Comme pour le monde entier, l’auteur-dessinateur a vu son quotidien et ses projets stoppés net à l’arrivée du Covid en mars 2020. Il compare cette situation à celle de Beyrouth en 1975, lorsque la guerre civile l’a contraint à rester dessiner chez lui. Lui et sa famille ont passé beaucoup de temps cloîtrés dans le couloir de leur appartement sans savoir combien de temps les fusillades allaient durer. Si le refuge n’est pas le dessin, Charles et son frère Alain se retrouvent chez la grand-mère Yaya qui ne sait jamais rien refuser à ses petits-fils et les couve comme une mère poule. Les explosions survenues dans le port de la ville sont également évoquées, les rescapés racontent : les vitres qui ont éclaté, les gens qui ont demandé des nouvelles de leurs proches, les chats qui s’étaient cachés quelques minutes avant le drame.
Ce que j’ai complètement adoré dans cet album un peu foutraque, c’est la variété des dessins. Du croquis en noir et blanc à la magnifique aquarelle en couleurs, en passant par des dessins hachurés au stylo, l’auteur se montre polyvalent flexible dans son art. C’est une merveille à regarder. Côté scénario, c’est un peu décousu mais l’hommage que Berberian rend à sa ville tant aimée, si combattive, est touchant, à tel point qu’appeler son album « une enfance beyrouthine » aurait été plus juste. Certains personnages sortent du lot comme l’immuable Yaya, le grand frère Alain qui a toujours été le modèle de Charles. Et puis, la dimension fouillis prend tout son sens, elle est comme la ville, elle est comme les souvenirs qui affluent sans être ni organisés, ni bien ordonnés. Une lecture que je recommande.
« Cette ville a survécu au chaos tellement de fois, elle s’est reconstruite avec l’idée que le chaos était une manière de fonctionner. »