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12 septembre 2023 2 12 /09 /septembre /2023 09:36

Livrenpoche : Acheter d'occasion le livre La petite femelle - Philippe  Jaenada - livre d'occasion

Il était grand temps que je découvre cet auteur. Un regret ? Ne pas l’avoir lu plus tôt !

Née en 1927, Pauline Dubuisson a grandi auprès d’une mère sans caractère, incapable de tendresse, et d’un père autoritaire qui lui apprend à être forte, impassible, à ne jamais montrer ses sentiments. Mûre très tôt, intelligente, elle se blinde à chaque épreuve, comme on lui a appris. A 11 ans, elle entend son père parler de suicide comme d’un acte « naturel et parfois salutaire », concevable et permis. Son adolescence se fera pendant la 2è Guerre mondiale et son homme d’affaires de père l’incitera à copiner avec les Allemands pour arrondir les angles. Parmi ses premiers amants, il y a ce médecin-chef allemand de 35 ans son aîné. Après son bac, des études de médecine l’emmènent à Lyon en 1947 puis à Lille où elle rencontre Félix Bailly, un beau jeune homme qu’elle initie à l’amour et à la sexualité. Indépendante, elle refuse de se marier avec lui car, à l’époque, ça signifie mettre une croix sur sa carrière de médecin au profit des enfants, du ménage, du linge. Elle aura d’autres amants avant de comprendre que c’est tout de même Félix qu’elle aime. Pourtant, ayant eu vent de ses infidélités, il la quittera pour se fiancer avec une certaine Monique, bien plus pure et innocente que Pauline... Cette dernière ne s’en remet pas, elle est désormais sûre d’aimer profondément Félix, et, rejetée par lui (en partie seulement parce que pour passer une nuit avec elle, il ne dit pas non), elle voudra mourir. Le moment du drame tourne en tragédie en mars 1951 puisque Pauline, au lieu de se tirer une balle dans la tête devant Félix, retourne l’arme contre le jeune homme et le tue en trois coups. La presse et l’opinion publique vont alors se liguer en une véritable cabale anti-Pauline la traitant de menteuse calculatrice, d’« orgueilleuse sanguinaire », de « monstre » qui a toujours eu "le diable au corps". Mal défendue lors d’un procès honteusement truffé de mensonges, elle tente en vain de se suicider puis totalisera neuf ans d’emprisonnement et de travaux forcés dont elle pourra réchapper grâce à sa conduite exemplaire, en 1960.

 Jaenada revêt la robe d’un avocat redoutablement efficace et convaincant. Par un travail de documentation de fourmi génialissime, il revient sur chaque épisode de la vie de Pauline sans chercher à modifier la vérité, sans inventer quoi que ce soit mais il faut admettre que ses commentaires – nombreux – tombent toujours justes et amènent le lecteur à la réflexion. Pauline a fricoté avec de jeunes Allemands pendant l’Occupation ? Oui mais il n’y avait qu’eux pour des adolescentes françaises en mal d’histoire d’amour. Pauline se montre insensible et froide ? Son père l’a éduquée ainsi. Au-delà de cette enquête absolument passionnante (au-delà de l’histoire de Pauline, ce sont des injustices réservées aux femmes qui sont décrites), je découvre aussi le style de ce romancier un peu fou. Par une écriture survoltée, excessive, frisant l’absurde, l’auteur innove en matière de comparaisons loufoques, il s’adonne aux longues phrases mais, surtout, surtout, il est le maître des parenthèses et des digressions. Comme un randonneur qui dévierait souvent de son parcours initialement prévu, il s’éloigne de son sujet mais y revient toujours, plus fort de ses courtes escapades. Philippe Jaenada se dévoile sans fard et sans pudeur, il met beaucoup de lui (de sa femme, de son fils) dans son roman. Défenseur de la condition féminine pour une époque où être femme ou animal la différence était minime, il consacre toute son énergie à cette femme éminemment féministe, indépendante, libre. C’est drôle, intelligent, délicieux à lire (malgré les 720 pages) Que dire de plus ? J’ai adoré de bout en bout, ce fut une belle révélation, n’ayons pas peur des mots. Merci au généreux prêteur 😉

« Plus je m’enfonce l'histoire de Pauline, plus je suis consterné (c'est peu dire, j'en rêve presque toutes les nuits et me réveille en sueur et sur les nerfs) par tout ce qu'on a prétendu ou affirmé sur son compte dans le but de l'éliminer, à coup sûr de la société.) »

