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5 janvier 2022 3 05 /01 /janvier /2022 11:35

Un barrage contre le Pacifique - Marguerite Duras - Babelio

Je redoutais cette lecture, comme j’avais tort !

Indochine dans les années 20-30. Une mère de famille, après la mort de son mari, se lance dans un projet insensé : construire un barrage pour protéger ses terres. Le barrage ne tient pas, la famille est ruinée. Le récit commence lorsque Suzanne a 16 ans, Joseph 20. La mère passe son temps à crier, s’inquiétant pour tout, tentant de garder la tête hors de l’eau et de sortir de leur misère. Elle doit faire face à des « crises » qui lui ruinent la santé alors qu’elle est aussi capable de dépenser de l’énergie à battre ses enfants. Lorsque tous trois rencontrent M. Jo, ça ressemble à un coup de chance ; il apparaît dans une grande limousine et il est immédiatement séduit par les charmes de Suzanne. Il devra affronter la jalousie d’un grand frère, les craintes d’une mère qui ne souhaite que marier sa fille, et les appréhensions de Suzanne rebutée par la laideur et la bêtise de son prétendant. Si M. Jo a le droit de regarder Suzanne nue, un phonographe lui sera offert. Si elle l’accompagne quelques jours en ville, c’est un gros diamant qui lui sera offert. Mais Suzanne se débrouille assez bien pour se faire offrir le diamant et envoyer M. Jo sur les roses sans lui donner ce qu’il espère. La seconde partie se déroule en ville, il s’agit de vendre le diamant pour les 20000 francs promis par M. Jo. Or, le caillou semble avoir un défaut et ne valoir que la moitié de la somme convoitée. C’est alors que Joseph tombe fou amoureux d’une femme mariée …

Cette plongée dans un autre continent, dans une autre époque, m’a plu d’abord parce qu’elle m’a tellement fait penser à L’Amant qui a marqué mon adolescence. Ce mélange de sensualité et de rébellion, de soumission et d’ironie, de poésie et de simplicité serait peut-être le style durassien (même si elle a dit qu’elle évoquait une écriture « distraite », sans recherche particulière). Le cadre spatio-temporel est aussi extrêmement attirant et l’autrice décrit avec minutie les difficultés administratives qui font couler la mère et, par conséquent, la famille toute entière. La carte postale de l’actuel Cambodge ne fait pas rêver, la multitude d’enfants aussi errants que les chiens qui les accompagnent meurt du choléra ou d’autre chose et les paysans se battent pour pouvoir manger. Le fossé qui sépare les riches et les pauvres est un immense gouffre et les cruautés administratives rythment le roman, toujours sous une chaleur écrasante. D’inspiration largement autobiographique, ce roman marque pour différentes raisons mais je crois que la figure de la mère, colossale, effrayante et fascinante à la fois, une sorte d’ogre désespéré, possessif et aimant, me restera longtemps en mémoire.

« Les barrages de la mère dans la plaine, c’était le grand malheur et la grande rigolade à la fois, ça dépendait des jours. C’était la grande rigolade du grand malheur. C’était terrible et c’était marrant. Ça dépendait de quel côté on se plaçait, du côté de la mer qui les avait fichus en l’air, ces barrages, d’un seul coup d’un seul, du côté des crabes qui en avaient fait des passoires, ou au contraire, du côté de ceux qui avaient mis six mois à les construire dans l’oubli total des méfaits pourtant certains de la mer et des crabes. »

C’est toujours le même disque, Ramona, qui tourne : « Lorsqu’ils partiraient ce serait cet air-là, pensait Suzanne, qu’ils siffleraient.  C’était l’hymne de l’avenir, des départs, du terme de l’impatience. Ce qu’ils attendaient c’était de rejoindre cet air né du vertige des villes pour lequel il était fait, où il chantait, des villes croulantes, fabuleuses, pleines d’amour. »

« Elle avait aimé démesurément la vie et c’était son espérance infatigable, incurable, qui en avait fait ce qu’elle était devenue, une désespérée de l’espoir même. Cet espoir l’avait usée, détruite, nudifiée à ce point, que son sommeil qui l’en reposait, même la mort, semblait-il, ne pouvait plus le dépasser. »

