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10 avril 2024 3 10 /04 /avril /2024 13:25

Calaméo - "SHIT !" de Jacky Schwartzmann - éditions du Seuil

Fervente lectrice de cet auteur bisontin, cru, drôle et délirant dans ses polars, je ne pouvais pas rater son dernier méfait.

Thibault Morel est CPE à Planoise, un quartier très chaud de Besançon où il a été muté il y a peu. Il a déniché un petit appart, pensant trouver calme et quiétude mais il comprend très rapidement que sur le même pallier, se tient un trafic de drogue à grande échelle. Par conséquent ses allées et venues dans sa propre résidence sont contrôlées par un charbonneur, le mec qui permet de faire circuler les clients vers leur produit préféré. Et c’est parfois à coups de claque qu’il est accueilli devant son logement... jusqu’à une certaine nuit où il entend des coups de feu et trouve, dans l’appart en face du sien, les cadavres de deux caïds du shit. Une voisine l’accompagne et, dans la salle de bains, ils découvrent, par le biais d’un astucieux système de baignoire encastrée, la cache de fric et de shit des malfrats. D’un commun accord, Thibault et Mme Ramla, gentille mère de famille, décident de fermer la cache et de taire le « trésor » aux flics. Les premiers billets serviront à financer un voyage scolaire, les suivants à aider quelques familles en détresse de la cité. Les compères sèment le bien autour d’eux et décident de reprendre le trafic de shit pour le bien de tous. Mais que faire quand la réserve est épuisée ?

C’est tout simple, voilà un looser qui se métamorphose en winner dans un far west bien actuel, dans une cité de Besançon. Comme d’habitude chez Monsieur Schwartzmann, c’est gros et grotesque, souvent drôle mais l’intrigue n’est pas en reste, cette reconversion de CPE en dealer devient (presque) crédible, on s’attache à gars maladroit échoué dans un univers hostile, capable de gravir les échelons de la fraude et de la violence. L’auteur sait bien de quoi il parle puisqu’il a grandi à Planoise, « décor de théâtre de merde », et qu’il a été élève dans le collège Voltaire évoqué dans le roman. Pour le reste, on admettra que ce n’est que pure fiction. Cette lecture m’a bien divertie, elle a rempli sa mission de me faire sourire plusieurs fois. Même si j’avais trouvé l’auteur déjà bien plus irrévérencieux dans Mauvais coûts ou Demain c’est loin, il dépoussière le genre du polar, donne un coup de pied au cul des clichés sur les quartiers sensibles (qu’il réutilise aussi, évidemment) et dénonce tout de même un peu notre belle société actuelle. De belles parenthèses sur la vie d’un collège ne font que colorer ce roman déjà bien allumé.

« Ma rue. Elle est composée de cinq ou six séries de bâtiments différents. Comme si on avait eu plusieurs architectes, qu'on n'avait pas été capables de les départager et qu'on leur avait demandé à chacun de dessiner son projet. Certains sont des gros cubes à sept étages, d'autres, plus ramassés, n'en comptent que cinq. Comme le mien, au tout début de la rue. J'ignore quand, j'ignore pourquoi, mais il a un jour été décidé que les immeubles de plus de dix étages, les tours, ce n'était pas bien. On a ainsi privilégié des petites structures. Pour faire plus cosy, moins parcage. Conneries. C'est toujours la même bêtise de croire qu'en agençant autrement on améliorera le sort des habitants. On repeint, on dresse des parcs de jeux pour les enfants, on ajoute des bancs par-ci par-là, on pense que cela suffira et on ne comprend pas que ce soit toujours le bordel. »

Thibault a trouvé un transporteur, vous devinez pour quoi : « Et me voilà donc à attendre sur ce parking, tendu, pas rassuré. Ce qui me ferait vraiment du bien, là, tout de suite, c'est un joint. Mes poumons se dressent sur la pointe de leur petits lobes inférieurs, ma plèvre froufroute, mes bronches beuglent aussi fort que les tuyaux d'aspirateur croisés avec des didgeridoos. Je stresse depuis quelques jours. Depuis le retour d'Épinal, à vrai dire. C'est vrai que j'ai beaucoup fumé là-bas. »

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7 avril 2024 7 07 /04 /avril /2024 16:20

Un ennemi du peuple | Actes Sud

Et encore un podcast !

