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5 octobre 2023 4 05 /10 /octobre /2023 15:16

Plage de Manaccora, 16h30 - Poche - Philippe Jaenada - Achat Livre | fnac

Il était dit que je poursuivrai ma découverte de Philippe Jaenada après la lecture-révélation de La petite femelle.

Voltaire, le narrateur, est en vacances en famille dans les Pouilles, en Italie. C’est la deuxième année qu’il y vient avec sa femme Oum et son fils Géo. C’est un petit coin agréable, dans une résidence en face de la mer... jusqu’au jour où un incendie se déclare non loin de là. Le nuage de fumée grossit, les flammes apparaissent au loin puis se rapprochent dangereusement. L’inquiétude fait place à la panique. Il faut fuir ! Notre narrateur s’avoue parfois couard et peu altruiste, il pense surtout à lui-même et aux siens. Une flopée de touristes en maillot de bain s’enfuit vers la plage, tente de rejoindre une autre plage, celle de Manaccora, et se retrouve finalement bloquée entre l’incendie d’un côté et la mer de l’autre. Aucun secours n’apparaît, la chaleur et la soif accompagnent l’angoisse, et les gens se résignent peu à peu à se dire que tout est fini.

Comment faire d’un drame une bonne tranche de rigolade ? La réponse est dans ce roman loufoque et irrévérencieux. Bien sûr que ce n’est pas l’intrigue qui compte (même si connaître un incendie de cette ampleur n’est pas sans rappeler certains événements effrayants récents) mais bien la manière dont Jaenada nous la raconte tout en parenthèses et en digressions (il n’a aucun scrupule à utiliser la double parenthèse (un peu comme cela, voilà)). Il en résulte un lecteur qui se demande s’il doit vraiment s’apitoyer sur le sort de ces malheureux coincés entre mer et flammes, qui en apprend surtout un paquet sur le passé d’Oum et Voltaire, ses élucubrations d’ivrogne (tiens donc) à lui, ses innombrables défauts à elle (elle est maniaque, terriblement maniaque (source d’engueulade fréquente dans le couple)). De savoir que Jaenada et sa famille ont véritablement connu un incendie lors de vacances en Italie (4000 touristes évacués tout de même), ça change un peu la donne et force le respect. Alors oui, j’ai préféré La petite femelle, et de loin, mais j’ai pris plaisir à cette lecture - tout bien considéré - légère qui n’est pas sans rappeler Fabcaro dans ses meilleurs jours.

Toute ressemblance éventuelle de l’usage abusif de la parenthèse dans ce billet avec un certain style jaenadien n’est évidemment pas fortuite du tout... (c’est contagieux ! (le pire c’est qu’on aime ça !... enfin peut-être pas tous les lecteurs)).

« Quelques secondes de stupeur brûlante. Un mur de feu avance. Et quand peu à peu, les corps se sont remis à bouger, à errer ou à trépigner, à vaciller de droite à gauche, comme s'ils clignotaient sur leur faim, l'une des dernières couches d'espoir avait disparu. Oum et Géo, pharaons en déroute sous leurs serviettes trempées, se serraient l'un contre l'autre. Je sentais la panique me liquéfier le sang, un mur de feu avance, vite. Quelques femmes ont crié (« No ! No ! »)  aussitôt imitées par leurs enfants hoquetants. L'Italien dégarni au tee-shirt à tête de loutre, s'est placé spontanément entre sa famille et l'imposante vague de feu qui se déployait maintenant à moins de deux cents mètres de nous, l'air songeur, mais encore stoïque, semblant prête à s'interposer au moment de l'assaut. »

