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24 septembre 2017 7 24 /09 /septembre /2017 18:29

 

          Sliv Dartunghuver est un jeune Islandais brillant et célibataire embauché dans un cabinet d’études environnementales. Bien payé, il commence à accomplir son travail avec efficacité et talent. Il décèle de petites erreurs dans le rapport final lors d’une mission et en informe son responsable, Gunnar Eriksson, qui promet de les rectifier. Dans une des dernières moutures, les erreurs apparaissent encore puis encore, jusqu’à ce que Sliv explose en se demandant si on ne se moque pas de lui. Gunnar lui révèle alors qu’il a passé le test avec brio : il est désormais recruté dans le CFR, le Consortium de Falsification du Réel. Quid est ? Les agents du CFR « échafaudent des scénarios parfaitement plausibles, auxquels ils donnent ensuite corps en altérant des sources existantes, voire en en créant de nouvelles. Autrement dit, ils modifient la réalité. » Evidemment, l’histoire inventée doit avoir un objectif et doit être validée par le Plan. Le premier scénario de Sliv, par exemple, raconte qu’une tribu africaine fictive a découvert un gisement de diamants, ce qui permettra d’éloigner les diamantaires du Kalahari et de protéger indirectement les Bochimans. Il s’agit non seulement de créer une histoire mais également de falsifier, de tricher, d’inventer les sources, les références et les personnes qui pourraient justifier et authentifier le scénario. Sliv prend vite goût au jeu, il s’éclate quelque temps en Argentine avant de commettre une bourde qui lui fait craindre d’avoir condamné un homme. Entre interrogations (mais qui dirige le CFR ?) et craintes (on tuerait au CFR ?), Sliv erre de pays en pays jusqu’à ce que son talent l’envoie à l’Académie, là où on donne aux vingt meilleurs le meilleur des enseignements.

           L’histoire est tout simplement passionnante ! On s’attache rapidement à Sliv, on se plaît à croire qu’on a son talent (hum…), on voyage aux quatre coins du monde, on s’agace de cette Lena Thorsen collaboratrice et concurrente si parfaite, on croit – à certains moments- qu’on détient un pouvoir non négligeable pour le reste de l’humanité mais, attention, de temps en temps, on se demande quand même pourquoi on invente toutes ces histoires et qui est à la tête du CFR… Mis à part un ou deux passages un peu complexes, j’ai trouvé cette lecture jubilatoire. Les 500 pages se tournent comme un rien et on aimerait lire la suite, Les Eclaireurs, le plus rapidement possible. Lecture originale (pour ma part), qui flirte avec le genre de la science-fiction et apporte d’intéressantes réflexions sur la réalité, la vérité et la fiction.

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21 septembre 2017 4 21 /09 /septembre /2017 11:59

 

   

       Chouchou d’Yv, cet auteur m’a aussi été conseillé par une amie.

       Marc Lecas, soixante ans, père d’une fille recluse en hôpital psychiatrique, compagnon de Chloé, découvre de nouveaux pans de l’existence d’une manière insolite : il scrute à l’aide d’une loupe le tapis de son salon, il admire le flux de la circulation automobile depuis le pont d’une autoroute, il adopte le chat le plus obèse et le plus apathique qu’il trouve,  il donne un coup de pied à sa vie en kidnappant sa fille Anne pour l’emmener au Touquet. Très rapidement, les choses dégénèrent : Anne tue sur son passage les êtres qu’elle croise comme si c’était la chose la plus naturelle du monde, père et fille cachent leurs traces pour voyager en camping-car et rejoindre la ville d’Agen sans objectif précis.

       Cynique, drôle, impertinent, picaresque, ce road-movie totalement insolite se distingue largement des autres romans. Certains passages mêlent le burlesque et le tragique : Marc s’est piqué au clou d’une statuette africaine qui semble lui avoir jeté un mauvais sort. Le doigt enfle, le lance, le fait souffrir au point de perdre la sensibilité des jambes… avec une folle de fille, vous imaginez la solution qui va être choisie ! Si Marc incarne parfaitement le rôle de l’anti-héros, on peut cependant se retrouver dans ce personnage qui perd pied dans son quotidien à travers cette satire brillamment brossée par un auteur qui a tout fait pour que je continue à le lire… très bonne pioche !

