Alors que j’avais aimé Est-ce ainsi que les femmes meurent, Avec vue sur la mer ou encore Jésus le dieu qui riait, j’ai été moins conquise par ce roman.
New-York. John l’Enfer, un Cheyenne grimpe sur les parois des gratte-ciel. Pourquoi ? Parce que c’est son métier, laveur de carreaux. Un métier à hauts risques car les accidents sont fréquents et fatals. C’est en bas que John rencontre une belle aveugle, Dorothy Kayne. Avec un Polonais, Ashton Mysha, ancien marin, il va s’occuper d’elle. Le ménage à trois est particulier, John est amoureux de Dorothy mais c’est avec Ashton que la jeune femme couche… à contrecœur.
Le personnage principal de ce roman est la ville elle-même, une ville qui souffre, une ville dont les bâtiments s’ébrèchent, une ville où tout se détraque. Une de preuves les plus impressionnantes, ce sont les chiens. Dans une première phase, ils ont quitté en masse leurs maîtres pour se réfugier dans les montagnes voisines de la ville et dans une deuxième phase, ils sont revenus pour envahir New-York, de manière parfois agressive, adoptant un comportement illogique et pourtant intelligent.
Des personnages atypiques, une ambiance de fin du monde et des réflexions prophétiques pour un livre écrit en 1977 et qui a reçu le prix Goncourt la même année. Et justement… c’est un Goncourt, avec tout ce qu’un Goncourt peut avoir de soporifique et d’opaque. Il m’est arrivé de relire plusieurs fois la même phrase sans la comprendre pour autant ! Je me suis plutôt ennuyée malgré l’animation, les couleurs, les bruits, les odeurs newyorkaises que Decoin sait si bien retranscrire. J’ai regretté de ne pas aimer ce livre, j’y ai pourtant mis tout mon cœurJ, je ne nierai en aucun cas la qualité d’écriture de Decoin ni certains passages, très beaux. John a une petite maison qu’il va devoir rapidement hypothéquer (pour payer la caution qui lui permettra de sortir de prison) mais dans un premier temps, il accueille Dorothy et, pour qu’elle soit à l’aise, il parfume les murs de sa maison, comme l’explique l’extrait ci-dessous (que j’aime vraiment beaucoup !)
« Cette nuit, John l’Enfer ne dormira pas : il travaillera sa maison comme une pâte à pain.
Et d’abord, puisque cette fille n’y voit pas, offrons-lui des odeurs. Que la maison tout en bois sente le navire à trois, quatre ou cinq mâts : que miss Kayne ne quitte pas le parfum rugueux d’un béton d’hôpital pour retrouver, plus loin, le relent d’un autre béton. Ici, il faut que ça pue franchement la cale, le grand large. A cet effet, John a acheté douze bouteilles de rhum, de ce rhum gras et bon marché dont les Portoricains arrosent les crêpes et flambent les bananes ; il les débouche, en répand le contenu sur les murs de sa maison : le bois retiendra les principes alcooliques, mais restituera les effluves essentiels ; il faut ensuite introduire, dans les interstices des parois, des gousses de vanille fendues par le milieu. »
« Le douzième laveur de carreaux qui s’écrase en moins de six mois. Tous des Indiens. Je le croyais pourtant différents de nous autres, insensibles au vertige ? Oui, ça se passe dans leur oreille interne. Maintenant, si ça se trouve, ils s’adaptent. Et ils en meurent. »
« Un pigeon, un soir, se posera sur la poitrine du Cheyenne. Un pigeon ou un cormoran. Et l'homme laissera faire. Ce serait beau qu'un oiseau vienne comme ça pondre sur moi, pendant que je lui ressemble. »