Après quelques rencontres plutôt ratées avec la littérature japonaise, j’ai eu tendance à la bouder. Longtemps. Heureusement que le challenge Les classiques c’est fantastique de Moka du mois de janvier nous incite à découvrir un classique de la littérature asiatique pour que je secoue mes a priori.
Le narrateur-auteur reçoit, suite à un poème publié dans une revue spécialisée de chasse, un courrier d’un certain Josuke Misugi qui lui envoie trois lettres qui ont bouleversé sa vie. Dans la première, c’est Shoko, la fille de sa maîtresse Saïko qui lui avoue qu’elle a très bien compris la liaison entre sa mère et Josuke. La seconde lettre provient de la femme de Josuke, Midori, qui raconte qu’elle est au courant de l’adultère depuis ses débuts et que c’est ce qui l’a poussée à devenir elle-même infidèle de si nombreuses fois. La troisième lettre est écrite par Saïko sur son lit de mort, quelques heures avant de se suicider et constitue un aveu effroyable : elle n’a jamais aimé réellement son amant, lui a menti depuis le début et s’est contentée de s’épanouir dans le bonheur d’être aimée et non pas d’aimer... Chacune des lettres vient nuancer ou apporter un autre éclairage sur les propos de la précédente.
Ce très court roman essentiellement composé de ces trois lettres est tellement riche et fascinant ! Trois lettres qui m’ont fait penser au nombre 3 des vers d’un excellent haïku avec une concision et une clairvoyance comparables. A la fois vif dans le propos et dans les sentiments exprimés, ce texte est aussi empreint d’une incroyable douceur quant à la manière de s’exprimer ! De la suave cruauté, une funeste délicatesse ... et quelle puissance dans ces mots ! A travers ces confidences, le statut de la femme revêt une aura particulière qui domine complètement l’homme par son pouvoir de dissimulation, par sa lucidité, par ces mots tranchants. D’une mélancolique justesse, ce roman brille par son impeccable construction et ce travail d’orfèvre. Whaouh ! Donnez-moi d’autres titres nippons aussi excellents !
- Coup de coeur -
« Pourquoi faut-il que je m'accable cette insupportable angoisse à l'heure où j’affronte la mort, une mort qui sera là dans quelques heures ? Je reçois le châtiment mérité par une femme qui, incapable de se contenter d'aimer, a cherché à dérober le bonheur d'être aimée. Après avoir connu treize années de bonheur parce que tu m'as aimée, comme il m'est pénible d'être forcée d'écrire ce genre de lettre. »