« Il avait passé une bonne heure accoudé à la rambarde du pont qui surplombait l’autoroute et, si la pluie ne s’était mise à tomber dru, il y serait sans doute encore. Bien des fois, alors qu’il circulait au volant de sa voiture, il avait remarqué ces individus, généralement solitaire, penchés au-dessus des grands axes routiers comme des busards mélancoliques. Cette occupation dérisoire l’avait toujours intrigué, parfois inquiété. De ces gens-là, tout était envisageable, un suicide ou un lancer de vélo, car la plupart en avaient un posé à côté d’eux. Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien voir de là-haut ? Il s’était promis un jour de tente l’expérience et, aujourd’hui, il ne le regrettait pas. Ce n’était peut-être pas aussi paisible, à cause du rugissement des moteurs et des vapeurs d’essence, que de suivre au bord d’une rivière feuilles et brindilles portées par le courant, mais certainement plus grisant. La tête se vidait rapidement de toute pensée et on accédait alors à une sorte de stupeur méditative que le flux des véhicules accroissait jusqu’au vertige. »

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18 septembre 2017 1 18 /09 /septembre /2017 11:07

         

 

         Lorsque Michel a 16 ans, son frère plus âgé travaille déjà à la mine de Liévin. Joseph est son modèle absolu, il l’admire et lui voue un amour fraternel intense. La catastrophe du 27 décembre 1974, une terrible explosion due à un coup de grisou, tue 42 mineurs de la fosse 3 dite Saint-Amé. Joseph ne succombera à ses blessures que quelques jours plus tard. En 2014, Michel enterre l’amour de sa vie, Cécile, mais n’a pas enterré ce passé qui l’obsède chaque jour. Il s’est construit un mausolée où il suspend la tenue de travail de Joseph à la manière dont il le faisait à la mine, il a gardé précieusement sa barrette, sa taillette, un morceau de charbon… et des souvenirs de ses derniers instants de liberté avec lui. Michel a décidé de se venger. De se venger de la mine qui lui a ravi son frère mais aussi son père pendu, sa mère dépressive, qui lui a ravi sa jeunesse et son insouciance. Il s’invente donc une nouvelle identité et retrouve le village de son enfance où tout le monde l’a oublié. Mais lui, Michel, n’a pas oublié celui qu’il considère comme un des responsables, Dravelle, celui pour qui le rendement passait avant la sécurité. Pour sauver l’honneur de son frère et venger tous les mineurs, Michel est prêt à aller très loin…

 

        Les huit romans de Sorj Chalandon, je les ai tous lus, je les ai tous aimés, j’en ai adorés certains (La Légende de nos pères, Le petit Bonzi, Profession du père, Une promesse, Le quatrième mur) mais ce roman-là sort du lot car il est complexe et remarquable : mêlant admirablement la fiction et la réalité, il gagne en intensité lors du procès, épisode particulièrement réussi et finalement surprend son lecteur jusqu’à la dernière page. Entre culpabilité et déni, entre vrais coupables et faux innocents, Chalandon prouve brillamment qu’il sait rendre hommage à un événement historique mais également sonder l’âme humaine, si complexe et passionnante. Le style est, comme à l’accoutumée, sobre et efficace, rendant aux mots leurs plus belles couleurs… Bravo Monsieur Chalandon!

 

 

Le père prévient Joseph : « Tu n’iras pas au charbon, tu iras au chagrin. Même si tu ne meurs pas. Même si tu survis à la poussière, aux galeries mal étayées, à la berline qui déraille, à la violence du marteau-piqueur, à la passerelle glacée quand tu reviens au jour. Même si tu prends ta retraite sur tes deux jambes, tu ramèneras cette saloperie de charbon avec toi. Tu auras laisse du cœur au fond. Tu seras silicosé, Joseph. Tes poumons seront bons à jeter dans la cuisinière pour allumer le feu. Tu seras empoisonné. Tu seras à moitié sourd, à moitié mort. »

 

Après la catastrophe : « Au bas de la fiche de salaire, en plus des trois jours dérobés, la direction avait retenu le prix du bleu de travail et des bottes qu l’ouvrier mort avait endommagés. »

 

Michel, avant de passer à l’acte : « J’ai bu. Une bouteille de vin, seul sous la lumière morne. La photo de Jojo devant moi. Jojo qui frère encore. Qui a retrouvé un père mort de dignité et une mère morte de peine. Qui tous me demandent réparation, à moi. Le dernier, l’épargné, le survivant. »

