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6 février 2024 2 06 /02 /février /2024 10:15

Une éducation orientale - Charles Berberian - Casterman - Grand format -  Librairie Sillage PLOEMEUR

Comme pour le monde entier, l’auteur-dessinateur a vu son quotidien et ses projets stoppés net à l’arrivée du Covid en mars 2020. Il compare cette situation à celle de Beyrouth en 1975, lorsque la guerre civile l’a contraint à rester dessiner chez lui. Lui et sa famille ont passé beaucoup de temps cloîtrés dans le couloir de leur appartement sans savoir combien de temps les fusillades allaient durer. Si le refuge n’est pas le dessin, Charles et son frère Alain se retrouvent chez la grand-mère Yaya qui ne sait jamais rien refuser à ses petits-fils et les couve comme une mère poule. Les explosions survenues dans le port de la ville sont également évoquées, les rescapés racontent : les vitres qui ont éclaté, les gens qui ont demandé des nouvelles de leurs proches, les chats qui s’étaient cachés quelques minutes avant le drame.  

Ce que j’ai complètement adoré dans cet album un peu foutraque, c’est la variété des dessins. Du croquis en noir et blanc à la magnifique aquarelle en couleurs, en passant par des dessins hachurés au stylo, l’auteur se montre polyvalent flexible dans son art. C’est une merveille à regarder. Côté scénario, c’est un peu décousu mais l’hommage que Berberian rend à sa ville tant aimée, si combattive, est touchant, à tel point qu’appeler son album « une enfance beyrouthine » aurait été plus juste. Certains personnages sortent du lot comme l’immuable Yaya, le grand frère Alain qui a toujours été le modèle de Charles. Et puis, la dimension fouillis prend tout son sens, elle est comme la ville, elle est comme les souvenirs qui affluent sans être ni organisés, ni bien ordonnés. Une lecture que je recommande.

« Cette ville a survécu au chaos tellement de fois, elle s’est reconstruite avec l’idée que le chaos était une manière de fonctionner. »

 

Une éducation orientale de Charles Berberian

Une éducation orientale

Une éducation orientale : Beyrouth d'hier à aujourd'hui par Charles  Berberian – L'EssentiART

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2 février 2024 5 02 /02 /février /2024 15:35

Où vont les larmes quand elles sèchent - Baptiste Beaulieu - L'iconoclaste  - Grand format - Librairie Passages LYON

 

Jean est un jeune médecin qui a travaillé aux Urgences et qui a quitté les Urgences parce qu’il avait du mal à se remettre de la mort d’un enfant. Il décide donc de s’installer dans un cabinet dans une ville du Sud-Ouest. Il se rend compte qu’il est plus là pour écouter les patients que de les soigner. Il apprend aussi à supporter certains patients insupportables car désagréables, indociles et mauvais. Il voit d’autres partir à regret, certains illuminent sa journée, d’autres - surtout les femmes maltraitées – le rendent plus triste encore. Et il n’arrive pas à exprimer son chagrin par des larmes, elles restent coincées à l’intérieur de lui.

Il arrive qu’on récupère un bouquin réservé depuis plusieurs semaines, hop, on ne sait plus trop pourquoi on voulait l’emprunter. On commence à le lire un soir de fatigue et les premières lignes font mouche tout de suite. Je crois que ce livre possède beaucoup de qualités mais ce sont surtout son authenticité, sa simplicité et sa sincérité que je retiendrai. Au bout de quelques dizaines de pages, le soufflet d’enthousiasme est un peu retombé à cause de quelques clichés et évidences, je dois bien l’admettre, mais le tout est sauvé par de jolis passages et, surtout, un engagement profond de l’auteur en faveur des femmes, c’est tout de même assez rare pour être relevé venant de la part d’un homme. Ce médecin-écrivain-poète très sensible est vraiment touchant par les mots qu’il nous délivre comme de petits cadeaux. Et pourtant, pourtant, je suis partagée : tantôt éblouie par une belle écriture, tantôt crispée par des banalités – des redondances et des étincelles, des fulgurances et des flops. A vous de juger, le bouquin semble faire l’unanimité un peu partout.

