Gros pavé qui dormait depuis des mois dans ma PAL…
Michael Owen a été choisi pour écrire une saga, celle de la prestigieuse et fortunée famille Winshaw. C’est Tabitha, la tante, considérée comme folle, qui lui a fait cette demande. D’après elle, la mort de son frère Godfrey, dont l’avion s’est crashé pendant la Seconde Guerre Mondiale, n’est pas un accident mais un meurtre. D’entrer dans cette famille, Michael va s’en mordre les doigts en découvrant que tous ses membres sont de fieffés requins. Il traîne lui-même un passé peu agréable, est capable de passer des années enfermé dans son appartement et s’enfonce dans son obsession amoureuse, celle d’une actrice découverte à l’âge de 9 ans…
Pour moi, ce roman comporte deux grandes facettes : celle de l’analyse politique accompagnée d’une réflexion sur le thatchérisme et de la guerre du Koweit et celle d’un roman policier ou plutôt d’une parodie de roman policier, en tout cas, je l’ai lu comme tel et c’est ce deuxième versant que j’ai le plus apprécié. L’humour pince-sans-rire et cette subtile perversité dans le comique m’ont vraiment plu. Je l’avais déjà remarqué pour La Femme de hasard, Coe écrit brillamment, sa verve nous met en joie, il a une manière d’aborder les personnages vraiment jubilatoire. Il ne faut cependant pas s’endormir sur sa page, car structure comme personnages sont assez complexes. Mêler du Hitchcock, de l’Agatha Christie (la fin ne serait-elle pas une réécriture des Dix Petits nègres ?) mais aussi un brin de poésie, une réflexion sur l’écriture et une satire sociale et politique, seul un génie est capable de le faire. Et quand génie il y a, je m’incline et m’efface :
Ø La fascination d’une lettre : « Alors je restais à demi endormi dans mon lit, à épier les pas du facteur dans l'escalier. D'une certaine manière, je n'ai jamais perdu cette foi enfantine dans la capacité d'une lettre à transformer mon existence. La simple vue d'une enveloppe sur mon paillasson peut encore m'emplir d'espoir et d'impatience, si éphémères soient-ils. Les enveloppes brunes ont rarement cet effet, il faut dire; et les enveloppes à fenêtres, jamais. Mais il y a l'enveloppe blanche, à l'adresse écrite à la main, ce glorieux rectangle de pure possibilité qui a pu se révéler à l'occasion n'être rien de moins que l'annonce d'un monde nouveau. »
Ø Quand Michael cherche le bon mot : « C’était une grande chambre. Non, beaucoup trop plat. C’était une chambre somptueuse ? Trop cliché. Une chambre délicieusement ? Trop cucul. C’était une grande chambre somptueuse et délicieuse. Elle était somptueusement délicieuse. Elle était délicieusement grande. Pour être franc, je me foutais complètement de la chambre que c’était. Et mes lecteurs aussi, très probablement. Il valait mieux laisser tomber et faire avancer les choses. »
Ø Dans un château immense et sombre, un soir d’orage :
- Tatie, commença Hilary avec lenteur. Nous sommes coincés dans une maison isolée, en plein orage, avec un meurtrier maniaque. Tous les téléphones sont coupés, nous n’avons aucun moyen de nous échapper, deux d’entre nous ont été tués et une autre est introuvable. Que pourrait-il y avoir de pire ?
A ce moment précis, l’électricité sauta et la maison fut plongée dans les ténèbres. »