 

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11 septembre 2017 1 11 /09 /septembre /2017 10:32

 

 

         Une énième lecture reçue dans une box…

         Aksel Vinding a quinze ans. Il vit à Oslo, il a une sœur aînée Cathrine avec qui il ne s’entend pas vraiment et deux parents excentriques qui se disputent à longueur de journée… jusqu’à un bel après-midi ensoleillé où le conflit conjugal tourne au drame : la mère pour fuir le père, se noie dans le courant violent d’une rivière. Aksel va se réfugier dans la passion qui l’unissait à sa mère qu’il aimait tant : le piano. Il finit par laisser tomber ses études et participer au concours du « Jeune Maestro » où il va retrouver la riche Rebecca, la mystérieuse Anja, la provocante Margrethe Irene et d’autres musiciens adolescents talentueux. Les finalistes font former cette « Société des Jeunes Pianistes » qui donne le titre au roman. Il s’agit maintenant de faire ses débuts, de donner son premier concert et, entre premières amours et désirs inavouables, le trac est à son comble.

          Dans cette fin des années 60 où les jeunes écoutaient plutôt les Beatles et les Rolling Stones, nos pianistes font figure d’extraterrestres. Liés par une même passion dévorante, chronophage et même parfois –souvent- malsaine, ils souhaitent restés soudés même si ça n’est pas toujours possible. Le protagoniste, Aksel, tombe amoureux d’Anja, cette jolie fille menue qui garde une vie secrète et cachée, étouffée par une présence paternelle autoritaire mais dotée d’un talent musical prodigieux. Cette ferveur sans limites prend peut-être la place de celle qu’Aksel réservait à sa mère. Toujours est-il que musique, sexualité, amour, mort sont intimement entremêlés dans ce roman initiatique que je conseillerais même à de grands ados ou de jeunes adultes. J’ai beaucoup aimé cette plongée dans l’univers de la musique classique, subtilement accompagnée de la peinture d’Edvard Munch, d’un épervier porteur de mauvaises nouvelles et d’une ambiance sombre et quasi fantomatique. Car le roman n’est pas gai, il est teinté d’un tel pessimisme que je vais laisser passer un petit moment avant de lire la suite, puisqu’il s’agit d’une trilogie ! A noter aussi : l’auteur sait de quoi il parle puisqu’il est avant tout pianiste et compositeur.

Ce roman a obtenu le Prix des Lecteurs du Livre de poche en 2008.

 

« Deux personnes gentilles et désespérées, qui pensaient trouver l’amour dans le mariage mais n’arrivent pas à vivre sous le même toit. Sans oublier deux enfants anxieux, incapables de gaieté même quand ils sont gais. La voici, la famille Vinding. »

« Nous avons seize ans. La musique pense pour nous. Elle parle pour nous. Nous sommes finalistes. Nous nous amusons – encore. »

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10 septembre 2017 7 10 /09 /septembre /2017 09:41

 

          Je suis prête à essuyer les critiques car voici une lecture… que j’ai abandonnée !

          Jens le Postier arrive péniblement au village. Gelé, il ne fait plus qu’un bloc avec son cheval. C’est pourtant monnaie courante dans cette région d’Islande où il neige en avril. « Le gamin » accueille Jens, être étrange et amoureux de la lecture et de l’écriture. … Et puis voilà ce que j’ai retenu !

          Après avoir commencé ma lecture, j’ai découvert qu’il s’agissait du tome 2 d’une trilogie. Est-ce dû à cela ou à la confusion des patronymes islandais ? Je me suis perdue dans une tempête de neige et de mots et, au vu de l’écriture si belle et si poétique de Stefansson, je le regrette. J’y reviendrai, c’est promis !

 

          Si j’ai arrêté ma lecture au bout de presque cent pages, j’ai tout de même relevé quelques extraits :

« Nous mourons si nous n’coutons pas ce qu’enseigne l’expérience, mais nous moisissons si nous y prêtons trop d’attention. »

« L’homme meurt si on le prive de pain, mais il dépérit et se fane en l’absence de rêves. »

« Le silence repose sur tout chose, il n’y a que la neige qui tombe et ces mots qui renfermement un mystère, un message adressé au monde. »

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7 septembre 2017 4 07 /09 /septembre /2017 18:44

 

            Je vous avais bien dit que je lirais la suite de Dérive sanglante, Tapply m’avait tapé dans l’œil !

