Comme il me tardait de revenir vers cet auteur ! Mon espoir fut comblé.
Colin, un vieil homme de 82 ans est désormais veuf. Son fils Benjamin l’accompagne à l’enterrement ainsi que sa fille Lois. C’est avec ces trois personnages essentiellement ainsi qu’avec la fille de Lois, Sophie, que le lecteur va partager un pan de l’Histoire de l’Angleterre, à savoir, la période allant d’avril 2010 à septembre 2018. Le Brexit a évidemment toute sa place et divise souvent les mêmes membres d’une famille. Benjamin va laborieusement parvenir à publier son premier roman, Sophie va vivre sa première grande histoire d’amour, partagée entre désir de liberté et sédentarité.
Je craignais me sentir noyée dans les considérations historiques mais le romancier est suffisamment doué pour mêler la fiction au réel, rendre captivante chaque nouvelle péripétie liée au Brexit, nous faire comprendre la colère montante des Anglais, les choix qui ont été faits, peut-être prouver -malgré cette satire- son attachement à ce « peuple de doux dingues ». Quand on lit certaines lignes, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec les Français car eux aussi éprouvent, en ce moment plus que jamais, « ce sentiment d’injustice larvé, cette rancœur contre une élite politico-financière qui avait volé les gens comme au coin d’un bois en toute impunité, cette rage froide d’une classe moyenne habituée au confort et à la prospérité qui voyait aujourd’hui l’une comme l’autre lui échapper. » La France… Coe l’aime et le prouve avec une escapade marseillaise où il vante le soleil, les calanques et la lumière, lumière « qui leur manquait en Angleterre, cet élément qui rendait tout si vif ici, si sensuel, si plein d’énergie, si inéluctablement vivant. » J’ai beaucoup aimé cette lecture fluide et agréable, jamais ennuyeuse. Une belle part est laissée à la fiction, je me suis vite attachée aux personnages et j’ai apprécié les voir évoluer. La plume de Coe fait des merveilles !
Chine et Grande-Bretagne sont comparées par une Anglaise : « Vous, vous subissez une censure avouée. Chez nous, elle est occulte. Tout se passe sous le masque de la liberté d’expression, de sortes que les tyrans peuvent prétendre que tout va pour le mieux. Or de liberté, nous n’en avons pas, ni d’expression ni d’autre chose. Ceux qui gardaient vivante une magnifique tradition anglaise en pratiquant la chasse à courre ne sont plus libre de le faire. Et si certains d’entre nous tentent de s’en plaindre, leurs voix sont aussitôt couvertes par des hurlements. »
560 pages (et 608 pour la version poche!), donc : deuxième lecture pour le Challenge Pavé de l’été by Brize !