Dans une ville de Norvège, une station thermale contribue à attirer des clients et ainsi, à enrichir la ville. Mais le Dr Stockmann découvre que les eaux sont empoisonnées, polluées par la tannerie voisine. Son diagnostic est d’abord accueilli par des vivats, le rédacteur du journal local veut publier ses découvertes, les bourgeois sont prêts à soutenir le médecin... jusqu’à ce qu’intervienne le frère du Dr Stockmann, juge et directeur de la station thermale qui refuse que cette découverte soit publiée dans les journaux. Non seulement la réputation de la ville en prendrait un coup, la station devrait fermer ses portes deux ans, mais les coûts nécessaires à un rétablissement d’une situation acceptable seraient faramineux pour l’ensemble des habitants. De fil en aiguille, de considération financière en hypocrisie, ceux qui étaient du côté du médecin humaniste font marche arrière jusqu’à le conspuer et à le mettre à la porte.  

Radio France fait décidément de bons choix en matière de théâtre. Après avoir adoré La maladie blanche, j’ai encore eu l’honneur (en courant toujours !) de découvrir une pièce brillamment adaptée pour une version audio et qui, encore une fois, est d’une actualité confondante. Alors que la santé publique semble d’abord être primordiale, elle s’éclipse devant l’argent et ses nombreux pouvoirs. Au moment où le Dr Stockmann se fait exclure de la majorité des concitoyens, il prononce un discours qui va le faire haïr un peu plus encore : la majorité aurait souvent tort, « La majorité compacte est assez dépourvue de conscience pour vouloir fonder la prospérité publique sur la base pestilentielle de la fraude et du mensonge. »  Cette vérité difficile à entendre va condamner le médecin et sa famille à s’exiler. Certains personnages secondaires sont bien campés également, notamment la fille du médecin, Petra, féministe et moderne avant l’heure, mais aussi ceux qui retournent leur veste, souvent comparés à des animaux, qui m’ont fait penser à la Cour du Roi Soleil. Une pièce à lire ou à écouter (5 fois 28 minutes).

 

« La minorité a toujours raison. »

« L’homme le plus fort du monde est celui qui est le plus seul. »

 

D’autres pièces d’Ibsen : Maison de poupée ; Les Revenants.

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4 avril 2024 4 04 /04 /avril /2024 13:19

L'abolition : le combat de Robert Badinter - Marie Gloris Bardiaux-Vaïente  - Librairie Mollat Bordeaux

-     Le combat de Robert Badinter     -

En novembre 1972, deux hommes sont exécutés, condamnés par la cour et le jury à la peine de mort. L’un est coupable de crime, Claude Buffet, l’autre influencé par le premier, Roger Bontems, est cependant innocent. Robert Badinter et Philippe Lemaire sont les avocats chargés de leur défense et ils acceptent difficilement que la peine de mort sévisse encore. Pompidou n’ira pas jusqu’à les écouter et gracier Bontems. En 1976, à Troyes, un jeune garçon est kidnappé puis retrouvé mort. Le coupable, Patrick Henry, est retrouvé ; il est évident qu’il s’agit d’un monstre incapable d’éprouver de l’empathie. Badinter va le défendre ou plutôt tenter d’éradiquer la sanction capitale. Convaincu, le jury opte pour la réclusion criminelle à perpétuité. En 1981, Mitterrand promet qu’il se battra pour abolir la peine de mort. Une fois élu, Badinter devient Garde des Sceaux et, en septembre 1981, la France devient le dernier pays d’Europe occidentale à abolir la peine de mort. Le premier gracié est Philippe Maurice (et c’était une bonne chose puisque, devenu historien en prison, il est libéré en 2000 et devient chercheur au CNRS).

BD édifiante et émouvante, elle insiste sur le fait que Badinter s’est battu pour une cause noble et emplie d’humanité, en dépit de ses intérêts personnels puisqu’il a assisté, en 1987, au procès de Klaus Barbie, le criminel à l’origine de la mort de son père, exterminé à Sobibor mais... « l’abolition n’admet aucune exception. » A noter également que les Français étaient favorables, à l’époque, à 63%, à la peine de mort donc ni Badinter ni Mitterrand ne semblaient être populaires sur ce point. La BD se lit bien, elle est prenante, les couleurs sobres et sombres rehaussent l’aspect solennel de cet événement historique. Il me semble que les convictions et le charisme de Robert Badinter y sont bien traduits. Petit bémol quant aux portraits des hommes politiques, le trait aurait pu être plus précis pour les rendre davantage reconnaissables. Publiée en 2019, en 2024 à l’heure de la mort de Badinter, elle peut très bien se lire et se relire, surtout par des plus jeunes (c’est accessible dès 13-14 ans, je dirais). Ma fille l'a dévorée elle aussi.