           Petit rappel : Stoney Calhoun est un pêcheur qui a perdu la mémoire sept ans auparavant après avoir été touché par la foudre. Il travaille dans une boutique d’accessoires de pêche et se fait guide de Casco Bay en certaines occasions. Doué d’un sixième sens sacrément développé, grand sportif, lutteur et perspicace intelligent, Calhoun devine bien qu’il a été flic dans sa vie d’avant. Quand le shérif lui demande de l’aide, notre héros argue le fait que son existence le comble entièrement. Oui mais sa maîtresse va le quitter, son chien adoré va disparaître, un affreux cadavre va hanter ses rêves… autant d’arguments pour devenir l’assistant du shérif Dickman. A chaque jour son cadavre et son lots de mystères. Dans cette ambiance que j’ai déjà tant aimée dans le premier tome, Calhoun va se révéler un très bon détective.

J’ai vraiment apprécié retrouver la baie de Casco, sa pêche au bar rayé, sa confection de mouches (dont j’ignorais l’art, c’est magnifique !), son brouillard et ses averses, ses personnages authentiques dans ce Maine si attrayant ! Allez, aucune lectrice ne peut être insensible au charme de Calhoun, à son côté super-héros tout en humilité et en douceur. Encore une belle réussite, heureusement qu’il me reste un tome pour clore en beauté cette trilogie de polars naturalistes.

 

L’incipit : « Il était trois heures moins cinq lorsqu’une sonnerie se déclencha dans la tête de Stoney Calhoun, cinq minutes avant celle du réveille-matin, bien inutile, posé près de son lit. L’horloge interne ne lui avait jamais fait défaut, pourtant il n’arrivait pas encore à lui faire entièrement confiance. Il resta allongé un instant, regardant par la fenêtre en direction des bois et du ciel. Les étoiles brillaient tout là-haut, au-delà des pins, et des nuages en forme de cigares glissaient sur la lune gibbeuse de septembre. »

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1 septembre 2017 5 01 /09 /septembre /2017 19:22

 

             Nous sommes en Tasmanie, au sud de l’Australie. Mary, malade et veuve à 77 ans, arrive à la fin de sa vie, elle le sait bien et elle n’a qu’un souhait : mourir sur l’île de Bruny, une île sauvage sur laquelle elle a vécu de très belles années. Oui mais sa fille n’est pas d’accord et aimerait la caser dans une maison de retraite. Son fils Tom, le plus jeune, comprend mieux sa mère et son personnage prend de plus en plus d’importance. Il a passé un séjour en Antarctique qui a brisé son mariage et chamboulé sa vie. Mary cache un secret renfermé dans une mystérieuse lettre. Dans son petit chalet coupé de tout, son état va péricliter mais elle va aussi faire ressurgir son passé et rencontrer le jeune gardien de l’île, Léon, et indirectement l’aider.

           Je repoussais cette lecture craignant un peu de mièvrerie et une abondance de clichés. (Et mon dieu, quel bandeau publicitaire!!!) Je me suis trompée : bucolique et doux, ce roman sent bon le frais vivifiant de la mer. Le contexte géographique est son gros point fort, l’auteur nous balade sur cette île impétueuse et venteuse mais aussi en Antarctique. En littérature, le froid et le vent me conviennent bien mieux que dans la vraie vie ! Des points négatifs sont tout de même à relever : quelques longueurs, un secret caché trop longtemps (et qu’on peut deviner), quelques bons sentiments un peu ridicules tout de même, dont on aurait pu se passer (je n’ai pas pu m’empêcher de relever ce passage, lorsque Mary et son mari Jack étaient jeunes et amoureux : « Ils couraient nus sur le sable en lançant vers les goélands leurs rires et leurs cris. » !) Mais ce roman est plus que cela : une tendre réflexion sur la vie, une acceptation de la vieillesse et de la mort subtilement abordée. Une lecture pas indispensable mais somme toute agréable !

