Nous sommes au Musée d’Orsay. En plein jour d’abord, on sait très bien ce qui s’y passe entre les amateurs de peinture, les vrais spécialistes, les faux spécialistes convaincus, les ados blasés, les détenteurs de portables, les couples, les solitaires, les groupes, les passionnés, les distraits, … Et puis la nuit ! Une fois la nuit arrivée, les personnages sortent de leur cadre, les statues et sculptures se mettent à vadrouiller dans le musée, ça papote, ça se retrouve, ça drague un peu, ça s’interroge surtout sur cette drôle de colonie que sont les hommes qui tiennent si souvent un petit rectangle collé à l’oreille. L’ours blanc de Pompon va se blottir dans un coin, certains bustes se retrouvent pour discuter du surveillant Louis qui a le béguin pour Anne-Lise, sa collègue. Et puis de ce promeneur avec son chien qui se déplace de plus en plus lentement.
Le Musée d’Orsay est un de mes musées préférés et imaginer que ces œuvres prennent vie, s’amusent la nuit et parlent des hommes, ça ne pouvait que me plaire. Le lecteur de ce roman graphique a l’impression de se sentir privilégié d’assister à ces rencontres clandestines. Les œuvres brillent aussi par leur innocence et leur candeur. Certaines planches sont plus touchantes que d’autres, cette petite-fille qui décrit un tableau à son grand-père aveugle, lui qui aime « écouter les tableaux », cette statue qui raconte à son ami qu’« une petite fille s’est mise à danser devant une toile de Degas. Sa maman l’a regardée faire un moment, et puis, elle a posé son sac… et s’est mise à danser avec sa fille. » Je ne vais pas citer toutes les œuvres présentes dans l’ouvrage (je n’ai pas reconnu toutes les sculptures, un petit index aurait été le bienvenu) mais voir les raboteurs (adorés !) quitter leur plancher pour se balader, Berthe Morisot regarder un promeneur avec amour ou encore suivre Héraclès aux toilettes (le sèche-main et la chasse d’eau l’intriguent) suffisent déjà à nous combler. Quel hommage rendu à ce magnifique musée, sa variété et toutes ses richesses qui sont joliment mises en avant dans cet espace-temps hors du commun, dans un foisonnement vivant et coloré (oui, pour un album en noir et blanc !). Magnifique publicité pour le musée où on a envie d’y retourner encore et encore.
Coup de cœur !
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