Le souhait de la plupart des patients : « avoir quelqu’un qui s’intéresse à eux. Juste de temps en temps. »

« C'est juste qu'on aimerait être prévenu au début de nos études : les gens, souvent, ne viendront pas pouvoir parce qu'ils sont malades. Ils viendront pour avoir l'illusion d'exister quelque part dans cette société de merde : exister pour de vrai et pour quelqu'un, même qu'au cabinet médical c'est remboursé par la Sécurité sociale à hauteur de 25 euros les dix minutes. »

« Je n'ai pas eu souvent, durant ma carrière, de vrais moments où j'ai trouvé un homme admirable. Les femmes, oui, très souvent. Elles affrontent tout, les frangines. Tout. Des tourments de l'adolescence aux affres de la maturité. Un patron harceleur, un mari incapable, deux-trois enfants à élever, la bouffe, les courses, le yo-yo hormonal et les mêmes questionnements sur la condition humaine que les hommes : qu'est-ce que je fous là, est-ce que j'ai la vie que je rêvais d'avoir, est-ce que j'ai pas tout gâché, est-ce que c'est trop tard pour tout recommencer, est-ce que je resterai seul jusqu'à la fin de mes jours si je le quitte, bla-bla-bla ? Ça, c'est admirable. Vraiment. Mais un homme admirable ? Je me gratouille le cervelet : vas-y, Jean, cherche bien, c'est quand la dernière fois que t'as vu en consultation un homme qui t'a rendu fier d'appartenir à la gent masculin ? Ben, désolé : rien ne vient. »

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29 janvier 2024 1 29 /01 /janvier /2024 11:09

Le fusil de chasse - INOUE YASUSHI - 9782234052109 | Catalogue | Librairie  Gallimard de Montréal

Après quelques rencontres plutôt ratées avec la littérature japonaise, j’ai eu tendance à la bouder. Longtemps. Heureusement que le challenge Les classiques c’est fantastique de Moka du mois de janvier nous incite à découvrir un classique de la littérature asiatique pour que je secoue mes a priori.

Le narrateur-auteur reçoit, suite à un poème publié dans une revue spécialisée de chasse, un courrier d’un certain Josuke Misugi qui lui envoie trois lettres qui ont bouleversé sa vie. Dans la première, c’est Shoko, la fille de sa maîtresse Saïko qui lui avoue qu’elle a très bien compris la liaison entre sa mère et Josuke. La seconde lettre provient de la femme de Josuke, Midori, qui raconte qu’elle est au courant de l’adultère depuis ses débuts et que c’est ce qui l’a poussée à devenir elle-même infidèle de si nombreuses fois. La troisième lettre est écrite par Saïko sur son lit de mort, quelques heures avant de se suicider et constitue un aveu effroyable : elle n’a jamais aimé réellement son amant, lui a menti depuis le début et s’est contentée de s’épanouir dans le bonheur d’être aimée et non pas d’aimer... Chacune des lettres vient nuancer ou apporter un autre éclairage sur les propos de la précédente.

Ce très court roman essentiellement composé de ces trois lettres est tellement riche et fascinant ! Trois lettres qui m’ont fait penser au nombre 3 des vers d’un excellent haïku avec une concision et une clairvoyance comparables. A la fois vif dans le propos et dans les sentiments exprimés, ce texte est aussi empreint d’une incroyable douceur quant à la manière de s’exprimer ! De la suave cruauté, une funeste délicatesse ... et quelle puissance dans ces mots ! A travers ces confidences, le statut de la femme revêt une aura particulière qui domine complètement l’homme par son pouvoir de dissimulation, par sa lucidité, par ces mots tranchants. D’une mélancolique justesse, ce roman brille par son impeccable construction et ce travail d’orfèvre. Whaouh ! Donnez-moi d’autres titres nippons aussi excellents !