« La défense, c'est ne jamais céder un pouce de terrain à l'adversaire, ne jamais rien tenir pour acquis à l'accusation, c'est refuser même d'admettre l'évidence. »

La belle citation de Victor Hugo est reprise plusieurs fois : « Je vote l’abolition pure, simple et définitive de la peine de mort. »

Encore Hugo : « La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. »

L'Abolition : Le Combat de Robert Badinter - (Malo Kerfriden / Marie Gloris  Bardiaux-Vaïente) - Documentaire-Encyclopédie [CANAL-BD]

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1 avril 2024 1 01 /04 /avril /2024 14:29

Goldman - Ivan Jablonka - Seuil - ebook (ePub) - Librairie Gallimard PARIS

Je n’ai pas l’habitude de lire ce genre de livres mais j’honore un cadeau qu’on m’a fait.

Jean-Jacques Goldman est né en 1951 de parents immigrés juifs non-pratiquants mais fiers de leurs origines. Le père, gérant d’une enseigne de sport, a toujours souhaité tout faire pour s’intégrer au mieux à la société française et il a réussi. Jean-Jacques a été un élève moyen, un ado plutôt réservé et banal. Attiré par la musique noire, le blues et le gospel, il a délaissé le violon pour la guitare mais ne s’est pas révolté à une époque où il pouvait le faire, en mai 68. Léo Ferré et Michel Berger l’ont convaincu de chanter en français. Il a très tôt rencontré son acolyte, Michael Jones, dans leur groupe commun, Taï Phong. Après insuccès et refus divers, c’est au début de 82 que le succès de Goldman éclate avec « Il suffira d’un signe ». S’étant toujours revendiqué comme un minoritaire, un transfuge, un être fragile, il s’est démarqué par sa banalité, et a conquis un public plutôt féminin et populaire. Il a cependant profité de l’essor des émissions télé, des radios FM, du Top 50 (n’oublions pas qu’il a composé le générique de « Taratata »). Il a longtemps répondu aux lettres de ses fans jusqu’à ce qu’ils soient vraiment trop nombreux, il est resté pudique sur sa vie personnelle toute sa vie. Engagé dans différentes causes humanitaires, il a longtemps rechigné à faire des concerts. Au sommet de son succès, il a fondé ce trio avec Michael Jones et Carole Fredericks. Il s’est habitué au mépris, à la honte d’écouter Goldman, à l’ironie des médias. En 2002, il arrête les tournées, en 2016, il quitte les Enfoirés puis disparaît totalement pour vivre dans le Sud de la France puis en Angleterre avec son épouse, prof de maths.

Oui, j’aime Jean-Jacques Goldman mais mes préférences vont à des chansons moins tout public comme « Nuit », « Chanson d’amour », « Tu manques », « Serre-moi » ou encore « Peur de rien blues ». J’ai également un souvenir très net de « La vie par procuration » que je chantais non-stop à sa sortie avec des copines, je n’avais même pas dix ans. J’ai réalisé, à travers cette lecture, à quel point Goldman a marqué plusieurs décennies, que ce soit par sa propre carrière ou par les chansons qu’il a écrites pour les autres. Mêlant différents genres, il est resté inclassable ; rocker sans en avoir ni le look, ni le mode de vie. Il a réussi sa sortie du showbiz, s’effaçant complètement, d’abord des médias, puis mettant un terme à tout projet musical. L’auteur le compare à Pérec puis à Rousseau dans des parallèles pas inintéressants du tout. Plus largement, il balaie le paysage de la chanson française des années 80 à 2000. Qu’est-ce que j’ai appris ? Que Goldman avait un demi-frère bandit braqueur qui a même été accusé de meurtre en 1969 avant d’être relâché et assassiné dans la rue. Qu’il a travaillé dans le magasin de sport familial jusqu’à ses 30 ans. Que ses chansons évoquent les thèmes suivants : le déracinement, l’exil, l’homme vulnérable, les ruptures, la condition minoritaire, entre autres. Qu’il s’oppose farouchement au patriarcat. Que sa partenaire de « Là-bas » a été assassinée par son compagnon.

