L’amie prodigieuse tome 4… et dernier tome !!
Elena file le parfait amour avec Nino, son ami d’enfance mais elle s’attire les foudres de son mari Pietro, de sa belle-famille mais également de Lila qui suggère que son amie ne sait pas tout sur le jeune homme. Pour Elena, il est surtout difficile de concilier ses déplacements professionnels, ses rencontres clandestines avec Nino et ses obligations de mère de deux fillettes, Dede et Elsa. La situation s’arrange néanmoins puisque Nino accepte enfin de quitter sa femme et de vivre avec Elena et ses deux filles dans un quartier huppé de Naples. Elena tombe enceinte exactement en même temps que Lila et ces deux événements vont les rapprocher à tel point qu’elles vont finir par habier le même immeuble. Je ne révèlerai pas tout mais, dans ce quartier qu’Elena a tant voulu fuir autrement, elle va y résider bien longtemps et même après la tragédie suggérée par le titre. Cette amitié est au cœur des quatre tomes et tous les êtres, tous les drames et les bonheurs semblent tourner autour de ces deux jeunes femmes avec, en arrière-plan, littérature et mafia napolitaine.
Les romans de cette série accaparent le lecteur, Elena Ferrante pourrait nous parler de recettes de cuisine italienne ou de la couleur du sable de la plage que ça fonctionnerait de la même manière. Elle nous fait entrer dans ces rues napolitaines –ville si chère aux héroïnes et pourtant si dangereuse !- nous fait vivre à côté de Dede et d’Elsa, nous entraîne dans ce tourbillon des années 50 à 2000. Cet opus n’est pas mon préféré (le 3ème reste pour moi le meilleur!) déjà parce qu’il évoque, surtout dans la seconde partie, un lent decrescendo lié à l’âge des personnages (ils vieillissent, et ça ne me plaît pas) mais peut-être aussi qu’Elena m’a un peu plus agacée par sa naïveté, elle se fait régulièrement tromper, on l’humilie et on lui ment et elle n’y voit que du feu ou alors se refuse à ouvrir les yeux. Oublions ces bémols et revenons aux qualités de cette saga qui brasse un panel d’émotions assez vaste sans être caricaturale, sans être manichéenne. C’est vraiment cette justesse et cette authenticité que j’ai appréciées. Elena Ferrante brise les tabous ; elle dresse avec finesse le portrait de personnages ; elle évoque avec subtilité et intelligence une amitié complexe mais aussi les relations mère-fille, les difficultés d’éduquer un enfant, l’écriture et la notoriété, les avancées technologiques (l’ordinateur que Lila va voir évoluer de près), le tremblement de 1981 ou encore la quête identitaire.
Et cette Lila ! Femme forte, pour qui tout est plus intense et qui, pourtant brime ses talents. Femme faible car enfermée dans son monde mais qui endosse le rôle de modèle pour tout le quartier. Entre Elena et elle, l’amour effleure sans cesse la haine, la répulsion joue avec cette attirance et ce besoin quasi vital d’être l’une avec l’autre, d’avoir le regard de l’amie sur sa vie. Tour à tour véritable tremplin et avilissement, cette amitié si particulière deviendra culte, très certainement ! Allez, l’histoire est terminée, le livre est clos.
Les deux femmes enceintes vont ensemble à leur rendez-vous gynécologique : « Nous adorions être assises côte à côte, la blonde et la brune, l’une sereine et l’autre nerveuse, l’une gentille et l’autre perfide, opposées et complémentaires, et nous deux ensemble très différentes des autres femmes enceintes, que nous scrutions avec ironie. »
« Elle avait beau nous dominer tous depuis l’enfance, elle avait beau nous avoir imposé et nous imposer encore ses manières d’être – faute de quoi nous encourions son ressentiment et sa colère -, elle se percevait elle-même comme une matière dégoulinante, et chacun de ses efforts avait simplement pour but, en fin de compte, de se contenir. »
« Il y a des moments où ce qui nous entoure et semble devoir servir de décor à notre vie pour l'éternité – un empire, un parti politique, une foi, un monument, mais aussi simplement des gens qui font partie de notre quotidien – s'effondre d'une façon tout à fait inattendue, alors même que mille autres soucis nous pressent. »
« Tout rapport intense entre des êtres humains est truffé de pièges et, si on veut qu’il dure, il faut apprendre à les esquiver. »