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9 août 2019 5 09 /08 /août /2019 14:41

 

Résultat de recherche d'images pour "La douleur du dollar de Zoé Valdés babel"

          Je rentre d’un voyage à Cuba, île aux mille contrastes, surprenante, dépaysante, sauvage, verte, chaude et humide, en pleine évolution et pourtant encore tournée vers son passé tumultueux. J’en ai profité pour découvrir cette célèbre autrice, Zoé Valdés, exilée à Paris depuis 1995.

         Cuca n’a pas connu une enfance facile et quand elle quitte sa ville natale de Santa Clara pour aller vivre chez sa tante à La Havane, sa vie ne s’améliore guère entre petits boulots et minuscule logement étouffant et insalubre. Elle se lie d’amitié avec deux filles bisexuelles qui la sortent quelques soirs de son cloaque. Une rencontre va tout changer : elle s’éprend, un soir, de Ouane, et, après une danse langoureuse et un long baiser, le perdra de vue sans jamais l’oublier. Huit ans après, elle le retrouve pour une période brève mais intense émotionnellement et sexuellement parlant. Mais la Révolution passe par là et le Ouane disparaît avant de lui laisser un billet d’un dollar… et un enfant que Cuca nommera Maria Regla. La vie deviendra encore plus misérable pour la femme mais aussi pour son entourage et pour l’ensemble de la ville. Des années plus tard, le Ouane reviendra réclamer son dollar, et c’est une question de vie ou de mort…

          Photographie des années qui précèdent et suivent la Révolution cubaine de 1959, le roman détonne par son style cru, luxuriant, musclé, effervescent. Ce n’est pas un livre qu’on lit à la légère mais qui veut qu’on l’apprivoise, le savoure doucement. Très riche, polysémique, il dénonce le régime de Fidel Castro et la « lente destruction implacable » du pays et ses tentatives d’enrichissement si maladroites où on mise tantôt sur les fraises, tantôt sur la viande des vaches, tantôt sur le café ou les bananes. En écho à ce que j’ai entendu sur l’île : des pénuries, une abondance de médecins et d’hôpitaux mais une absence de médicaments, de matériel, de moyens. Fidel Castro est surnommé Taille Extra ou XXL par Valdés, elle dénonce sa tyrannie, l’école aux champs obligatoire (45 jours) qu’elle a elle-même connue, l’absence de liberté de la presse (toujours d’actualité).

           Que dire encore ? A part l’omniprésence de la musique, l’autrice semble vouer une passion pour les recettes de cuisine… en tout genre puisque la misère conduit Cuca à goûter de la soupe faite avec de vieilles semelles ! Edith Piaf et son succès fou occupe une belle place ; l’esprit festif et presque aveugle des Cubains est souligné aussi : entre l’enterrement d’un proche et une fiesta, « nous choisirons la fête. » Enfin, malgré les critiques et les reproches, l’amour du pays et la nostalgie de l’autrice pour son pays natal parcourent le livre.

          Si certains passages m’ont secouée par leur obscénité, d’autres m’ont extrêmement plu ; Valdés manie avec talent l’humour, le sarcasme et l’ironie - mais aussi la poésie - dans une atmosphère qui correspond bien à La Havane que j’ai rencontrée : colorée, musicale (chaque chapitre porte en exergue un extrait de chanson), sans pudeur, d’« une moiteur saline, maritime », mais qui révèle aussi cette époque de faux-semblants et de non-dits car pour Fidel, tout roulait parfaitement… En tous cas, cette lecture m’a fait la même impression que la visite de Cuba : pleine de contrastes, entre amour et répulsion, elle fascine et il y en aurait tant à dire encore...

 

« Le pire c’est quand il se met à pleuvoir après un soleil d’enfer ; imaginez un peu, le crâne brûlant comme une poêle. Au soleil cubain de midi, on pose un œuf sur sa tête et il frit tout seul ; bientôt c’est le déluge, alors ça se gâte et vos neurones défaillent. Qui peut réfléchir dans ces conditions, qui peut prendre la moindre décision, avec des neurones défaillants ? moyennant quoi, les critiques littéraires s’offrent la liberté, et le luxe, d’écrire que les personnages d’un roman cubain sont caricaturaux. Et bien, je suis au regret de dire qu’ils ont parfaitement raison car dans cette petite île caricaturale, nous sommes une caricature de nous-mêmes, tous autant que nous sommes. »

A propos des hommes… : « Quand finirons-nous par comprendre que pour la plupart d’entre eux, hélas, le bonheur dépend du pouvoir, très rarement de l’amour ? Même s’ils prétendent qu’une paire de nichons tire plus fort qu’une carriole. »

« Havane-moi, toi, ma ville prison. Havane-moi, toi, ma liberté, avec tes vertus et tes vices : décolorée et triste, mais jouisseuse, tonitruante, mortifiante. »

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commentaires

D
Les passages obscènes risquent de me refroidir un peu mais je le lirai quand même je pense : il me tente bien.<br /> Daphné
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V
c'est une plume de caractère! on ne s'ennuie pas !
T
Je ne savais pas que Zoé Valdes était cubaine! Bon je ne crois pas que j'apprécierai cette lecture, ou alors il me faut aller à Cuba ;)
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V
c'es trash par endroits… et souvent comme ça pour la littérature cubaine si j'ai bien compris! Oui, allez à Cuba… mais pas en été ^^ !
A
Toujours pas lu cette auteure. Merci de me la remettre en mémoire.
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V
je t'en prie:)
A
Je crois que je n'ai encore jamais rien lu de Valdès mais elle est sur ma LAL depuis des lustres (d'où mon doute :) ). Il y a eu une période où je m'intéressais pas mal aux auteurs cubains.
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V
Je lis Suarez en ce moment et Padura est à mon programme aussi…
D
Ah Cuba mon premier grand voyage ! Mon voyage de Noces il y a 16 ans déjà. Une île captivante et ensorcelante et pleine de contrastes.<br /> J'aimerais y retourner ♥<br /> Bisous
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V
oh un beau souvenir alors?! Oui que de contrastes et de surprises dans ce pays où il y a un potentiel énorme souvent mal exploité…