Après Zoé Valdès, je poursuis ma découverte des écrivains cubains avec une autrice, encore une fois, qui elle aussi a quitté Cuba pour vivre en Europe.
Lucía et Circé sont amies. Cubaines, elles ont décidé toutes deux de quitter leur île pour vivre à São Paulo. Lucía, après une formation de photographe, va rapidement rencontrer un Italien qui va l’emmener l’épouser à Rome ; Circé, elle, va continuer à découvrir le monde, à la recherche de « sa ville ». Sept ans plus tard, les deux femmes se retrouvent à Rome et Lucía a la surprise de voir débarquer son amie avec un petit garçon de quatre ans, son fils, nommé Ulysse. Circé, plutôt que de se lancer dans de longs discours explicatifs, donne à son amie son carnet de bord, un journal intime qu’elle a commencé à São Paulo. Le roman se partage donc entre le présent, cette cohabitation romaine entre Circé, Ulysse, Lucía et Bruno, le mari de Lucía ; et le passé, les pérégrinations de Circé à São Paulo, Mexico, Madrid et Paris.
Je vais tenter d’expliquer pourquoi j’ai tellement tellement aimé ce roman. D’une part, l’amitié entre les deux femmes m’a fait penser à celle de L’Amie prodigieuse car ici aussi, l’une des deux paraît plus forte, plus désinvolte, plus courageuse que l’autre et Circé pourrait être comparée à la volcanique Lila. Ensuite, la personnalité de cette Circé, amoureuse de la vie, du monde, du mouvement, très ouverte, à l’écoute de son corps… m’a fascinée ! Elle raconte sa grossesse et la rencontre avec son petit homme de manière si positive, si joviale, que c’est un bonheur de la lire. Enfin, dernier point et non des moindres, et le livre porte bien son titre, les voyages et découvertes de villes latines sont absolument passionnants.
Alors certes, ce n’est pas un livre sur Cuba, même si l’autrice nous fait tout de même part de cette légère hostilité des Cubains vis-à-vis de leur île (beaucoup plus marquée dans La douleur du dollar !) mais j’ai découvert une plume, une vision de la vie et du monde, une passion pour le voyage qui me plaît beaucoup beaucoup ! On n’est pas loin du coup de cœur.
« Ecrire comme si l’âme s’était absentée, tentative de fuite sans retour. Comme si c’était la seule chose à faire, expiation de la peine. Ecrire comme si les os tombaient en poussière ; petites particules qui se dissiperaient en changeant d’état. Et le seul moyen de retenir le temps, le seul moyen tolérable de contenir le retour à la poussière, ce serait l’écriture. »
« Emprunter une autre peau. Se métamorphoser. Rester caché, laisser les fantômes apparaître et attendre le chaos. Nous sommes le grand zoo et nos fauves se contorsionnent, se démènent pour se manifester. Je découvre un tigre, une colombe, le serpent venimeux, la fourmi, ils sont tous en moi et je n’ai qu’une seule chose à faire : contrôler la sortie. Je suis le gardien de mon zoo et si je dors, je ne pourrai pas justifier les changements de saisons, mes états d’âme, les revirements de la boussole. »
Jeune mère au bout du rouleau : « le processus de création de l’homme exige l’extinction progressive de la mère »
Circé à son fils de quatre ans : « Le temps, Uly, c’est comme le pipi, si tu ne fais pas les choses quand c’est le moment, alors elles s’échappent. »