John Clark est un jeune photographe américain qui se voit offrir un reportage susceptible de lancer sa carrière : se rendre dans une partie de l’Oklahoma pour rendre compte des difficultés de ses habitants. En effet, en 1937, et ce depuis sept ans, la sécheresse sévit : il ne pleut plus et des tempêtes de poussière ravagent les plantations et mettent en péril la santé des gens qui, bien souvent, fuient vers la Californie. John a une série d’objectifs à atteindre comme photographier une tempête de poussière, l’intérieur d’une maison, une famille sur le départ, des enfants orphelins, etc. Après une première phase où il accomplit très sérieusement et docilement ses devoirs, il fait la rencontre de Betty, une femme enceinte qui a perdu son mari cinq mois plus tôt. En pénétrant dans l’intimité de toute une famille, John se rend compte que le pouvoir des images est bien faible quant il s’agit de prouver la détresse de toute une population.
Je ne savais pas à quoi m’attendre avec ce titre, je ne connaissais que très vaguement la situation de cette région des Etats-Unis pendant la Grande Dépression et j’ai été bluffée par le travail de documentation de l’autrice-dessinatrice autant que par le dessin qui parvient si bien à représenter la poussière (pas évident...). Des années durant, le cauchemar a continué, certaines images sont marquantes comme ce sable qui s’amoncelle au creux des fauteuils d’une maison abandonnée, les enfants qui portent un masque à gaz et qui toussent, la pelle qui est l’ustensile indispensable de survie, le ciel devenu noir les jours de tempêtes de poussière. Mais l’autrice met également en avant, et c’est assez paradoxal pour un album graphique, la potentielle manipulation de l’image : la photographie qu’on a sous les yeux peut être une mise en scène (le cas d’Arthur Rothstein est resté célèbre : il déplaçait un même crâne de bovin où bon lui semblait pour intensifier l’impression de sécheresse sur un sol craquelé, par exemple) et le mensonge qu’implique la photo est évidemment encore plus prégnant de nos jours. Une très belle et intéressante découverte donc que ce gros album roboratif de 277 planches complété par un dossier photographique et explicatif. Allez, ... coup de cœur !
« S’il me fallait décrire mon séjour dans le Dust Bowl... je parlerais de la douleur cinglante quand le vent poussiéreux fouettait ma peau. Je dirais à quel point on a l’impression de suffoquer à chaque inspiration, à cause de la poussière. Je raconterais comment s’érode peu à peu l’âme humaine après des jours de sable. Rien de tout cela ne peut être capté par un appareil. »
J'avais déjà aimé Soixante printemps en hiver d'Aimée de Jongh