C’est la première fois que je découvrais cet auteur dont l’écriture m’a plu, ça a été une lecture très agréable, divertissante et plus instructive que prévue 😊

« Trois figures nationales, donc, au miroir des années 1980. Toutes s’adressent à la France des petits : Tapie, jeune loup propriétaire d'entreprises et vainqueur de régates, veut la rallier au parti des gagnants ; Le Pen, vieux loup raciste, jette les immigrés à la vindicte des déçus de la gauche ; Goldman appartient au parti des perdants, mais il leur parle de fraternité et de justice, de rêve et d'avenir, assumant sa nature « dépourvue d'agressivité », au contraire du winner. Alternative au tapisme comme au lepénisme, Jean-Jacques Goldman a commencé sa montée au symbole. »

« Etincelle, telle est la métaphore que Goldman utilise lorsqu’on l’interroge sur le pouvoir fédérateur de ses tubes. L’unique talent qu’il se reconnaît (il parle d’ailleurs en termes de compétences) est la capacité à déceler l’« étincelle enfouie sous des kilomètres de musique ». Non pas voleur de feu, mais cueilleur d’étincelles, le chanteur fait naître une connivence, une émotion au premier degré, instant de magie grâce auquel les gens sont rassemblés au-delà d’eux-mêmes. »

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28 mars 2024 4 28 /03 /mars /2024 16:32

Changer l'eau des fleurs - Théâtre de la Renaissance

J’avais aimé le roman, pour un feel good, oui, ça va, j’avais aimé. Il me tardait de découvrir cette adaptation sur la scène.

Violette (mais quel joli prénom) est gardienne de cimetière. Son métier comme sa solitude lui conviennent, elle tient les registres des enterrements, aime en noter les petits détails, s’occupe des fleurs, connaît les tombes par cœur et accueille les visiteurs. Parmi eux, Julien, un type un peu paumé qui souhaite respecter les dernières volontés de sa mère décédée : savoir ses cendres dispersées sur la tombe d’un homme dont Julien n’a jamais entendu parler. Violette et Julien se revoient plusieurs fois, expriment leurs douleurs respectives tout en pudeur et en prudence, se découvrent, se surprennent par un passé compliqué et amer, enquêtent aussi l’un sur l’autre. Sur des airs de Charles Trenet, un ex mari va ressurgir, on va relire des archives, boire du café et tenter de vivre, encore.

Deux énormes points forts pour l’adaptation de cette histoire que j’avais en partie oubliée : la mise en scène (signée Salomé Lelouch et Mikaël Chirinian), à la fois simple et efficace, ingénieuse et poétique avec beaucoup de fleurs et des étagères qu’on bascule. Ensuite, l’interprétation de Caroline Rochefort, « Violette », authentique et très juste dans une simplicité bouleversante. La première partie de la pièce joue sur l’humour et la légèreté et la fin gagne en profondeur, en humanité et en émotion. On ne peut qu’en sortir touchés. C’était un beau moment de théâtre autour de la résilience. La pièce est jouée au moins jusqu’à fin avril au Théâtre de la Renaissance à Paris mais se promène aussi en tournée dans toute la France. Elle a reçu une nomination aux Molières 2022 pour la Révélation féminine.

un avant-goût

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25 mars 2024 1 25 /03 /mars /2024 10:16

L'Herne – Les inséparables

Heureusement que le stimulant challenge Les classiques c’est fantastique m’a à nouveau poussée vers cette autrice que j’avais découverte avec les sublimes Mémoires d’une jeune fille rangée. Ce mois-ci, les Simone sont mises à l’honneur.

