« Tu es un enfant de salaud ». En prononçant ces mots, le grand-père de Sorj Chalandon creuse un abyme dans le cœur de son petit-fils. En effet, l’aïeul a vu son fils « habillé en Allemand, place Bellecour » pendant la Seconde Guerre mondiale. Sorj va mettre du temps à accepter l’information avant de vouloir chercher à la confirmer. C’est lorsqu’il couvre le procès de Klaus Barbie en 1987 qu’il va mener l’enquête. Son père qui s’est toujours revendiqué résistant, qui a multiplié les versions de son héroïsme pendant la guerre aurait été un infâme collabo. En réalité, le père a de multiples visages, il a connu cinq armées différentes et cinq désertions. Il continue à nier même lorsque le fils a les papiers officiels sous les yeux. Et il adopte un comportement étrange face à Klaus Barbie et à son procès. Le récit mêle l’avancée du procès à la progression de l’enquête du fils.
Après avoir très déçue par la lecture d’Une joie féroce, j’ai retrouvé le style de Chalandon que j’aime : sa sobriété, sa retenue, son efficacité au service d’un pas de l’Histoire. Ça, c’était pour les cinquante premières pages. La différence ici est qu’il met beaucoup de sa personne dans le livre et je crois que, pour cela et de manière paradoxale, je n’ai pas réussi à entrer dans l’histoire, il m’a semblé qu’il avait écrit ses lignes dans une visée thérapeutique et je m’y suis peu sentie concernée. J’irai même plus loin, je me suis ennuyée lorsqu’il monologuait en ressuscitant le passé de son père sur le style « Le 28 octobre, tu te présentes (…) de là, tu as rejoint une caserne FFI (…) tu as affirmé aux enquêteurs… » Les pages de la fin que j’ai trouvée théâtralisée me sont tombées des bras. Oui, c’est dur de dire ça pour un écrivain qu’on a toujours adoré, ça m’attriste, et je ne me l’explique pas quand je lis d’autres avis complètement élogieux.
« je me suis demandé combien de faussaires vivaient en lui. Combien de tricheurs lui griffaient le ventre. »
« J’ai besoin de savoir qui tu es pour savoir d’où je viens. Je veux que tu me parles, tu m’entends, je l’exige ! Je n’ai plus l’âge de croire mais j’ai l’âge d’entendre et d’accepter. Cette vérité, tu me la dois. »
« Tu as enfilé des uniformes comme des costumes de théâtre, t’inventant chaque fois un nouveau personnage, écrivant caque matin un autre scénario. »