« En traversant l’île d’ouest en est, Mary regarda défiler es prés enclos en essayant d’en graver chaque détail dans sa mémoire. Ce voyage était différent de tous les autres, car c’était le dernier. »

 

         Le phare de l'île de Bruny et moi-même vous souhaitons une bonne rentrée !

http://amoureuxvoyageux.com/wp-content/uploads/2015/10/IMGP0014-1-1024x680.jpg

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29 août 2017 2 29 /08 /août /2017 15:54

 

 

          Lorsque je voyage, un de mes plaisirs et d’emporter un « livre local », soit un livre dont l’intrigue se passe au même endroit, soit un livre dont l’auteur est né et ou a vécu à cet endroit. En allant en Martinique, j’ai donc tout naturellement emporté, dans ma valise, un roman de Patrick Chamoiseau, natif de Fort-de-France (c’est donc un « Foyalais » ) et passionné par la culture créole.

          Le conteur Solibo Magnifique est retrouvé mort. Autour du cadavre : des dizaines de badauds, de faux témoins, de suspects, de fauteurs de trouble. Bouaffesse et Evariste Pilon mènent l’enquête, interrogent ces hommes et ces femmes qui sont presque tous sans domicile fixe, qui n’ont pas de vrai travail mais savent parler, embobiner, négocier, mentir, tricher, détourner l’attention sur eux-mêmes et rire.

        Je ne le cache pas : j’ai eu du mal à lire ce livre. La langue, extrêmement fleurie et métaphorique, m’a déstabilisée. Entre néologismes, paraphrases, créole, vocabulaire « spécialisé », narration décousue, je me suis un peu perdue dans cette enquête policière rocambolesque. Je ne regrette pas pour autant cette lecture qui m’a fait sourire plus d’une fois et je crois que j’ai choisi le bon moment pour découvrir l’auteur. Car moi aussi j’ai mangé du lambi, j’ai porté un bakoua,  je me suis promenée sur les mornes ou sur la Savane, et si je n’ai pas eu recours au Bay-Rum, j’ai volontiers goûté à la Favorite et au Depaz. En Martinique, ça chante, ça crie, ça roucoule sans les –r-, ça chaloupe, ça sourit, ça vit. Et l’auteur met toutes ces couleurs dans ce texte.

« j’étais estébécoué »

« tout le monde avait sorti les molaires »

La routine, pour nos enquêteurs, c’est trouver des cadavres de « quelque pêcheur d’écrevisses noyé sous une roche traîtresse, quel pendu à une corde de Syrien sous la touche d’une déveine, quelque femme gonflée par la rubigine qu’inspire le tafia, quelque manifestant saigné sans intention à la grenade lacrymogène (et officielle) »… mais là, il s’agit d’un « cadavre inattendu, aux yeux ouverts, raide comme une graisse de soupe froide, qui semble lever les bras en un Ô Gloria ! »

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22 août 2017 2 22 /08 /août /2017 09:51

 

 

            Ce roman, c’était mon livre culte de la fin de mon adolescence, ma référence, mon classique préféré. Cela fait des années que je voulais le relire, j’ai profité de l’été pour le faire enfin.

            Bernard, sur le point de passer son bac, découvre qu’il n’est pas le fils de celui qui se faisait passer pour son père. Il fuit la maison familiale et trouve refuge chez son ami, Olivier, qui, suite à cet instant de bravoure, l’admire encore plus qu’auparavant. L’oncle Edouard entre en scène, entiché de son neveu Olivier, il égare une valise qui contient son journal que nous lisons en même temps que Bernard. L’adolescent en quête de sous et d’aventures, devient le secrétaire d’Edouard. Olivier, pour ne pas être en reste, se rapproche du comte de Passavant, écrivain à la mode, hautain et influençable. Des personnages secondaires se croisent, s’aiment et se disputent pour mieux offrir un tableau de la jeunesse des années 20. C’est aussi une intéressante réflexion sur l’écriture, sur l’amitié et l’homosexualité (pourtant évoquée de manière très implicite !). La mise en abyme, les interventions du narrateur omniscient, la multiplicité des personnages et leur évolution font évidemment de ce roman un Grand Roman !

            J’ai retrouvé un peu de cette fougue adolescente faite d’insolences, d’espoirs, de fraudes, d’envolées lyriques qui m’avaient tant plu il y a (déjà !!!) une vingtaine d’années mais je dois bien admettre que je n’ai pas éprouvé la même passion qu’au temps où j’avais l’âge de Bernard et Olivier. Je suis tout de même satisfaite de ma lecture qui m’a fait revenir quelques années en arrière tout en sachant que je n’y reviendrai pas.

