Petit roman de Virginia Woolf, mais quelle densité ! Quelle richesse !
Deux parties :
Ø Une première, « La fenêtre » où langueurs et longueurs prolifèrent. Une famille et des amis passent quelques jours au bord de la mer. Mrs Ramsay est l’archétype même de la mère de famille (nombreuse : 8 enfants !) : tendre, maternelle et fortement attachée aux valeurs traditionnelles, à l’importance des apparences, de la bienséance. Mr Ramsay, lui, est plus rustre, avare en compliments, « incapable de ne pas dire la vérité ; il n’altérait jamais un fait, ne modifiait jamais un mot désagréable pour la commodité ou l’agrément d’âme qui vive, ni surtout de ses propres enfants, chair de sa chair et tenus en conséquence à savoir le plus tôt possible que la vie est difficile, que les faits ne souffrent point de compromis ».
Il y a aussi Lily Briscoe « aux yeux de Chinoise » qui se détache par son indépendance, son besoin de liberté, son art qu’est la peinture.
Ø La seconde partie (« Le temps passe » et « Le Phare ») tranche avec l’apparente sérénité du premier volet et s’ouvre sur des annonces de mort et l'intrusion de la guerre. La demeure qui a abrité tant d’êtres vivants et pensants n’est plus qu’une maison fantôme. Les objets n’ont pas bougé mais plus personne n’est là pour s’en servir.
Le livre s’achève sur Lily Briscoe qui repense au passé, à Mrs Ramsay disparue, au vieux Mr Ramsay qui l’impressionne encore. « Quel est le sens de la vie ? Voilà tout – c’est une question bien simple ; une question qui tend à nous hanter à mesure que les années passent. La grande révélation ne vient peut-être jamais. Elle est remplacée par de petits miracles quotidiens, des révélations, des allumettes inopinément frottées dans le noir ».
L’eau, la mer est omniprésente et cette promenade vers le phare réclamée par James, le fils Ramsay, au début du livre constitue le fil directeur.
Le lecteur découvre les personnages à travers ce qui se passe dans leur tête. On assiste à un ballet où les pensées d’un personnage valsent vers un autre personnage qui lui-même s’interroge avant de passer le relais à un protagoniste qui lui aussi va s’imaginer, rêver, se questionner, se rappeler… L’univers de Virginia Woolf est celui de l’introspection. Elle dédaigne les actions et même les descriptions, ne laissant la place qu’au point de vue interne, au discours indirect libre et aux remises en question des personnages. Il ne se passe pas grand chose hormis dans les têtes, dans ces esprits bouillonnants.
J’ai eu bien du mal à résumer ce livre et de la même façon, je suis incapable d’émettre un avis tranché. Certains passages m’ont touchée par leur justesse, par la précision des sentiments évoqués, mais le pessimisme ambiant et la dissection des pensées pratiquée à chaque page m’a rendue parfois nauséeuse. Je me suis déshabituée à lire de telles œuvres, je crois. Et je ne me souviens pas d’avoir été tant perturbée par la lecture de Mrs Dalloway.
Un roman à ne pas mettre entre toutes les mains…
To the lighthouse (titre original) est à la fois le roman le plus autobiographique de Virginia Woolf, celui qui lui a apporté le plus grand succès et qui a été couronné par le prix Femina en 1928, et aussi son préféré. Elle le considérait comme le meilleur de ses livres. Mr et Mrs Ramsay représentent ses parents.
Deux tableaux me sont venus à l'esprit lors de cette lecture.
Virginia Woolf était proche du genre pictural puisque sa sœur était peintre.
JAMES ABBOTT MCNEILL WHISTLER,The Thames from Battersea Reach
CLAUDE MONET, Impression, soleil levant