-     Coup de coeur     -

« Pourquoi faut-il que je m'accable cette insupportable angoisse à l'heure où j’affronte la mort, une mort qui sera là dans quelques heures ? Je reçois le châtiment mérité par une femme qui, incapable de se contenter d'aimer, a cherché à dérober le bonheur d'être aimée. Après avoir connu treize années de bonheur parce que tu m'as aimée, comme il m'est pénible d'être forcée d'écrire ce genre de lettre. »

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26 janvier 2024 5 26 /01 /janvier /2024 15:34

Je suis leur silence - Jordi Lafebre - LIBRAIRES DU SUD

  -  Un polar à Barcelone  -

Un petit chocolat, c’est bon pour le moral mais une BD de Jordi Lafebre, aussi !

Eva Rojas, la belle et jeune psychiatre se confie à un confrère, le Dr Llull, qui doute de sa santé mentale, et lui raconte sa semaine sacrément mouvementée. Elle avait accepté, quelques jours auparavant, d’accompagner Pénélope, une patiente de longue date, à la lecture du testament de sa grand-mère, encore vivante et propriétaire d’un immense domaine viticole. Elle rencontre, lors d’une réception, les membres de la famille Monturos, riches, hautains et désagréables. Le petit séjour chez les nantis est entaché par la découverte du cadavre de Francesc, visiblement mort par empoisonnement. Eva, qui fourre son nez partout, va même être suspectée, pourtant c’est elle qui va, à force d’audace et de culot, permettre de comprendre à la fois le mobile et le coupable du meurtre mais aussi les magouilles qui enrichissent cette immense famille.

Que dire à part que c’était très bon ! Les personnages sont délicieux, à commencer par cette allumée d’Eva, aussi grande gueule qu’attachante, qui entend constamment les voix de trois femmes décédées de sa famille. Le clan Monturos est comparé aux dieux de l’Olympe pendant que notre blonde survoltée prend des risques inconsidérés qui choquent le vieux psychiatre qui l’écoute. C’est drôle, plein de peps, avec un rythme qui fonctionne bien et un suspense prenant. Lafebre se renouvelle avec ce genre du polar à énigme et, malgré quelques invraisemblances, j’ai aimé cette héroïne qui rabat le caquet à tous les mâles alpha. Et puis, quelques cases sont réservées avec Barcelone, plus lumineuse que jamais !

Je suis leur silence de Jordi Lafebre

 

Je suis leur silence de Jordi Lafebre

 

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23 janvier 2024 2 23 /01 /janvier /2024 07:37

J'ai soif d'innocence et autres nouvelles | Editions Larousse

J’avais très envie de participer au challenge « Bonnes nouvelles » de Je lis, je blogue et j’ai retrouvé ce petit recueil de nouvelles dans ma PAL ; eh oui, Romain Gary a aussi écrit quelques nouvelles.

Dans la première nouvelle, « J’ai soif d’innocence », le narrateur exprime sa volonté de fuir une société mercantile et cupide et se réfugie à Tahiti où il se lie d’amitié avec une certaine Taratonga qui lui offre, au bout de quelques semaines, des gâteaux emballés dans des toiles de Gauguin sans en connaître la valeur. Les principes du narrateur vont être mis à rude épreuve.

« Un humaniste » pourrait aussi se nommer l’Optimiste par excellence. Durant la 2nde guerre mondiale, M. Karl continue à croire en l’Homme, à espérer mais, en tant que juif, ses jours sont menacés par les nazis. Il se fait alors volontairement enfermer dans une cave secrète avec ses livres et des vivres apportés par ses domestiques. De très nombreuses années passent (on est en 1950, vous pigez le truc...) qui n’altèrent en rien son optimisme, les nouvelles ne lui sont plus qu’apportées par son fidèle Schutz.