La demande en mariage de Félix : « Ça doit la déconcerter, Pauline. La toucher aussi, je suppose, mais la laissée pantoise. Ce garçon est impulsif. Soit il s'en veut d'avoir fauté, de les avoir souillés tous les deux, et son sens de l'honneur lui ordonne de réparer sur-le-champ ; soit il respecte son plan de carrière conjugale : la première est la bonne, ce qui est dit est dit, soit, et c'est ce que je crois, ce qu'il a vécu la veille est une telle révélation, un bouleversement sentimentalo-sensuel, si intense et profond qu'il est persuadé de se trouver face au grand amour qui n'arrive qu'une fois dans une vie, comme en poussin qui voit une chèvre en sortant de son œuf croit que c'est sa mère. »

« Voilà, la petite femelle est en cage. Dehors, on va pouvoir s’en donner à cœur joie, elle va comprendre sa douleur, c’est parti mon kiki. C'est maintenant que vieux messieurs et dames aigries vont passer à l'action. »

 

Je participe encore une fois avec plaisir au challenge Pavés de l'été de La petite liste.

 

mais aussi au Challenge Les épais de l'été, organisé chez Dasola par ta d loi du ciné 

Challenge Les épais de l'été 2023

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commentaires

C
J'ai bien aimé La serpe aussi ! C'est un écrivain très particulier, il se met en scène au milieu de son récit en faisant des confidences au lecteur, c'est souvent hilarant. Il va de digression en digression; Il tombe en général amoureux de la femme qu'il défend. Le tout est bourré d'humour et l'enquête est toujours très sérieuse.
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V
Je vais lire La Serpe d'ici quelques jours ou semaines ! J'ai hâte!! Ah j'ai quand même entendu dans une interview qu'il certifiait bien ne pas être tombé amoureux de Pauline :)
G
Tu me remets en mémoire une belle lecture
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V
Tant mieux !!
G
J'allais dire pourquoi pas ? L'occasion de découvrir un auteur et une plume manifestement particulière, et puis paf, tu annonces 720 pages !!! Pas pour moi qui fuit les pavés !!
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V
oh non il ne faut pas que ça te freine à ce point ! Si je te dis que ça se lit très très très bien, tu me crois?
A
Celui de ses "romans faits divers" que je préfère, même si j'ai également adoré les autres. Mais dans celui là, il y a la figure de Pauline, si ardemment défendue par l'auteur que j'en ai eu parfois les larmes aux yeux. <br /> D'ailleurs, quand tu regardes les vidéos où il parle de son roman, il semblerait bien que lui aussi ! Sinon, je rejoins complément les conseils d'Ingammic pour ses romans " auto fictionnels", et ils sont beaucoup plus courts !
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V
Je viens de lire un autre de ses romans (billet bientôt) et La Serpe c'est pour tout bientôt !
A
Sans doute son meilleur, à mon avis.
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V
J'en lirai d'autres et je me prononcerai dans quelques mois (euh... ou années!!)
D
Coucou Violette <br /> Et bien je note ton enthousiasme ♥ (il ne peut que me plaire si il t'a beaucoup plu et l'art de la parenthèse c'st bien non ?) <br /> En plus je n'ai jamais lu cet auteur alors... <br /> Bisous de septembre
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V
j'ai l'impression que c'est vraiment un auteur à part qui mérite vraiment qu'on le découvre. Merci à toi, chère Didi !
P
Je n'ai pas encore lu cet auteur. J'ai souvent vu passer ce bouquin, un peu trop peut-être. Je le lirai sans doute un jour par curiosité...
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V
Ah oui, on se méfie parfois des auteurs qui ont le vent en poupe !
M
Comme toi, il faudrait vraiment que je me lance pour découvrir cet auteur.
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V
N'hésite pas!
S
Tu peux te lancer dans "Je vous écris (avec un s et nous un t) dans le noir". C'est un très bon roman. Et c'est certainement intéressant de comparer les deux.
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V
j'y penserai, merci pour le conseil !
D
Je dévouvre cet auteur grâce à toi, et je sens que j'aimerais bien le lire. Je ne connaissais pas non plus cette affaire.
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V
Il a un style bien à lui fait de parenthèses et de digressions mais que j'adore.
I
