Martin Eden, un marin de 21 ans, est introduit dans une famille bourgeoise après avoir secouru un des leurs. Craignant maladresses et balourdises, il est impressionné non seulement par les richesses et l’opulence qui l’entourent mais également par l’intelligence et le niveau d’étude de ses hôtes. Ruth Morse, une jeune femme de 24 ans, le fascine par son élégance, par « toute la science emmagasinée dans cette jolie tête » et par « la pâle beauté de son visage ». Il tombe éperdument amoureux d’elle et, pour elle, mais aussi pour toucher du doigt cette caste bourgeoise qui lui semble si parfaite, il va se mettre à … se brosser les dents, porter un col empesé, fréquenter assidûment les bibliothèques et « s’éduquer en tout ». Lire, étudier, découvrir la littérature, la politique, la philosophie, les sciences, devient une vraie passion et son intelligence et sa mémoire lui permettront de faire des progrès à une vitesse phénoménale. Il va améliorer ses idées, son discours mais aussi son maintien. Pourtant, il lui faut gagner de l’argent et c’est dans une blanchisserie, trimant de l’aube jusqu’à 23h qu’il va gagner quelques sous et, par la même occasion, découvrir les affres d’un métier épuisant et abêtissant. Ses efforts seront récompensés : Ruth est charmée par les progrès de celui qui a été au départ son élève, et séduite par la musculature du beau jeune homme. Martin Eden s’obstine à vouloir être écrivain, malheureusement, on lui renvoie tous ses manuscrits, il s’appauvrit sans cesse et les parents de Ruth voient cette union d’un mauvais œil. Le couple résistera-t-il aux vents contraires ? Martin réussira-t-il à se faire un nom ?
Imaginez ces dessins animés merveilleux où les personnages plongent au sens propre dans la page d’un grand livre ouvert. J’ai eu cette impression : m’immerger totalement et avec délice dans l’univers de Martin Eden, entrer dans cette histoire avec un plaisir gourmand. Le récit ne se contente pas du romanesque, il aborde la lutte des classes, il met l’écriture sur un beau piédestal, il dépeint l’ascension sociale et intellectuelle d’un homme téméraire et sûr de lui qui ne doit sa réussite qu’à la certitude de ce qu’il vaut réellement. Il sera difficile d’oublier cette petite chambre avec ce vélo suspendu au mur, ces notes d’écrivain accrochées comme du linge sur une ficelle tendue à travers la pièce. Et puis cette fin… oh cette fin si surprenante, si « à contre-courant » de tout ce à quoi on pourrait s’attendre. Comme je suis heureuse d’avoir pu, enfin, lire ce beau roman ! Il fait partie de ces livres qui vous soulèvent.
« Son talent était résolument créateur et, avant de commencer une histoire ou un poème, l’œuvre vivait déjà tout entière dans son cerveau, avec sa conclusion et le moyen d’arriver à cette conclusion de la façon la plus intéressante. D’autre part, il s’émerveillait d’une trouvaille spontanée qui se révélait à l’épreuve de la plus sévère analyse. Et, bien qu’il disséquât la beauté pour en découvrir les principes ésotériques, il restait toujours convaincu que l’essence même de cette beauté était impénétrable. »
Les écrivains « ont fait des choses si merveilleuses, si inouïes, qu’à leur flamme les portes d’airain ont fondu. Ils sont arrivés par miracle, à mille contre un. Ils sont arrivés, parce qu’ils étaient pareils aux « géants balafrés » de Carlyle, que rien ne peut abattre. Et voilà ce qu’il faut que j’accomplisse : l’impossible. »
« Parti à tire-d ’ailes vers une étoile, il avait naufragé dans un marais pestilentiel. »
« elle avait le cœur bien placé »