                Dans un court roman autobiographique, l’autrice met en lumière sa jeunesse marquée par la rencontre avec Zaza, nommée Andrée ici, une fille de son âge pour qui elle éprouve une grande admiration et un amour incomparable. La vie aux côtés d’Andrée qu’elle croit connaître mais qu’elle découvre au fil des mois et des années coïncide avec son adolescence. Vient alors la période de rébellion face à l’ordre établi, Simone (nommée ici Sylvie) va s’éloigner de la religion pour finir par admettre qu’elle ne croit plus en Dieu, faire des choses défendues (qui peuvent, certes, faire sourire aujourd’hui puisqu’il s’agit de manger des pommes entre les repas et de lire Alexandre Dumas en cachette !) et grandir aux côtés ou peut-être dans l’ombre d’Andrée. Les filles deviennent des étudiantes et Andrée s’éprend du meilleur ami de Sylvie mais, si c’est amour est partagé, les fiançailles tant attendues n’auront pas lieu. C’est peut-être cette énième contrariété qui va conduire Andrée à la mort.

Si c’est le livre d’une amitié qui se clôt par une tragédie, il s’agit aussi de la photographie d’une époque précise, celle du premier tiers du XXè siècle, avec ses contraintes, sa misogynie, ses mœurs parfois étriquées. J’ai beaucoup aimé l’ambiguïté de la relation entre les deux jeunes femmes avec une réciprocité qui n’est jamais acquise, des doutes et des questionnements qui sont ceux d’un couple d’amoureux. La plume de Simone de Beauvoir embaume un parfum de douceur qui enivre légèrement, on se laisse très vite glisser dans son univers où on revêt une « robe bleu marine avec un col de piqué blanc ». On comprend également à quel point cette amitié qui s’est terminée dans la souffrance et le malheur a pu marquer durablement notre écrivaine. L’ouvrage bénéficie d’un cahier tout à fait appréciable comprenant des photos de Zaza et Simone et des lettres authentiques échangées entre les deux femmes.

« Andrée aurait-elle été triste si on nous avait empêchées de nous voir ? Moins que moi, assurément. On nous appelait les deux inséparables et elle me préférait à tous mes camarades. Mais il me semblait que l’adoration qu’elle avait pour sa mère devait pâlir ses autres sentiments. »

« Depuis cette nuit où dans la cuisine de Béthary, j’avais avoué à Andrée combien je tenais à elle, je m’étais mise à y tenir un peu moins. »

« un mariage d’amour, c’est suspect. »

Extrait d’une lettre de Simone datant de novembre 1929 : « C'est toujours à chaque page bonheur, bonheur en lettres de plus en plus grosses. Et je tiens à vous plus que jamais en ce moment, cher passé, cher présent, ma chère inséparable. Je vous embrasse, Zaza chérie. »

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22 mars 2024 5 22 /03 /mars /2024 10:17

Le Choeur des femmes Le Choeur des femmes — Éditions Le Lombard

Ça fait des années que je fais le vœu de lire le roman de Martin Winckler, je me suis (pour l’instant) rabattue sur cette adaptation bien roborative (233 pages).

Jean Atwood est une brillante étudiante en médecine. Cheveux courts, allure dynamique, elle rêve de chirurgie gynécologique mais elle doit passer six mois de stage auprès du Dr Karma, un gynécologue un peu particulier. En effet, il lui arrive souvent, lors d’une consultation, de ne pas faire déshabiller les femmes, de simplement les écouter et de donner de la valeur à ce qu’elles ont à dire. Jean est d’abord complètement réfractaire à ces méthodes puis, petit à petit, par le truchement de son propre parcours notamment, elle va comprendre tout l’intérêt des principes de ce médecin féministe et respectueux du corps de la femme.

