J’ai retardé la lecture de ce roman à la mode. Un pressentiment, peut-être.
Deux voix se côtoient : celle du petit garçon, le fils de Louise et Georges, un couple d’extravagants, et celle du père, Georges. Louise est atteinte de « folie douce » ; lorsqu’elle rencontre Georges, elle rencontre aussi celui qui va non seulement comprendre ses excentricités mais entrer dans son univers marginal. Le narrateur enfant voit ses parents danser et faire la fête à longueur de temps dans un grand appartement où il y a du monde tout le temps. La télé est une punition et le fils unique est souvent sommé de raconter à sa mère sa journée imaginaire, non pas celle de l’école (qu’il manque d’ailleurs régulièrement) bien trop soporifique, mais une journée très amusante et loufoque qu’il aurait pu vivre… Tout se passe à merveille dans une enfance bercée par le tube de Nina Simone « Mr Bojangles ». Georges attribue à Louise un prénom différent chaque jour, la dame boit des cocktails du matin au soir, les envols et les cris d’un oiseau de Numidie ponctuent cette vie non-conformiste. Mais un jour, Louise met le feu à leur appartement. Les impôts n’étaient pas payés depuis des années, le courrier s’accumulait jusqu’à former un immense tas et Louise ne supportait plus cet amas de papiers. C’est à ce moment-là que Georges a réellement compris que Louise était à la fois hystérique, schizophrène et bipolaire ; c’est en tous cas le diagnostic qui a été posé à l’hôpital psychiatrique où Louise est internée. Là-bas, elle règne en prêtresse sur les autres patients. Mais elle ne peut y rester, mari et fils organisent un kidnapping digne d’un film américain pour la sortir de là.
Evidemment que j’ai aimé cette lecture qui a l’avantage d’être bipolaire, elle aussi : le lecteur peut s’éclater comme un fou dans la première partie avant de fondre en larmes dans la 2ème. C’est d’ailleurs cette seconde partie que j’ai préférée, plus juste, plus sensible. Le début du livre m’a même légèrement agacée, une vie folle, ça n’est pas difficile à imaginer et ça sent le réchauffé (Boris Vian, J.M. Erre, Malzieu, ou encore Beckett seront d’accord avec moi). Cette mince frontière entre lucidité et folie, entre normalité et maladie est subtilement évoquée et pourtant, je n’ai pas totalement adhéré à cette histoire qui m’a plu, je le répète, sans que j’en ressente aucune extase particulière. J’en attendais trop, ça n’est pas impossible. Je serais néanmoins bien curieuse de lire ce que ce joli Monsieur Bourdeaut pourrait écrire par la suite…
« D’elle, mon père disait qu’elle tutoyait les étoiles, ce qui me semblait étrange car elle vouvoyait tout le monde, y compris moi. »
« Depuis notre pétaradante rencontre, elle faisait toujours mine d’ignorer la réalité d’une façon charmante. Du moins, je faisais mine de croire qu’elle le faisait exprès, car c’était chez elle si naturel. »
« Je ne regrettais rien, je ne pouvais pas regretter cette douce marginalité, ces pieds de nez perpétuels à la réalité, ces bras d’honneur aux conventions, aux horloges, aux saisons, ces langues tirées aux qu’en-dira-t-on. »