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commentaires

A
Pas très fan d'autofiction habituellement, maiis j'avoue que ce récit était très réussi !
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V
Je crois que Jaenada peut me parler de tout et n'importe quoi, je suis preneuse (et c'est d'ailleurs ce qu'il fait tout le temps^^)
G
Oh, mais tu me rappelles que je l'avais noté et qu'il est au fin fond de ma liste.... je le remets en haut.
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V
:)
S
Décidément, tu donnes envie de lire Jaenada... Vas tu continuer à découvrir son oeuvre ?
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V
Oui, oui, sans aucun doute, avec La Serpe certainement.
G
Je ne connaissais pas, la couv ne m'attirait pas, ton premier paragraphe non plus (pensée évidemment aux événements de cet été) et puis arrive ton 2ème paragraphe et les terme "loufoque" et fabcaro... Et là je dis pourquoi pas ?!!!
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V
La couverture est très second degré comme le livre mais je suis d'accord, elle n'a pas forcément de quoi donner envie...
A
Le côté loufoque me tente. Parce que les derniers écrits de l'auteur ne sont pas ses meilleurs.
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V
j'en ai entendu parler,... il est possible que je finisse par les lire quand même.
S
La curiosité livresque est tout sauf un bilan défaut ☺️. Je parlais de "Et la forêt brûlera sous vos pas" que je recommande (https://des-romans-mais-pas-seulement.fr/romans/et-la-foret-brulera-sous-nos-pas/). Bon week-end !
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S
Ah les soi-disants correcteurs orthographiques! Je voulais dire "vilain", pas "bilan" !
V
Merciii, je vais voir ça!!
A
J'ai lu ce titre après ma découverte du Jeanada en redresseur de torts, après La petite femelle, je crois, ou la serpe. Je croyais ne pas aimer cet auteur dans sa veine autofiction, j'avais calé sur Le chameau sauvage, mais, en fait si, j'aime maintenant les deux côtés. Ce titre est cependant particulièrement réussi, la description de la foule qui fuit, les réactions diverses, sont particulièrement révélatrices, entre lâchetés et courages ...
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V
tout à fait ! Comme je me réjouis des titres à venir encore... :)
M
Je n'ai lu que "la serpe" que j'avais beaucoup aimé, il faudrait que je continue à le lire...Merci de m'en donner envie
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V
J'ai pour projet de tout lire... j'en suis loin.
K
Un de ses meilleurs, dans sa veine autofiction. Mon exemplaire est dédicacé!<br /> Oui, les parenthèses, c'est contagieux.
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V
La classe ! Il doit être intéressant à rencontrer :)
I
Ah, mais c'est différent, j'opère une distinction systématique entre ses romans "autofictionnels" et ses "faits divers" ! Et qu'est-ce que je l'ai aimé celui-là... je crois que c'est un de ceux où il allie le mieux la moquerie et la tendresse...
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V
Ah oui, bien sûr, j'avais compris qu'il avait vrillé dans la rubrique faits divers depuis pas mal d'années.
K
Et voilà, tu es atteinte de parenthésite aïgue... c'était inévitable à la lecture de ce roman (que j'ai adoré, moi aussi).
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V
:) Je pense que ça peut vite être agaçant quand on ne s'appelle pas Jaenada :)
P
Tu persistes et signes. Je ne sais pas s'il a écrit beaucoup de titres...
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V
oh si, il y a de quoi faire pendant quelques mois voire années !!
L
La référence a Fabcaro me donne envie de lire ce livre malgré les doubles parenthèses...
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V
ça passe avec lui, n'aie crainte !
S
Moi c'est pareil : quand j'écris un billet sur un livre de Jaenada, je parenthèse, c'est contagieux !
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V
C'est drôle, n'est-ce pas? Bon, je sais que le style transpire sur mon écriture de manière générale pendant quelques jours (en moins bien, cela va de soi!)
S
Personnellement, j'use et j'abuse volontiers des parenthèses alors je ne lui jetterai pas la pierre ! C'est amusant car j'ai chroniqué récemment un roman suédois qui commence quasiment comme celui-ci mais qui ne joue pas (du tout) sur l'humour. Deux mégafeux qui donnent des romans très différents !
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V
la thématique est anxiogène et j'ai aimé trouver de l'humour pour ne pas être paniquée à mon tour. Mais je reste curieuse : de quel titre parles-tu?
D
Un titre qui fait sourire alors que la thématique est plutôt dramatique : bravo !
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V
tout le roman allie parfaitement humour et angoisse ! C'est fort, oui !