Une sublime citation sur le cinéma : « C’était l’oasis, la salle noire de l’après-midi, la nuit des solitaires, la nuit artificielle et démocratique, la grande nuit égalitaire du cinéma, plus vraie que la vraie nuit, plus ravissante, plus consolante que toutes les vraies nuits, la nuit choisie, ouverte à tous, offerte à tous, plus généreuse, plus dispensatrice de bienfaits que toutes les institutions de charité et que toutes les églises, la nuit où se consolent toutes les hontes, où vont se perdre tous les désespoirs, et où se lave toute la jeunesse de l’affreuse crasse d’adolescence. »

La Douleur - Moderato Cantabile - Mémoires d'Hadrien

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1 janvier 2022 6 01 /01 /janvier /2022 10:34

Un Livre Ouvert Sur L'herbe Verte, Un éclat Du Soleil Image stock - Image  du fleur, soirée: 128525427

C’est encore une année étrange qui s’achève – meilleure que la précédente tout de même et si on peut tourner la page à peu près sereinement et regarder vers 2022, c’est déjà une victoire.

Je fais un traditionnel bilan de lectures encore une fois indispensables pour moi, quotidiennes, consolatrices, réconfortantes ou stupéfiantes :

Tous ces blogs qui ferment et se mettent en pause m’effraient un peu, et comme j’ai toujours un train de retard, je n’y songe pas pour l’instant. Merci pour vos visites régulières ou moins fréquentes, pour vos commentaires, merci aux fidèles et aux occasionnels.


Belle année 2022  !!

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30 décembre 2021 4 30 /12 /décembre /2021 16:55

Blizzard - Livre de Marie Vingtras

En Alaska, le blizzard souffle, et, alors qu’il fallait surtout rester calfeutré chez soi, une jeune femme, Bess, est sortie avec un garçon de 10 ans. Sans explication, sans raison apparente. Quand le père du petit, Benedict, s’en rend compte, il fonce chez Cole et Freeman pour qui l’aident à chercher les deux égarés. Mais Bess a perdu le garçon qui a lâché sa main l’espace d’un court instant. Commence alors une longue marche laborieuse dans une tempête de neige qui contraint les hommes à repenser à leur passé, à leur raison d’être là, dans cet endroit si hostile. Cole est un homme misogyne et froid, Freeman a « perdu » son fils devenu dingue à son retour de la guerre, Benedict revient sur sa relation avec son frère Thomas qui a abandonné la famille si soudainement et Bess est un être aussi fragile que fort qui a survécu à la mort de sa sœur. Chacun va avancer, certains vont se perdre et se retourner, d’autres vont se retrouver pour former une famille « de bric et de broc ».

Dans ce roman qu’on pourrait qualifier de huis clos, les personnages sont enfermés dans un univers blanc, glacial et venteux sans jamais réellement se côtoyer ; chacun est seul avec lui-même et son passé. L’idée est vraiment astucieuse, les chapitres courts équitablement distribués entre les quatre personnages adultes contribuent à accélérer le rythme de cette quête sous la neige. La tension s’épaissit à la manière de cette neige froide et funeste ; s’il s’agit de retrouver le garçon perdu, il s’agit aussi de désensevelir des vérités enfouies bien trop longtemps.

J’ai beaucoup aimé cette lecture prenante, le récit est impeccablement mené, tout est millimétré et parfaitement agencé. Pour un premier roman, chapeau !

« Je m’efforce d’avancer, coûte que coûte, pas à pas, mais je ne suis pas sûre que ça me mènera quelque part. Par moments, au milieu de la neige, j’ai l’impression de voir des formes qui bougent, mais elles s’estompent aussi vite qu’elles sont apparues. Cette maudite neige qui ne peut pas tomber tout droit, comme une bonne pluie bien drue. Pour tenir, j’essaie de me rappeler la Californie, de me souvenir des plages où les parents nous emmenaient chaque week-end. »

« Le gamin est une énigme à part entière. D’où lui vient ce physique ? D’où lui viennent ces aptitudes intellectuelles si inutiles dans un endroit pareil ? C’est un oiseau exotique que j’ai laissé dans la nature, sans défense, sans aptitude à la survie. »

 

