Le narrateur et auteur a déserté, il a quitté la guerre de Bosnie-Herzégovine pour se réfugier en France, plus particulièrement à Rennes où il débarque en été 1992. Dans sa minuscule chambre au foyer des réfugiés, Velibor ne se sent pas à sa place, à vrai dire, il s’estime bien au-dessus des « pauvres paysans, bergers et miséreux du tiers-monde » qui l’entourent. Parce qu’il a lu, parce qu’il écrit, il aimerait avoir une autre vie que celle faite d’errance, de solitude et de beuveries. Entre Paris, Strasbourg et Budapest, il va faire des rencontres, parfois heureuses, parfois mauvaises, il va maigrir et grossir, traîner, écrire, se souvenir de sa Kalachnikov, « des oiseaux qui tombaient du ciel, brûlés par la colère stupide des hommes. »
Ce récit autobiographique écrit 25 ans après cette désertion et cet exil mêle différents genres : la poésie, l’humour parfois potache, la fantaisie à la Boris Vian, le récit picaresque … Ce melting-pot est à l’image de ce type qui n’a plus de repères, qui a peur mais fait le fanfaron, qui veut mourir cent fois mais écrit tous les jours et apprend le français avec une rage tenace. Une ligne conductrice : l’autodérision qui rend le texte drôle et coloré. Je me suis parfois perdue dans les choix étranges et paradoxaux ou lorsqu’il décolle légèrement de la réalité mais ce témoignage vaut tout de même la peine d’être lu, certains passages sont vraiment sublimes.
« Dieu pêche les âmes à la ligne, le Diable les pêche au filet. »
A Paris : « Dans ma chambre il fait tellement froid qu’en prenant ma douche je garde mes chaussettes. Pour me laver les dents je mets si peu de dentifrice que cela ressemble à un nettoyage à sec. Mon déodorant est Eau Parisienne, c’est-à-dire de l’eau du robinet, et mon parfum est belge. Avant de sortir, je m’asperge de quelques gouttes de bière derrière les oreilles. »
« Pour écrire après une guerre, il faut croire en la littérature. Croire que l’écriture peut remettre en branle des mécanismes qu’on a mis au rebut lors du recours aux armes. »