Fiona est juge à la chambre des affaires familiales. Elle a 59 ans et son mari est sur le point de la quitter, non par amour pour une autre mais parce qu’il veut, une dernière fois, s’amuser et connaître l’extase. Le métier de Fiona est de savoir exactement quel est « l’intérêt de l’enfant » et d’abonder en ce sens, coûte que coûte. Il ne s’agit souvent que de banales histoires de divorce, parfois il faut savoir quel enfant sauver chez des siamois, mais ce qui préoccupe Fiona dans ce roman, c’est l’histoire d’Adam. Adam est à quelques semaines de ses 18 ans. Il est atteint d’une leucémie qui nécessite une transfusion sanguine. Oui mais Adam est Témoin de Jéhovah et sa religion s’oppose fermement à cet acte. Non seulement les parents d’Adam prennent le risque de le laisser mourir plutôt que désobéir aux principes de leur secte mais Adam lui-même s’entête dans son opposition : il ne veut pas avoir le sang d’un autre. Fiona se rend dans sa chambre d’hôpital pour le constater elle-même : beau, intelligent, il est absolument sûr de lui tout en ayant conscience des affres qui l’attendent. Et pourtant, … ne lisez pas plus loin si vous souhaitez découvrir le roman – et pourtant, Fiona va se prononcer en faveur de la transfusion sanguine. Dès lors, une étrange relation va s’établir entre Fiona et l’adolescent.
C’est le McEwan que j’aime que j’ai retrouvé ici. Celui qui nous emmène on ne sait où, celui qui met à mal les préjugés, celui qui n’est pas là où on l’attend. Le personnage de Fiona est très intéressant (le roman tout entier est d’ailleurs passionnant !) car ambigu, incertain, changeant. N’avoir pas eu d’enfant, elle le regrette parfois ; voir son mari partir la rend triste mais quand il revient, ça ne l’apaise pas vraiment ; prendre des décisions cruciales pour des enfants souvent en souffrance, elle y arrive facilement mais ça la hante parfois. Eclatant de justesse et de réalisme, ce roman montre à quel point le monde n’est pas manichéen. J’ai également adoré le personnage d’Adam, un ado qui apprend à vivre, entier, pur et impulsif.
C’est mon 5ème roman de l’auteur et je suis d’accord avec la critique du Guardian apposée en 4ème de couverture, c’est « son meilleur roman depuis Sur la plage de Chesil. » La simplicité est au service de la puissance et de l'émotion. Un beau moment.
« Dans la profession, on louait la juge Fiona Maye, même en son absence, pour la concision de sa prose mi-ironique mi-compatissante, et pour l’économie de moyens avec laquelle elle exposait un différend. »