C'est, parmi les titres "faits divers" de Jaenada, celui que je préfère. Il est drôle en effet, comme toujours, et profondément émouvant. <br /> J'ai aussi beaucoup aimé ses titres "autofictionnels" (je n'aime pas trop ce terme, mais là, tout de suite, je n'en vois pas d'autre) notamment "Plage de Manacora", "Le chameau sauvage". Pour rire, il y a aussi l'excellent "La grande à bouche molle", sorte de polar détourné, qui m'avait valu une ou deux crises de four rire dans les transports en commun..
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V
Oh génial, merci ! Que de bons moments de lecture en perspective pour moi :))
M
Je ne l'ai pas encore lu mais cela fait partie de mes projets car j'ai lu récemment "je vous écris dans le noir" qui traite du même sujet mais différemment et je voulais laisser passer un peu de temps entre ces deux lectures. J'avais découvert l'auteur avec "la serpe" qui avait été pour moi un coup de coeur (c'est aussi un pavé !). Merci pour ta chronique qui me conforte dans l'idée que je le lirai un jour...
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V
Jaenada évoque d'ailleurs Je vous écris dans le noir dans ce roman, de façon assez drôle. Tu connais son style si tu as lu La Serpe que je ne vais pas tarder à prendre en main... je l'adore !
F
Un sacré souvenir de lecture pour moi aussi; chez Jaenada, ce qu'on aime, ce sont les digressions et les parenthèses!<br /> Syrie mentionne "Je vous écris dans le noir" de Jean-Luc Seigle, sur Pauline Dubuisson aussi: c'est aussi un bon roman, dans un style très différent, plus ramassé entre autres.<br /> Bonne journée à toi!
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V
Jaenada parle d'ailleurs du livre de Seigle, c'est assez drôle. Comme j'ai hâte de lire un autre de ses titres !
A
Ah quel dommage, si j'avais su que tu le lirais pour septembre, je t'aurais peut-être suivi. C'est un des Jaenada qu'il me reste à lire encore. Bon, moi les digressions, c'est quand même à petites doses que ça passe, mais il mène vraiment bien ses enquêtes, donc je fais avec.:)
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V
Avouons qu'il y a un petit passage dans la 2e moitié où je me suis dit que ses parenthèses étaient quand même vachement nombreuses :) mais sinon, j'apprécie vraiment beaucoup !!
S
J'ai déjà lu un roman sur cette affaire (je vous écrit dans le noir - Jean Luc Seigle) mais tu me donnes toutefois envie de lire celui-ci. <br /> De l'auteur j'avais moyennement aimé "la femme et l'ours" mais j'ai "la serpe" dans ma PAL. Son tour viendra sans doute un jour.
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V
Je serais curieuse de lire la version Seigle maintenant.
T
A lire pour voir comment l'auteur traite le fait divers réel sur lequel il écrit...<br /> Merci en tout cas pour avoir mené à bonne fin dans les délais cette participation aux challenges estivaux prévue de longue date ;-)<br /> (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
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V
ça me motive toujours à lire les pavés ! Merci à toi !
L
c'est tellement évident que la justice bien soutenue par l'opinion publique se montre intraitable pour les femmes. Leur crime semblent plus horribles parce que ce sont des femmes
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V
hélas!
E
c'est vrai qu'il se lit très vite en fait! Addictif!
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V
Oui ! et excellent !
S
Tu viens d'attraper une jaenadite aiguë !
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V
c'est ça, et je ne suis pas la seule contaminée je crois ! ^^
Z
Je ne l'ai pas encore lu. Pourquoi ? Je ne sais pas, il est passé entre les mailles du filet. Peut-être un jour
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V
Je sais que le nombre de pages me freinait (il faut quand même se réserver du temps) mais quel bonheur de lecture, n'hésite plus!
K
Oh la la quelle chance, il t'en reste plein à lire, des romans du Philou (oui, on l'appelle Philou) Je me demande si c'est dans ce roman ou un suivant qu'il raconte sa recherche e la tombe de Pauline?
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V
oui, c'est celui-ci. Je sais que j'ai de la chance, je la savoure :))
K
Formidable roman, un pavé ? On ne voit pas passer les pages ! <br /> C'est mon préféré de l'auteur (mais je n'ai pas tout lu)
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V
un énorme plaisir de lecture!!