Quelle claque !! Je pense qu’on peut distinguer la partie médicale qui s’apparente à un essai vulgarisé de ce que pourrait/devrait être la gynécologie aujourd’hui et la partie plus romancée portant sur le passé de Jean, ses amours, ses parents. Les deux me semblent réussis même si j’ai préféré la partie médicale (une fois n’est pas coutume...) Et je réalise qu’en tant que femme, on accepte des diktats et des situations humiliantes sans même s’en rendre compte. Qui n’a jamais mal vécu une consultation gynéco ? Les femmes, vous a-t-on déjà demandé votre avis sur le confort de la position d’examen ? Qui n’a pas été au moins une fois rat de laboratoire à l’hôpital, examinée sans qu’on vous regarde vraiment, vous, sans qu’on vous parle et vous demande votre avis ? Pour avoir passé pas mal de temps dans les hôpitaux au service gynéco, j’ai connu une seule expérience vraiment rassurante (une opération bégnine) où je me suis sentie écoutée, entourée, soutenue, et par conséquent, cette expérience n’a pas été douloureuse du tout contrairement à toutes les autres. Bref, je raconte ma vie. Revenons-en à la BD. C’est sous le regard bienveillant de l’auteur, Martin Winckler, que la dessinatrice a travaillé son œuvre. J'ai beaucoup aimé les couleurs claires qui peuvent rappeler l'univers hospitalier avec un vert qui tend quand même plutôt à quelque chose de plus doux. Il est intéressant de démarrer l’histoire selon le point de vue d’une femme, celui de Jean, jeune et moderne, qui se dit d’emblée lassée des blablas des patientes à qui il ne faudrait pas accorder tant d’importance. Avant de revenir sur ses propres préjugés, de comprendre que, si elle est froide et distante, l’explication se trouve dans sa propre histoire. J’ai aimé découvrir les interrogations des différentes femmes, de celles qui ne savent rien, de celles qui ont mal compris, de celles qui doutent, de celles qui n’osent pas, de celles qui se sentent différentes, de celles qui ont peur et qui sont si nombreuses. Qu’il est bon de se dire qu’il existe des hommes capables d’essayer de comprendre les femmes et ne pas les enfermer dans des stéréotypes. BD (ou roman, ou les deux) à lire absolument.

« Un soignant, ça ne doit pas se comporter comme un juge ou un flic ! »

Extrait du Manifeste de la position à l’anglaise : « Aujourd’hui, alors les femmes ont les mêmes droits et obligations devant la loi que les hommes, alors que personne n'a le droit de les asservir ou de les infantiliser, elles sont encore contraintes, lors de chaque examen gynécologique, de s'allonger sur le dos, cuisses écartées, sexe exposé, dans une position humiliante imposée par les médecins, sans aucune nécessité médicale. La posture dite « à l'anglaise » (sur le côté) permet tous les gestes gynécologiques courants, ainsi que de procéder à des accouchements en toute sécurité et est pratiqué dans de nombreux pays du monde. Nous EXIGEONS que les médecins français proposent à leurs patientes de l'adopter, si elles le désirent, en lieu et place de la position machiste et archaïque actuelle. Nous EXIGEONS que cette obligation soit inscrite dans le code de déontologie et dans le code de santé publique, ainsi que dans les guides remis à tous les médecins et étudiants en médecine. »

-     COUP DE COEUR     -

Le Choeur des femmes, bd chez Le Lombard de Winckler, Mermilliod

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19 mars 2024 2 19 /03 /mars /2024 11:13

La Maladie blanche – Les Éditions du Sonneur

 

Le bonheur d’une 1h15 de course à pied accompagnée du plaisir de découvrir un podcast de France Culture d’excellente qualité d’un des auteurs tchèques les plus connus, et qui serait à l’origine de l’invention du mot « robot »...

Une étrange pandémie ravage hommes et femmes de plus de 45 ans dans le monde entier. Une petite tache blanche de la taille d’une lentille puis un lent pourrissement du corps qui dégage une odeur pestilentielle, voilà le sort qui est réservé aux malchanceux touchés par cette nouvelle « lèpre ». Le docteur Galén a trouvé un remède qu’il ne réserve, pour l’instant, qu’aux indigents. Lorsqu’on le presse de révéler son secret, il n’émet qu’une seule condition : que les dirigeants du monde entier acceptent de conclure une paix éternelle. Evidemment, il en est hors de question, le Maréchal, dirigeant omnipotent en rit et le baron Krüg, principal fabriquant d’armes dans le pays, refuse catégoriquement. Les riches meurent donc pendant que les pauvres sont soignés et guéris dans la fameuse salle 13, jusqu’au jour où la maladie se propage même parmi les plus puissants.

Publiée en 1937, cette pièce de théâtre aurait pu être écrite hier tant elle est encore d’actualité. Il est question de choisir entre la paix et l’argent dans un monde où la guerre est une occupation primordiale pour les dirigeants. Magnifique pamphlet antifasciste écrit à l’heure où le nazisme avait le vent en poupe, il résonne et raisonne encore aujourd’hui. Simple, bref, efficace, ce texte édifiant est d’une limpidité remarquable, d’une force bouleversante et la vision utopiste et ô combien jouissive du Dr Galén devrait devenir un modèle dans le monde entier. L’excellente interprétation des comédiens donne une voix juste de cette critique du totalitarisme. Impressionnant.