« Le faux » : un collectionneur d’art s’évertue à repérer les faux. Lorsqu’il dira à Baretta que son tableau est un faux Van Gogh, sa minutie à relever les contrefaçons va se retourner contre lui...

« Citoyen pigeon » est un texte fantastique où deux Américains, l’un plus prétentieux que l’autre, visitent Moscou. A force de répéter « Nous avons la même chose aux Etats-Unis, en mieux », ils agacent leur entourage jusqu’au jour où leur cocher n’être autre qu’un pigeon.

« Tout va bien sur le Kilimandjaro » est assez drôle parce qu’un faux aventurier complètement sédentaire fait envoyer par des marins des cartes postales en son nom depuis les quatre coins du globe à sa bien-aimée, Adeline... Cette Adeline lui répond, des années plus tard, qu’elle a eu sept enfants avec son rival qui aime tellement collectionner ces cartes et ces timbres venus d’ailleurs !

« Je parle d’héroïsme » permet de confronter le discours d’un conférencier sur le thème de l’héroïsme : un des auditeurs l’emmènent chasser les requins dans les Caraïbes... de l’héroïsme la plume à la main à celui des abysses un fusil à la main, ce n’est pas tout à fait la même chose.

 

Tous ces textes tournent autour de la duperie, des faux-semblants, de la vengeance : des personnages qui se croient plus malins se font finalement royalement berner ; un peu comme chez Molière, on rit de leur arrogance punie, de cet arroseur arrosé, de ce pédant qui se retrouve le bec dans l’eau. C’est drôle et plaisant à lire (venant de Gary, ce n’est pas très surprenant). Ces six nouvelles à chute très courtes ont un charme apéritif : on les picore, on s’amuse, elles montent à la tête comme les bulles et on les oublie vite (je ne parle que de ma petite mémoire inefficiente). Il n’en demeure pas moins qu’elles sont un excellent moyen de découvrir le vénérable Romain Gary si ce n’est pas déjà fait ou de confirmer le fait qu’il sait se renouveler tant au niveau du genre que du registre.

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19 janvier 2024 5 19 /01 /janvier /2024 12:07

Ce que je sais de toi - Éric Chacour - Babelio

Le narrateur s’adresse à un « tu » dont il s’attache à brosser le portrait : Tarek est né au Caire en 1949, dans une famille levantine chrétienne, il grandit dans l’ombre de son médecin de père si charismatique et qui ne lui laisse guère le choix, lui aussi sera médecin. Tarek se marie avec Mira, son amour de jeunesse et fait tout de même le choix très personnel de s’occuper des miséreux dans un quartier très pauvre de Moqattam. C’est là qu’il rencontre Ali, le fils d’une dame qu’il soigne ou plutôt dont il se prend d’amitié. Ali est un jeune prostitué qui, sur la promesse faite à une mère sur son lit de mort, devient l’assistant de Tarek. Lorsque le jeune homme, un soir, pose ses lèvres sur celles du médecin, l’univers bien cadré de Tarek s’effondre. Il ne cessera pourtant pas cette liaison passionnelle qui le conduira à fuir l’Egypte pour le Canada, des années plus tard.

Après un début qui picote un peu à cause de ce tutoiement omniprésent, on se demande qui peut être le narrateur... le roman gagne en force avec un personnage qui désobéit aux coutumes de son pays, aux traditions de sa famille, qui enfreint les règles. Via un parcours de vie atypique, le récit se fait porter par un souffle de rébellion tout en gardant une belle délicatesse qu’on retrouve dans la plume de l’auteur (c’est un premier roman, bon sang, quel talent déjà !) C’est déjà très bon mais aux deux tiers du livre, le lecteur se fait tout simplement renverser par la surprise de l’identité du narrateur et quelques autres bouleversements brillamment orchestrés. Par de savants retours en arrière, ce n’est plus une seule vie mais quelques existences de personnes qui pourtant vivaient ensemble qui nous sont dévoilées. C’est très beau, prenant, dépaysant et de plus en plus bouleversant au fur et à mesure qu’on tourne les pages, tout en restant une belle ode à l’amour et à la sensualité. Un coup de cœur pour ce roman aussi fascinant qu’inventif.