 

« Les préjugés sont les pilotis de la civilisation. »

« Tout ce qui n’est créé que par la seule intelligence est faux. »

Le personnage de Pauline, mère d’Olivier m’a touchée plus qu’il y a vingt ans : « Vous rendez-vous compte de ce que devient ma vie ? J’ai restreint mon bonheur ; d’année en année, j’ai dû en rabattre ; une à une, j’ai raccourci mes espérances. J’ai cédé ; j’ai toléré ; j’ai feint de ne pas comprendre, de ne pas voir… Mais enfin, on se raccroche à quelque chose ; et quand encore ce peu vous échappe !… Le soir, il vient travailler près de moi, sous la lampe ; quand parfois il lève la tête de dessus son livre, ce n’est pas de l’affection que je rencontre dans son regard ; c’est du défi. J’ai si peu mérité cela… Il me semble parfois brusquement que tout mon amour pour lui tourne en haine ; et je voudrais n’avoir jamais eu d’enfants. »

… ou encore : « Mais, mon ami, vous savez bien qu’il n’y a rien de tel pour s’éterniser, que les situations fausses. C’est affaire à vous, romanciers, de chercher à les résoudre. Dans la vie, rien ne se résout ; tout continue. On demeure dans l’incertitude ; et on restera jusqu’à la fin sans savoir à quoi s’en tenir ; en attendant, la vie continue, tout comme si de rien n’était. Et de cela aussi on prend son parti ; comme de tout le reste… comme de tout. »

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17 août 2017 4 17 /08 /août /2017 07:29

 

Résultat de recherche d'images pour "giboulées de soleil"

 

          Dans un petit village tchèque, non loin de la frontière autrichienne, en 1947, Magdalena tombe enceinte à même pas 20 ans. Elle a succombé aux charmes de Josef, le fils du patron, qui l’a aussitôt ignorée. C’est la mère de Magdalena, Marie, qui va l’aider à l’accoucher, seule. Elle a l’habitude. Elle a l’habitude aussi des bâtardes puisque sa fille en est une. Après Magdalena, c’est sa fille Libuse qui connaît le même sort puisqu’elle couche avec un soldat russe qui meurt quelques heures plus tard. Enfin, c’est Eva, la moderne, l’érudite qui, lorsqu’elle remplira ses papiers d’identité, devra laisse blanche et vide la ligne réservée au nom du père.

           Récit résolument féminin et féministe, ces quelques pages cognent, heurtent et ont marqué la lectrice et (surtout) la femme que je suis. Dans des conditions difficiles, à une époque plutôt rude, le comble pour ces femmes est d’élever seules un enfant – une fille qui plus est -  et, même si elles sont parfois avares en tendresse, elles sont fières de leur statut si particulier. Elles ne pleurent pas car les larmes, « on les avale, on les économise pour les grandes occasions. […] comme la beauté, par exemple. On peut pleurer lorsqu’on rencontre la beauté.»Elles portent leur prénom et pour nom, le prénom de leur mère, de leur grand-mère à une époque où c’était une honte d’être fille-mère. Le récit gagne en force au fil des générations, un lien très fort est tissé entre toutes ces femmes qui trouvent force et caractère dans ce qui pourrait être considéré comme une faiblesse inavouable. Chacune des femmes est une brodeuse émérite, chacune se débrouille et subvient à ses besoins malgré les assauts des hommes, malgré l’hostilité ambiante, malgré le manque de chance.  L’arrière-plan historique est à la fois intéressant (toute l’histoire de la Tchécoslovaquie est contenue dans le livre !) et finalement accessoire parce que ça aurait bien pu se passer chez nous il n’y a pas si longtemps que ça.

            J’ai adoré ce roman que j’ai lu trop vite, que j’aimerais relire pour m’imprégner de cette force omniprésente et contagieuse. Les hommes sont soit boiteux, soit morts, soit absents et effacés dans un univers où la définition de la femme sort des sentiers battus. Magnifique et vivifiant !

 

« Je me rappelle qu’en chemin vers la ferme le lever du soleil nous a rattrapées. La lumière blanchâtre arrachait à la nuit les contours du village, des maisons, des arbres et des champs. L’air, empli de la petite rosée, allait vite se charger de chaleur. »

« Je hais ma mère autant que je l’aime. »

« Il faut le préciser, on est des bâtardes de mère en fille, comme certains sont boulangers ou rois. »

« La poésie c’est souffrir avec élégance, ce qui rend notre propre souffrance non seulement supportable mais belle. »

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