le vent, dont les habitants rares parlent le langage des bêtes. Nous sommes entrés à midi au pays des bergers. »
« Je suis parfois maladroit. Blessant, bourru, bête même. Réservé, froid, méfiant. Empoté et désespérant. Mais je ne suis pas un mauvais bougre. J’ai la gentillesse des abeilles, je pique parfois sans m’en rendre compte la main qui m’approche, parce que je crois par habitude qu’elle va m’écraser. »
« …le destin d’un homme est de partir. […] ceux qui ne partent pas ne trouvent jamais de trésor. »
« J’ai été sage toute ma vie. Crois-moi, ça ne sert à rien. »