Merci à ma chérie pour ce cadeau !

« L’eau s’infiltre insidieusement dans la brique en terre crue. On observe avec fascination la première goutte qui, en quelques secondes, vient tacher la matière à mesure que celle-ci l’absorbe. C’est alors une flaque entière qui emprunte le même chemin de capillarité. Le matériau se gorge d’eau au point de commencer à montrer quelques signes de faiblesse. Combien de temps faut-il pour que la construction tout entière ne soit en péril ? Tu ne cherchais pas à mettre de mots sur l’effet qu’Ali produisait sur toi. A quoi bon écrire l’espoir tourmenté dans lequel te plongeait la vue de sa nuque, le frisson soudain au contact de sa chaleur, le tourment intérieur qui précédait chacun de ses paroles, l’incertitude du lendemain, l’intranquillité à l’idée que tout s’arrête brusquement ? »

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15 janvier 2024 1 15 /01 /janvier /2024 21:06

Mémoires de la forêt Tome 1 : Les Souvenirs de Ferdinand Taupe - Mickaël  Brun-Arnaud, Sanoe - Ecole Des Loisirs - Grand format - Paris Librairies

Tome 1 : Les souvenirs de Ferdinand Taupe

Dans le village de Bellécorce, le libraire Archibald Renard a bien du mal à aider Ferdinand Taupe à retrouver un livre (chaque livre écrit par un villageois est en exemplaire unique), et pour cause : un mystérieux client qu’il n’a pu identifier l’a acheté quelques instants auparavant. Ferdinand espérait retrouver ses souvenirs grâce à ce livre qui retrace son passé, notamment en compagnie d’une certaine Maude. Ferdinand perd la mémoire et n’a plus que quelques photos en guise de souvenirs. Archibald accepte de l’accompagner sur les lieux de ces photos pour réveiller les souvenirs de la taupe et surtout retrouver cette chère Maude qui semble avoir disparu depuis longtemps. Leur périple va d’abord les mener au salon de thé de Pétunia Marmotte, puis dans un gros chêne pour assister à un concert, mais aussi à la Brocantaupe ou à la Retraite des Plumes.

Je ne suis pas une grande adepte de la littérature jeunesse et j’avoue que, malgré ses qualités, la première moitié du livre n’a pas suscité en moi d’émotion particulière... Les animaux personnifiés sont attachants, les lieux décrits et très bien dessinés par Sanoe font rêver mais il y a ce côté candide, cette bonhommie enfantine qui ne m’a pas accroché. Et pourtant, et pourtant..., le thème de la maladie d’Alzheimer est amené avec tant de tact dans la seconde partie, traité avec tellement de délicatesse et de bienveillance que je suis justement ressortie de cette lecture emplie d’émotions diverses. Il y une histoire de portes à ouvrir et à maintenir fermées qui va parler à tout un chacun. Le thème de la mort est aussi vu d’une manière plutôt optimiste et rayonnante. Je ne peux que conseiller ce livre en priorité à ceux qui seraient concernés de près ou de loin par cette maladie de « l’Oublie-tout » mais au plus grand monde également (je serais curieuse d’avoir l’avis d’un enfant...). Les nombreuses illustrations sont de petites merveilles (au doux parfum du Vent dans les Saules).