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27 décembre 2021 1 27 /12 /décembre /2021 14:02

Un été avec Rimbaud - broché - Sylvain Tesson - Achat Livre ou ebook | fnac

Au début de l’année 2020, Tesson part avec un copain traverser les Ardennes, à la manière de Rimbaud en 1870. C’est l’occasion pour lui d’évoquer ce poète à part. « Monstrueux prématuré de la poésie », sismographe d’une vibration extérieure, « noyau d’uranium » qui ne demande qu’à rayonner, Arthur Rimbaud est le poète qui a à la fois tout écrit avant 17 ans et si peu finalement. Sylvain Tesson a voulu rendre hommage aux contrastes saisissants de ce « singe savant » qui symbolise aussi l’esprit de révolte. Il critique souvent les exégètes qui ont tout dit et son contraire, se moque des catholiques qui se sont arrachés l’icône et des surréalistes qui n’ont pu s’empêcher de faire de même. L’inventeur qui a réussi à exprimer l’inexprimable n’aurait jamais cru qu’on allait tant parler de lui.

Réunir Tesson et Rimbaud a de quoi séduire. En de petits parallèles espiègles, l’auteur s’est rapproché du poète le temps d’une escapade dans les Ardennes. Même si c’est un peu fouillis parce que les pensées jaillissent d’un cerveau en ébullition, la verve de Tesson se marie très bien avec la pétillance de Rimbaud. Je prends plaisir à lire tout ce que Sylvain Tesson écrit, je me suis donc régalée et aussi amusée quand il dit par exemple « Nous ne comprenons pas exactement ce que cela veut dire. » Les citations sont nombreuses et cette mini-biographie tout de même expéditive nous aide à mieux comprendre cet enfant génial qui a subitement décidé de prendre la poudre d’escampette et de stopper net l’écriture de poèmes. Et j’ai beaucoup aimé la fin du livre où Tesson se compare au poète de Charleroi, lui aussi wanderer pour toujours ; tous deux étant atteints de cette même dromomanie.

« Personne n’a jamais prévenu Arthur de prendre garde à Rimbaud. »

« On n’arrête pas le progrès, c’est-à-dire la descente vers le pire. »

« Pourquoi certains hommes cinglent-ils sans cesse aux mers lointaines ? Pour ne pas risquer de se faire rattraper par eux-mêmes. L’avantage dans le mouvement perpétuel est de ne pas croiser son reflet dans une glace, ni sa conscience par une nuit d’insomnie ! »

 

 

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24 décembre 2021 5 24 /12 /décembre /2021 13:50

   C'est avec un sapin coloré réalisé par mon regretté papa que je vous souhaite de passer de belles fêtes de Noël, profitez des vôtres, faites plaisir et surtout, faites-vous plaisir  !

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23 décembre 2021 4 23 /12 /décembre /2021 14:37

Animal - broché - Cyril Dion, Nelly Pons - Achat Livre ou ebook | fnac

-Chaque génération a son combat, voici le nôtre-

      Dans un tour du monde express, l’auteur s’est accompagné de deux adolescents, Bella et Vipulan, pour aller regarder le travail de ceux qui œuvrent pour protéger notre planète, pour les interroger et en apprendre davantage sur les constats effarants mais aussi et surtout sur les démarches accomplies, les projets entamés.

      Au rayon des constats : au cours des cinquante dernières années, on a perdu 20% de la faune et de la flore. Parmi les mammifères, 96% sont des hommes ou des animaux domestiques. 25% des denrées alimentaires en Europe partent à la poubelle. De bonnes nouvelles, il y en a peu mais il y en a quand même : certains pays comme la Nouvelle-Zélande ou la Finlande ont décidé de sortir de la croissance, le Costa Rica a vu sa couverture forestière augmenter de 30% en quarante ans et de petits changements apportent de l’espoir : là où on choisit une agriculture bio, les hirondelles reviennent mais aussi les abeilles et les vers de terre et même le gibier.