« Dites-leur qu’ils sont déjà vieux, tous ceux qui dirigent les peuples. Dites-leur qu’ils vont pourrir vivants, comme ceux qui sont là. (...) en tant que médecin, j’ai le devoir de me battre pour chaque vie humaine, n’est-ce pas ? C’est simplement le devoir de tout médecin d’empêcher la guerre. (...) qu’ils renoncent à tout acte de violence et de guerre et je leur confierai le remède de la maladie blanche. (...) pourquoi ne pourrait-on pas abolir les armes ? pourquoi ne pourrait-on pas limiter les armements dans tous les états ? »

C’est un coup de cœur (je n’ai que des coups de cœur en ce moment, quelle veine !!), précitez-vous sur ce formidable podcast : 4 épisodes de 25 minutes chacun. A ne pas manquer !

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15 mars 2024 5 15 /03 /mars /2024 14:36

Son odeur après la pluie - Cédric Sapin-Defour - LIBRAIRES DU SUD

Je suis clairement plus chats que chiens. J’ai toujours eu des chats et j’ai longtemps eu une peur bleue des chiens. Puis, à force de côtoyer des chiens souvent énormes qui m’ont paru plutôt très sympas, mon opinion et mes ressentis ont changé. J’en arrive aujourd’hui à me dire que j’aurai un chien, un jour. Donc, ce roman n’était pas forcément une partie gagnée d’avance pour moi.

Une petite annonce dans le journal de sa région, 74, décide le narrateur, Cédric, à adopter un chien. Il va d’abord rencontrer ce petit bouvier bernois (oui c’est un oxymore) et le coup de foudre est instantané. Il lui faudra cependant attendre un mois avant de l’adopter définitivement. La vie avec ce chien appelé Ubac est tout de suite une évidence, un bonheur du quotidien. Cédric emmène Ubac partout, sans laisse, l’aime et le gâte comme un enfant, apprend auprès de lui et s’épanouit un peu plus chaque jour. Il va rencontrer Mathilde qui va aimer Ubac à son tour et deux autres chiens vont s’ajouter à cette famille particulière. Evidemment, la vie d’un chien est courte et, après les immenses randonnées, les visites de routine chez le vétérinaire, les joies de tous les jours, vient le temps des inquiétudes, des maladies, et bientôt sonne la trompette de la mort.

Le pari est réussi, me faire adorer un roman qui ne parle que de chiens(s) ! Dès les premières pages, on s’identifie au narrateur et sa plume, magnifique, élégante, un brin ampoulée, nous emporte dans cette histoire d’amour entre deux êtres vivants. Tout paraît simple, évident et naturel. Pas un instant on ne doute de l’authenticité de cette relation si exceptionnelle entre un homme et son chien, ou entre un chien et son homme. L’écriture est d’une si grande beauté que les thématiques rebattues de fidélité de l’animal, d’enthousiasme, de fiabilité prennent de nouvelles couleurs chez cet auteur fou amoureux de la nature. Car il est aussi question de nature, celle qui est si intimement liée au chien, celle qui émerveille tellement Ubac ; celle qu’il va révéler, transcender et sublimer auprès Cédric. L’arrivée de deux autres chiens ne semble que compléter une osmose déjà lumineuse entre les êtres vivants de cette maison perdue dans les montagnes. Quelle déclaration d’amour, clamée avec des mots nouveaux, avec une vision optimiste sans être mièvre, d’une beauté à couper le souffle ! C’est un COUP DE CŒUR évidemment !

« Surfiler son existence de la présence d'un chien, c'est entendre que le bonheur façonne la tristesse, c'est mesurer comme le manque est mal soluble dans les mémoires aussi vastes et heureuses soient-elles, c’est accepter que chaque minute volatile soit vécue sept fois plus intensément qu’à l’habitude, c'est se cogner à ce séduisant et vertigineux projet de ne saboter aucun instant et de célébrer la vie de manière forcenée. »

« Nous nous regardons, aimantés, sans cligner, et ce jeu d’enfants où le premier baissant les yeux perd la partie, prétexte à tant d’idylles naissantes, débute pour ne s’achever qu’à la seconde où l’un d’entre nous les fermera pour toujours. »