« Il y avait de la poésie dans le déplacement des ancêtres – de vieilles âmes en équilibre entre la marche et le repos, sans cesse ralenties par le poids des années et la douleur des jours. »

« Malade de l’Oublie-tout, Ferdinand était devenu une sorte de voyageur temporel, voguant entre les époques comme on passe d'un chapitre à l'autre du grand livre de la vie. Alors, quand il était égaré dans l'un de ses nombreux voyages, Archibald lui lançait des cordes pour qu'il revienne petit à petit, sans jamais le brusquer. »

 

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12 janvier 2024 5 12 /01 /janvier /2024 15:25

Atelier Sentô - Onibi : carnets du Japon invisible

            Les auteurs sont deux : Cécile Brun et Olivier Pichard qui ont l’habitude de faire des voyages au Japon. Cette fois-ci, Cécile tombe sur une caméra « bi-objectif » dont les lentilles ont été polies par des moines et qui peut photographier des créatures surnaturelles. Ni une ni deux, elle l’achète et le duo part à la recherche des yôkai, ces fantômes qui peuvent se cacher n’importe où. Bizarrement, ce n’est pas si facile de dénicher les mystérieuses créatures invisibles à l’œil nu et il va falloir se rendre dans des lieux étiquetés comme mystiques dans la région de Niigata : forêts magiques, villes inhabitées, plages... L’aubergiste qui les héberge, devenu un ami (et celui qui les goinfre à longueur de soirées) les écoute et les conseille.

Vous l’aurez compris, cette BD offre une vision du Japon un peu particulière et pas désagréable du tout même si les deux protagonistes ont l’air finalement plus allumés que les autochtones qu’ils interrogent à chercher inlassablement les yôkai. Le monde moderne côtoie le monde ancien avec une tendresse touchante. C’est ce qu’on peut espérer du Japon : de l’authentique, un brin de quelque chose de suranné, de belles rencontres et des paysages à admirer. Ça m'a fait penser à la belle exposition de photos de Pierre-Elie de Pibrac du musée Guimet (il vous reste trois jours pour y aller !) et notamment cette mystérieuse forêt de Aokigahara où les Japonais se cachent pour mourir...

Une jolie découverte faite par hasard dans ma bibliothèque.

Onibi : Carnets du Japon Invisible - (Atelier Sentô) -  Documentaire-Encyclopédie [CANAL-BD]

 

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8 janvier 2024 1 08 /01 /janvier /2024 17:31

HC Editions

La catastrophe de Marcinelle est survenue en Belgique le 8 août 1956 et a tué 262 mineurs. Le procès qui nous occupe en 1958 concerne deux survivants, Donato Renzini et Francesco Ercoli, accusés du meurtre de leur supérieur, un homme cruel et despotique. Après l’avoir assommé, ils l’auraient étouffé au cœur même de la mine, peu avant l’arrivée des secours. Contre toute attente, c’est Katarzyna, une jeune journaliste d’origine polonaise que le rédacteur en chef du Soir va envoyer pour couvrir l’affaire. Quoi, une femme qui ne s’occupe pas de mode ou de cuisine !? Katarzyna fait de son mieux pour raconter le défilé des différents témoins lors des trois journées de procès, évoquer l’avocat de la défense, le procureur général, les jurés ... tous des hommes, évidemment. Quand sa collègue et amie Hortense lui avoue que si elle a été choisie pour ce procès, c’est dans l’espoir qu’elle se casse la figure et qu’on refile le dossier à un confrère homme, Katarzyna s’efforce encore davantage d’exceller... elle y réussira en trouvant un témoin qu’on a préféré ne pas faire venir à la barre.