      Il n’est pas évident de résumer un tel livre tant il est dense et intéressant, sans trame narrative, évidemment. Je n’ai pas tout apprécié parce que, parfois, je n’apprenais pas grand-chose que je ne savais déjà, les redondances étaient assez nombreuses et le tout aurait pu être synthétisé, mais la tonalité générale m’a bien sûr complètement conquise. Tout est sa place dans notre monde, j’ai bien aimé cette idée : chaque espèce animale a une importance énorme pour les autres, de la fourmi au superprédateur - en éliminer une, c’est nuire aux autres. Les loups régulent la population des cerfs, par exemple, qui grignotaient trop les petits sapins. Il s’agit de ne plus construire, de ne plus détruire mais de rétablir ce qui a été, de réparer le mal qui a été fait, de « permettre à plus de gens de produire leur propre nourriture, ainsi que celle de leurs voisins », de rendre les paysages plus hétérogènes, c’est-à-dire diversifier au maximum les espèces de plantes, d’arbres, les cultures. Certains exemples sont touchants, comme Paulino et sa famille, des Costaricains, qui ont planté 37000 arbres d’espèces locales en dix ans. Tout ça pour dire que nous, Occidentaux nombrilistes, ne faisons pas grand-chose bien souvent, à part se plaindre.

      Ce livre est un puits d’information, une énième piqûre de rappel indispensable. On aimerait que des décisions soient prises politiquement parlant mais ce ne sera pas fait, c’est donc à nous de changer, vraiment changer nos habitudes.

« Ce monde ne peut pas changer simplement parce que nous voulons qu’il change. Il changera quand nous serons le changement nous-mêmes. Chacun doit commencer son voyage, c’est aussi simple que ça. »

« Avoir moins, c’est avoir plus. »

Le réensauvagement : « il y a possibilité de laisser les choses revenir »

Les fourmis : « Sans elles, il n’y aurait pas de prairie. Et sans prairie, pas d’animaux. Les fourmis font partie de ces écosystèmes depuis des centaines de millions d’années, elles en sont l’une des espèces clés. »

 

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21 décembre 2021 2 21 /12 /décembre /2021 10:56

Les Brumes de Sapa by Lolita Séchan

 

La fille de… nous raconte son histoire d’amitié avec une petite Vietnamienne.

A vingt-deux ans, Lolita se cherche et elle pense pouvoir se trouver en partant un mois au Vietnam. Là-bas : désillusion ; alors qu’elle attend « pourvu qu’il m’arrive quelque chose », rien n’arrive et elle n’aime ni le pays ni cette grande ville de Saigon. Les derniers jours de son voyage, elle s’en va vers le nord, Hanoï d’abord puis Sapa, une petite ville isolée entourée de cultures en terrasse. Elle y rencontre par hasard Lo Thi Gom, une fillette de douze ans qui fait partie d’une minorité ethnique, les Hmong, et qui parle parfaitement anglais rien qu’en écoutant les touristes dans les rues. Elle lui parle de sa ville, de sa date d’anniversaire qu’elle ne connaît pas avec précision, de l’école qui est pour l’instant plutôt interdite pour son ethnie, des mariages des jeunes filles de son âge. Elles se promènent ensemble dans les rues, au marché, dans les bars. Lolita rentre chez elle, ou plutôt poursuit ses études au Canada mais Lo Thi Gom l’obsède, elle sent qu’elle a besoin de retourner la voir. C’est ce qu’elle fera, pas une fois, mais chaque année. Le Vietnam deviendra son refuge, Lo Thi Gom sa bouée de sauvetage, son repère.

            C’est un beau roman graphique qui touche par sa sincérité. Lolita nous raconte sa vie d’être perdu, ses hypocondries, ses relations avec ses parents, ses peurs constantes et surtout cette rencontre aussi improbable que lumineuse. Tout n’est pas rose, elle emmène Lo Thi Gom prendre l’avion pour la première fois de sa vie pour Saigon et sent sa cadette attirée par les nouvelles technologies et les influences américaines. Elle ne sait si elle est/doit être une amie, une grande sœur, une mère… ou toujours une étrangère pour la fillette qui grandit et s’émancipe à sa façon. En effet, elle rejette longtemps le mariage, s’installe seule dans une minuscule maison brinquebalante (« mais je ne la partage avec personne »), devient guide touristique. Lolita, revenue en France, s’effraye de la demande en mariage de Renan. Les deux filles devenues femmes vont se trouver des points communs et surtout les mêmes interrogations sur la vie. Une belle surprise que cet album, pas parfait (les hachurages m'ont un peu agacée au bout d'un moment et j'aurais aimé voir les couleurs du Vietnam) mais une belle surprise.

