J’ai l’impression que Franck Bouysse a le vent en poupe mais peut-être pas pour ce titre que j’ai trouvé au rayon polars à ma libraire, ça se discute.
Sur le plateau de Millevaches, Virgile tient sa ferme à peu près seul depuis que sa femme Judith a commencé à perdre la boule – il a même tendance à vouloir la tenir cachée dans la chambre. Il s’est lié d’amitié avec Karl, un type bourru qui s’est installé non loin de là et dont il sent qu’il doit se méfier. Georges, c’est le neveu de Virgile qui a été éduqué par le couple depuis la mort de ses parents. Parvenu à l’âge adulte, il préfère vivre seul dans une caravane. Ce précaire équilibre va valdinguer le jour où débarque Cory, une nièce de Judith venue demander refuge pour fuir un compagnon qui la battait. Elle est très séduisante et s’il est difficile pour Georges de cohabiter avec la jeune femme, Karl encombré de son passé violent et libidineux, ne va pas rester indifférent non plus. Rajoutez à cela un mystérieux chasseur qui rôde sournoisement autour de la ferme et vous obtiendrez une tension aussi épaisse que le brouillard automnal de ce coin-là.
J’aurais pu adorer ce roman : l’univers est âpre et hostile comme je les aime, les personnages ont tous un passé tumultueux qui les a chambardés, l’intrigue prend cette dimension pesante et inéluctable propre aux tragédies et… et… c’est l’écriture qui m’a tenue éloignée. Dans un langage soutenu, l’auteur propose une foule d’images, cisèle (à merveille et avec brio, c’est indéniable) ses phrases, utilise un vocabulaire très précis (jamais je n’ai découvert autant de mots inconnus dans un roman : dipneuste et pénéplaine, ça vous parle ?). J’ai pensé au dernier Cécile Coulon, Une bête au paradis qui se situe dans le même genre de cambrousse isolée. Elle choisit la simplicité et l’efficacité, Bouysse est dans les méandres d’une langue savante qui m’a perdue. Le côté addictif tant vanté par le bandeau publicitaire est excessif, c’est dans les trente dernières pages que j’ai réellement eu très envie de connaître la suite. Je continuerai ma découverte de l’auteur parce que du talent, il en a à revendre, mais j’attends davantage d’authenticité.
"Il n'existe pas de beauté sur le Plateau, au sens où il entend ce mot. Pas d'émotion palpable, rien que le froid déroulement du temps. La beauté ,il la trouve d'ordinaire dans les livres, et aujourd'hui, malgré lui, chez cette fille qui dort peut-être encore."
"Le monde disparaît dans le regard équinoxial du vieil homme, devenant une chose naturelle à l'accomplissement qu'est la mort. Quand la question de l'acceptation ne se pose plus. Qu'il n'y a plus qu'à déposer les armes, parmi l'air ennuagé d'aiguilles morfales." (le genre de phrases … qui me rend perplexe!)