Marie et Kate vivent au Japon depuis quelques années, la première est Française, Kate est d’origine anglaise. Amies et colocataires, elles sont toutes les deux hôtesses dans des bars de luxe à Kabukicho, ce quartier chaud de Tokyo. Elles offrent leur charme, leur conversation aux hommes qui les paient mais pas nécessairement pour des rapports sexuels. Kate disparaît et son père, resté à Londres, reçoit une photo d’elle couchée dans l’herbe avec cet étrange message : « Elle dort ici. » Le capitaine Yamada mène l’enquête mais le corps de Kate est rapidement retrouvé : elle a été enterrée vivante. Son meilleur ami avec qui elle entretenait des relations complexes, Yudai, est soupçonné. Marie, elle, tente de faire publier son roman. Mais les meurtres s’enchaînent dans l’entourage de Kate.
J’avais emprunté ce polar sur les conseils d’Alex qui semblait plutôt conquise par cette autrice. Je ne m’attendais honnêtement pas à aimer autant. Non seulement l’intrigue est palpitante et rend la lecture addictive mais le contexte constitue le point fort de ce roman. Dans ce quartier sulfureux de Tokyo, on trouve de tout mais j’ignorais que certaines hôtesses n’étaient pas des prostituées mais qu’elles étaient payées pour séduire le client, acquiescer, sourire, être la plus belle, valoriser et amadouer l’autre dans ce « règne des apparences, échanges de politesses à n’en plus finir. » Rien n’est simple et univoque dans cet univers souvent gouverné par la mafia tokyoïte, les yakuzas. Cette « ambiance cinglée mais vibrante de Kabukicho » m’a beaucoup plu et intriguée. L'écriture dynamique et efficace sied bien au peps et à la noirceur du roman.
Il est question, dans le livre, de détruire ce quartier en prévision des J.O. mais je n’ai pas trouvé l’information confirmant ou infirmant ce projet. J’aurais pu faire un coup de cœur de cette lecture mais il y avait un ou de meurtres en trop selon moi dans les dernières pages. En tous cas, on sent que la romancière sait de quoi elle parle et elle nous offre une vision insolite d’une partie de Tokyo. Je reviendrai la lire.
Qu'est-ce que la condition de la femme au Japon ? « Toujours sourire, toujours se rabaisser. »
« Ce pays était une gigantesque usine à règles. »
Kabukicho, la nuit : « La passivité poussiéreuse et rouillée du jour était repliée, roulée comme un vieux décor, la foule reprenait petit à petit possession du dédale des ruelles transfigurées. Rabatteurs, portiers, putes, gigolos, salarymen, hôtes et hôtesses, mamas-san et boss yakuzas, serveurs de restaurant, gardiens et videurs, salariés des magasins ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre et des love hotels, ils se rejoignaient, mus par un accord tacite, programmés pour se coaguler dans un plasma lumineux et mutant. Toujours le même, toujours différent, toujours avide et consciencieux. Abondance de rires, de désirs et de détermination, ces mille voix entremêlées, celles du peuple de la nuit. »