Anna vit seule avec son fils Léo dans un bungalow de fortune, tout près de la mer. Elle vend des poulets à bord de son camion-rôtissoire… jusqu’au jour où, en cherchant une cigarette, le véhicule percute un sanglier. L’assureur lui cherche des noises et ne veut rien rembourser, elle se retrouve malgré elle dans une manif qui dégénère et vole deux portables dans une boutique de téléphonie. C’est le début de la fin. Pour le couple qui élevait et vendait les poulets à Anna, c’est la faillite et la dépression. Anna se retrouve à faire le ménage dans le camping, son fils revend en cachette le cannabis qu’elle cultive dans son petit potager… jusqu’au jour où Léo inscrit sa mère à un jeu télévisé où on peut gagner une grosse bagnole d’une valeur de 50000 euros rien qu’en touchant la voiture le plus longtemps possible. Léo surfe et se fait maltraiter par un petit con à peine plus âgé, Anna n’arrive plus à joindre les deux bouts, elle décide d’accepter de participer à ce jeu… qui va change la donne dans la relation avec son fils.
J’ai (presque) retrouvé l’Incardona que j’aime, celui de Derrière les panneaux, il y a des hommes, cette manière de voir la vie, cet humour, cette provocation, cette irrévérence. J’ai dit « presque » parce que ce roman est empreint d’un sérieux et d’un engagement social qui occupent une grande place ; une certaine élégance, même, en dépit du sujet trivial. Anna est une femme brave et intelligente, son fils n’a aucun désir de devenir un voyou, les deux se retrouvent dans une situation qui les contraint à voler ou dealer. Un seul accident a un effet boule de neige sur l’entourage proche et moins proche d’Anna. Et puis il y a ce jeu, on ne sait si c’est du lard ou du cochon, si c’est drôle ou affligeant, génial (peut-être pas) ou complètement stupide (plutôt oui). L’écrivain est assez doué pour mettre le lecteur dans l’arène avec Anna, dans ce jeu qui prend vite des allures de tragédie. J’ai beaucoup aimé ce roman original et touchant, de plain-pied dans un monde consumériste et addict à l’argent facile. Beaucoup de pessimisme pour une étincelle d’espoir et un final solaire, parce que nous restons, avant tout, des « corps solides. Ce que nous sommes. Avant tout. Avant toute chose. Quelle qu’elle soit. Quoi qu’il arrive. »
« Et puis, le hasard a fait le reste pour Anna. Il y a donc le ciel, le soleil et la mer. Sandales et i. Surfeurs et touristes. Tongs et bermudas. Célibataires et familles. Jeunes et retraités. Ainsi, tout au bout de l’esplanade, face à l’océan, s’élève l’estrade où est sur le point de se jouer le défi le plus simple qui soit : toucher une voiture et attendre. Peau contre tôle. Règnes animal et minéral réunis. La soumission consentie de l’homme à l’objet. »