C’est la première fois que je lis cet auteur belge dont l’œuvre a été maintes fois récompensée. Et j’ai adoré son écriture pour sa fluidité, sa limpidité, sa clarté (alors que le sujet n’a -d’apparence- rien de simple ni de très gai). On est immédiatement projetés dans les années 50, et ce personnage principal féminin va devoir affronter un univers machiste en puissance. Sa détermination et sa combattivité sont remarquables alors qu’elle n’échappe pas aux clichés de l’époque (elle rêve d’avoir un enfant, son mari est un gros paresseux qui dit ne pouvoir se passer d’elle une demi-journée, etc). Le déroulé du procès est raconté de manière passionnante, les protagonistes sont croqués de manière très juste comme le ferait le dessinateur judiciaire qui se lie d’amitié avec Katarzyna. Mais... mais... on dirait bien que c’est le premier COUP DE CŒUR de l’année ! Un seul minuscule bémol qui n’est qu’une broutille : le titre que je ne trouve pas assez parlant ni attrayant. La couverture est très belle et éloquente à la lecture de l'excellente postface qui nous apprendre, entre autres, que le roman était d'abord une pièce de théâtre.

Si vous avez d’autres titres de cet auteur à me conseiller, je prends volontiers !

L’accueil au tribunal par les autres journalistes : « Pardonnez-moi, chère madame, le public, c'est par là. Cet accès est réservé aux représentants de la presse. Sauf si madame travaille pour Femmes d'aujourd'hui. (...)Je pense que Madame est envoyée par Mon ouvrage pour réaliser un reportage sur les robes des hommes au tribunal. »

« Quand une femme pourrait-elle se déplacer librement sans être importunée, sifflée, insultée ou harcelée ? Combien de décennies faudrait-il pour qu'elle ne soit plus considérée comme un amusement sexuel, un trophée de chasse ou un trésor de guerre ? »

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4 janvier 2024 4 04 /01 /janvier /2024 16:53

Opus 77, Alexis Ragougneau | Livre de Poche

Ariane Claessens est en train de jouer l’Opus 77 au piano aux funérailles de son père, chef d’orchestre de renommée internationale. Eminente musicienne elle aussi, elle déplore l’absence de son violoniste de frère. Ses pensées la ramènent aux temps de son enfance, lorsque sa mère a commencé à dérailler, que son père plaçait la barre très haut pour ses musiciens d’enfants et que son frère se distinguait par son attitude introverti et sauvage. Ariane, quant à elle, a toujours excellé mais a dû affronter ses angoisses avant d’entrer en scène, a collectionné les aventures pour ne pas avoir à s’attacher et a longtemps recherché ce vieux professeur, Krikorian, qui avait tant fait pour son frère.

Vous l’aurez compris : on est dans la musique jusqu’au cou, les cinq chapitres correspondent aux cinq mouvements de l’œuvre de Chostakovitch : Nocturne, Scherzo, Passacaille, Cadence et Burlesque ; il n’est question que de partitions, de technique, de répétition, de concerto, de mélodie...  tout ça était peut-être trop pour moi car, surtout, le roman donne une vision négative de la musique classique, vision largement entretenue par les trois personnages principaux d’une froideur glaciale (oui, ça vaut bien un pléonasme). Tout n’est qu’exigences, intransigeance et impassibilité. J’ai trouvé ça oppressant malgré quelques belles images comme ce chien noir qui suit Ariane dès la veille d’un concert et qui symbolise ses peurs et l’écriture tout à fait intéressante de l’auteur. Ragougneau a su élégamment distiller ses informations par le biais d’une intrigue dirigée par une main de maître et un suspense parfaitement bien orchestré. Je crois que c’est l’univers de la musique classique qui ne veut pas de moi... (j’ai bien conscience que mon avis est très contradictoire !)

 

J’ai complètement craqué sur la première phrase du roman (oui, il m’en faut peu parfois) : « Nous commencerons par un silence. »

 « A la fin c'est toujours le silence qui triomphe mais il nous reste à tous un ou deux airs en mémoire, qui perdurent de génération en génération. Presser ces fichues touches blanches et noires, c’est le meilleur moyen que j’ai trouvé pour ne pas m’effondrer. Il n'y a que la musique pour faire face à la mort. »

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