Lo Thi Gom a un petit copain mais refuse de se marier : « Mais si je me marie je devrai tout arrêter. Je ne serai plus guide pour touriste. Je serai femme et après je serai mère. Mais moi je veux juste être moi. »

Lolita, de son père : « Il est là, c’est tout. Comme un chat devant une fenêtre qui ne chasserait jamais les oiseaux. Immobile. »

Lo Thi Gom a rêvé de poulet entier, ensuite d’école, puis de prendre l’avion : « Maintenant j’aimerais découvrir le monde, venir te voir à Paris… Mais je sais que plus rêves grossissent, moins j’ai de chance d’être heureuse. »

Un extrait que je trouve si simple et si beau : « Nous vivons tous dans une cage. Celle de notre histoire, de notre pays, de notre famille. Parfois nous nous échappons pour 3 minutes d’envol. Et ces 3 minutes de fausse liberté sont plus précieuses que tout. Ces instants volés entre l’enfance et l’âge adulte. Entre ici et ailleurs… A peine quelques battements d’ailes dans un ciel anonyme ou dans les brumes de Sapa. »

Les Brumes de Sapa, bd chez Delcourt de Séchan

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17 décembre 2021 5 17 /12 /décembre /2021 16:48

Apprendre à se noyer de Jeremy Robert Johnson - Grand Format - Livre -  Decitre

       A l’orée d’une jungle, quelque part en Amérique du Sud, un père emmène son fils apprendre à pêcher, à tirer à l’arc et à apprivoiser ce fleuve si violent. L’escapade tourne à la tragédie, le fils n’a pas écouté les conseils du père, a bu l’eau empoisonnée du fleuve, et les membres du corps engourdis, a été aspiré par les tourbillons de l’eau avant de se faire happer par un poisson géant. Le père, fou de douleur, se jure de ne plus rentrer auprès de sa femme pour lui éviter l’annonce de la disparition de leur fils. Il s’enfonce dans la jungle, prêt à vivre les pires souffrances. Blessé, il va rencontrer la Cuja, une sorcière guérisseuse qui le pousse à accomplir plusieurs épreuves pour retrouver son fils.

       Les premières pages sont d’une violence inouïe qui donne un haut-le-cœur au lecteur. Pourtant, on est immédiatement liés à ce drame, l’auteur nous associe à la tension dramatique et rend la lecture complètement addictive. L’écriture est à l’image de la magie envoûtante de la Cuja, tantôt poétique, tantôt incantatrice, elle engloutit le lecteur dans un univers à part. Entre fantastique et onirisme, le récit initiatique revêt la peau du conte noir en se parant d’atours poétiques. Un texte particulier qui m’a beaucoup plu même si les 150 pages m’ont suffi, un uppercut qui vaut le détour mais qui n’est pas de tout repos.

C’est le premier roman de cet auteur américain.

« Soleil au travers du feuillage – lumière qui traverse par intermittence ses paupières encroûtées de sel. Un doux moment de conscience sans pensées, né dans un monde privé de mémoire. Puis… Le garçon. Et l’homme roula sur le côté et son estomac se vida. Il aurait souhaité que son esprit chevauche la vague de l’expulsion. »

« Une douleur irradia sa poitrine et il sut qu’elle ne le quitterait plus jamais. Il redouta qu’elle ne le coupât en deux. Il espéra qu’elle le couperait en deux. »

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13 décembre 2021 1 13 /12 /décembre /2021 09:24

critique de "Meurtriers sans visage", dernier livre de Henning Mankell -  onlalu

Ce roman est le premier de la série Wallander si on exclut La Faille souterraine, un recueil de nouvelles… et le dernier pour moi de la série que je n’ai pas lue dans l’ordre.