« Ubac s’émerveille de tout, d’une chenille, du vent dans les arbres, de ce qu'on ne voit plus. Il ne laisse rien passer de ce qui pourrait lui animer la vie. Sa faculté à s'émerveiller est un antidote au désenchantement, elle n'exige aucun strass, c'est assez vital en somme, tous les grognons devraient passer une heure avec un chien. Il joue du matin au soir, avec tout et n'importe quoi, un lézard, un bouchon, un être imaginaire. »

« Vivre lui suffit. Un rien lui tient de lieu, d'instant, la constance ne lui rouille pas la vie car elle n'a pas lieu. Ubac porte ce don de faire de toute routine assommante vue de mes yeux capricieux, une expérience aimable et qui rend disponible. Refaire me lasse et lui le convainc. C'est quelque chose que de bien peindre le quotidien flairant çà et là ses menues variations, c'est une élégante attention portée à l'habitude et qui semble rendre le bonheur plus attrapable. Une vie que la tyrannie de l'insolite pourrait juger comme rabaissée aux ambitions petites, Ubac m'apprend qu'elle est en définitive la plus subtile de toutes et que s'acharner à fuir la banalité en est au final la forme la plus aboutie ; alors va pour le tour et le retour des trois rivières, ce traité d'impermanence et le grand bal des vies communes ! »

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12 mars 2024 2 12 /03 /mars /2024 09:10

Les Forceurs de blocus de Jules Verne - Editions Flammarion

Sans le Book trip en mer de Fanja, je n’aurais peut-être jamais sorti ce roman de ma PAL.

Nous sommes en pleine guerre de Sécession, fin 1862, Le Delphin, un navire armé, s’apprête à quitter Glasgow pour rejoindre Charleston, en Caroline du Sud, pour forcer le blocus en échangeant des armes contre du coton. Le capitaine, James Playfair, accepte, à la dernière minute, d’accueillir à son bord un homme vigoureux du nom de Crockston qui est accompagné de son « neveu » de quinze ans. Peu après le départ, l’équipage se rend compte que Crockston n’est pas du tout marin et que son neveu... est en réalité Miss Jenny Halliburtt, fille d’un journaliste abolitionniste, qui a pour objectif sauver son père emprisonné à Charleston. Vite épris de Jenny, le capitaine Playfair va tout mettre en œuvre pour faire libérer Mr Halliburtt.

Court roman ou longue nouvelle, ce récit d’aventures de facture très classique est rondement et rapidement bouclé (au vu de sa brièveté). Une sorte de Comte de Monte-Cristo très condensé dont la lecture est fluide et agréable. J’ai cependant été un peu décontenancée par le rythme du récit qui commence doucement, accumulant les références au monde maritime (et mon édition destinée aux collégiens expliquait tous les mots en fin de livre, j’ai compté une cinquantaine de mots de vocabulaire marin... tout de même !), donc une première partie qui prend son temps, et une seconde bien plus rapide, à partir de l’arrivée à Charleston tout s’accélère : le stratagème de Crockston, la libération du père, l’histoire d’amour, le retour. Ce déséquilibre m’a un peu gênée, il est vrai, surtout qu’il est accompagné d’un happy end un peu trop prévisible. Je terminerai par exprimer ma perplexité pour un roman qui serait destiné aux 5e... pas sûre du tout qu’il plaise, sauf aux férus de navigation !

« Le Delphin filait rapidement ; il répondait aux espérances des constructeurs et du capitaine, et bientôt il eut dépassé la limite des eaux britanniques. Du reste, pas de navire en vue ; la grande route de l’Océan était libre. D'ailleurs, nul bâtiment de la marine fédérale n'avait le droit de l'attaquer sous pavillon anglais. Le suivre, bien ; l'empêcher de forcer la ligne des blocus, rien de mieux. Aussi James Playfair avait-il tout sacrifié à la vitesse de son navire, précisément pour n'être pas suivi. Quoi qu'il en soit, on faisait bonne garde à bord. Malgré le froid, un homme se tenait toujours dans la mâture, prête à signaler le moins la moindre voile à l'horizon. Lorsque le soir arriva, le capitaine James fit les recommandations les plus précises à Mr Matthew. »

Lecture commune avec Fanja que je remercie pour ce joli trip en mer ! Claudialucia a embarqué avec nous, nos avis à toutes les trois se rejoignent plutôt.

(vous avez vu, "de février à novembre", vous avez encore largement le temps de partir vous aussi en croisière !)

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