Après avoir adoré la première partie, il me tardait de lire la suite.
On retrouve nos soldats français là où on les avait laissés à la fin du 1er tome : prisonniers des Allemands, ils avancent dans la cambrousse, mal nourris, maltraités, dormant à même les prés. Certains échafaudent des plans d’évasion, d’autres ne supportent pas cette vie, l’un va jusqu’à se pendre. Leur malheur est entrecoupé de moments de trêve : la baignade dans un ruisseau, un taureau qui attaque un cavalier allemand (« un Teuton mis à terre par de la viande français ! ») mais la foule des Français grossit et les Allemands n’hésitent pas à utiliser leurs armes pour faire taire les rebelles. Quatre soldats parviendront à s’échapper et c’est le parcours de Videgrain que le lecteur suivra jusqu’à la dernière planche.
Le second volet de ce diptyque tient ses promesses : j’ai encore beaucoup aimé cet univers tragique où Rabaté, pour permettre aux soldats de tenir le coup, pratique une sorte d’ « humour de survie » : des remarques acerbes, une ironie à couper au couteau, des phrases dans l’argot du début du XXème siècle. La figure de l’Allemand est finalement peu présente mais cette mini-société de Français reproduit à l’identique ce qu’il se passe à plus grande échelle : sans manichéisme, on trouve les sympas, les traîtres, les racistes (le Sénégalais en prend pour son grade !), les généreux, les pingres, les homos, les trouillards, les malins. Les dessins, en noir et blanc, souvent muets, retransmettent encore une fois parfaitement la dimension absurde, tragi-comique, picaresque de cette situation d’une armée déchue. Une belle réussite !
Ce défilé de soldats français est comparé à une chenille « La chenille est de plus en plus grande. Elle grossit encore. Il y a peu de chances qu’elle devienne papillon. »