Deux paysans de Scanie ont été sauvagement assassinés. La femme, agonisante, n’a que le temps de répéter « Etranger » avant de mourir. A une époque où le racisme monte en puissance, certains extrémistes demandent la vengeance, un Noir est ainsi tué uniquement pour sa couleur de peau. Notre inspecteur Kurt Wallander essaye de résoudre cette enquête qui l’horrifie mais entre ses problèmes avec Mona, sa femme qui l’a quitté, les absences de sa fille Linda, son manque de tact avec les femmes en général, son penchant pour le whisky, il va souvent se trouver mal en point. En ce mois de janvier venteux, froid et déprimant, l’enquête va piétiner mais trouver sa résolution quelques mois plus tard.

Allez, je vais être honnête, ce n’est pas le meilleur des polars de Mankell (qui reste mon romancier policier préféré), l’enquête s’est embourbée longtemps au début du roman, elle est devenue passionnante lorsque Wallander s’est mis à escalader des échafaudages pour surprendre un des coupables pour finir par être spectaculaire. Même si cet homme ne montre pas de lui une image très reluisante (sans être un looser, il ne fait souvent pas ce qu’il faut pour améliorer sa vie, on nous dit même qu’il a oublié de se laver les dents !), fauché, en léger surpoids, hésitant et même parfois violent ; je crois qu’on s’attache à lui justement parce qu’il n’est pas parfait mais reste un excellent enquêteur fan d’opéra qui se fie à son instinct et dont on suit méticuleusement les longues réflexions tortueuses. S’ajoute à l’intrigue policière une thématique que l’on retrouve dans d’autres des romans de Mankell : un monde en mutation devenu plus dangereux et, par là même, incompréhensible.

 Mais ça y est, c’en est fini pour moi de cette série policière incroyable qui me donne une furieuse envie de découvrir Malmö et Ystad. Il n’y a pas un titre que je n’ai pas aimé mais si je devais en citer quelques-uns : Avant le gel, La Muraille invisible, Le Guerrier solitaire… et surtout Les Chiens de Riga qui était ma première découverte de l’auteur. Je me console en me disant qu’il me reste encore beaucoup de romans de Mankell à lire !

« Wallander n’eut que le temps de se jeter sous une porte cochère. Il se cogna le front et sentit sa bosse s’ouvrir, au-dessus de son œil. Le sang coulait le long de son visage. Il s’essuya avec son gant, compte jusqu’à dix et reprit sa filature. »

« En tant que policier, il vivait toujours dans un autre monde, plus ancien. Comment apprendre à vivre dans le nouveau ? Que faire de cet immense sentiment d’insécurité qu’on éprouve envers tous les grands changements, surtout si, par-dessus le marché, ils interviennent beaucoup trop rapidement ? »

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10 décembre 2021 5 10 /12 /décembre /2021 18:47

Sursum corda - broché - Veronika Boutinova - Achat Livre | fnac

Comme j’aime qu’on m’offre des livres que je n’aurais jamais eu l’occasion de m’acheter moi-même ! Ici, c’est la petite maison d’édition Le Ver à soie.

Charlotte est Française, Zuka est né à Knin, ville-cible des conflits serbo-croates pendant la guerre de Yougoslavie des années 90. Il fait pousser et vend du cannabis pour subvenir aux besoins de sa famille, son père étant au front. Il a treize ans quand il voit son père se prendre trois balles et cette guerre atroce a déclenché chez lui un antinationalisme convaincu. Expulsé de son propre pays, Zuka rencontre Charlotte et cet amour a quelque chose de très pur et très sincère malgré la distance qui va les séparer et leur fort tempérament à tous les deux. Zuka ne veut quitter ses parents fatigués et blessés dans tous les sens du terme, il ne revoit qu’épisodiquement la belle Charlotte à Lille ou ailleurs mais revient toujours à Belgrade.

C’est un petit récit émouvant sur une histoire d’amour à distance mais aussi sur les atrocités et les déchirements causés par une guerre où on tuait au couteau, à la hache ou au marteau. Ou comment l’horreur côtoie le sublime… Par bribes, chacun des personnages va s’exprimer, parler d’amour, de résistance et de distance, ces « enfants nés de frontières » sont aussi des être courageux et vaillants.

« Pour moi, la seule occupation à avoir à cette époque était d’être heureux, parce que le lendemain tu pouvais être mort. »

« Qu’est-ce que j’ai dit pour qu’ils transforment mon adolescence en une cascade de cadavres ? »

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