Cela faisait quelques années que je boudais les romans de Fred Vargas depuis une certaine histoire de crotte de chien qui ne m’avait pas plus emballée que ça. Mon intuition m’a guidée vers son dernier polar. Aucun regret !
Une femme, Alice Gauthier, est retrouvée noyée dans sa baignoire. Suicide ? Le commissaire Adamsberg et ses acolytes mettent très vite cette hypothèse en doute, d’autant plus qu’un étrange symbole a été dessiné à côté du cadavre. Quelque chose qui ressemble à un H tordu… ou à une guillotine. Avant de mourir, Mme Gauthier a envoyé une lettre à un certain Amédée Masfauré qui vit dans le Creux, un coin perdu des Yvelines. Arrivés là-bas, les enquêteurs découvrent qu’un homme s’est suicidé, le père d’Amédée. Etrange coïncidence … et on ne tarde pas à trouver le même symbole de la guillotine sur ce qui devient le lieu du crime.
Vargas nous emmène sur deux pistes à la fois : celle d’un îlot islandais où un groupe de Français a survécu une dizaine d’années auparavant, celle d’une bande de fans de Robespierre qui passent leur temps libre à reconstituer des scènes de la Révolution. Et si les deux pistes se croisaient ? Malgré l’énergie de Retancourt, malgré l’hypermnésie de Danglard, c’est Adamsberg qui déploiera tout son génie pour mettre un nom sur le meurtrier.
Intéressant, bien écrit, un brin historique, captivant, addictif, dépaysant, ce roman aux mille qualités est un petit bonheur de lecture. Si Vargas fait preuve d’une imagination admirable, elle a aussi le don de croquer ses personnages avec réalisme et humour, mais ma préférence va sans doute à ces images qu’elle sait créer et qu’on aura du mal à oublier : un sanglier copain et protecteur des Masfauré, Lucio le voisin qui donne des conseils sans en avoir l’air ou encore cet afturganga, un esprit maléfique islandais qui hante cet îlot glacial et brumeux. Une belle découverte qui me fait regretter d’avoir abandonné Fred Vargas ces dernières années.
« Adamsberg ne réfléchissait pas, il ne se posait pas seul à une table, crayon en main, il ne se contenterait pas devant une fenêtre, il ne récapitulait pas les faits sur un tableau, avec des flèches et des chiffres, il ne posait pas son menton sur son poing. Il vaquait, marchait sans bruit, il ondulait entre les bureaux, il commentait, arpentait le terrain à pas lents, mais jamais personne ne l’avait vu réfléchir. Il semblait aller tel un poisson à la dérive. Non, un poisson ne dérive pas, un poisson suit son objectif. Adamsberg évoquait plutôt une éponge, poussée par les courants. Mais quels courants ? D’ailleurs, d’aucuns disaient que, quand son regard brun e vague se perdait plus encore, c’était comme s’il avait des algues dans les yeux. Il appartenait plus à la mer qu’à la terre. »