J’avais lu cette autobiographie il y a presque vingt ans, je n’en ai pas gardé un grand souvenir, je comprends pourquoi.
Sartre nous raconte les 10-12 premières années de sa vie. En deux chapitres : « Lire » évoque ses premiers émois de lectures et « Écrire » son approche de l’écriture. Je connaissais pas mal d’extraits de ce livre et je dois dire que ce sont les extraits que je connaissais que j’ai trouvé les meilleurs ! Sartre a tout de même une personnalité très particulière. Orphelin de père, affublé d’une mère qu’il considère comme une grande sœur, « soumise à tous », c’est surtout son grand-père qui va avoir une influence sur le petit garçon. Je dis « petit garçon » mais Sartre n’a rien d’un enfant. Avant de savoir lire, il fait semblant, quand il commence à écrire, ses ambitions sont déjà très hautes. Et l’enfant a d’ailleurs une très haute opinion de lui-même, petit déjà, il réclame la gloire et les honneurs et ne peut comprendre qu’on sourit lorsqu’il lit ses textes.
Je me suis profondément ennuyée en lisant ce livre -pourtant- court. Le style m’a paru ronflant, arrogant, égocentrique mais le contenu m’a aussi agacée. Lorsqu’il ne résume pas un de ses romans en devenir, il porte sur les autres un regard hautain, il se prédit un avenir de héros ou de génie méconnu, tout en se livrant à des plagiats sans rougir aucunement. Après avoir lu les excellents Mémoires d’une jeune fille rangée de Beauvoir, ma déception est grande. Bien sûr que l’écriture est belle mais j’avoue n’avoir eu aucune indulgence face à cet être complètement détaché de la réalité et de la vraie vie. La fameuse citation « J’avais trouvé ma religion : rien ne me parut plus important qu’un livre. La bibliothèque, j’y voyais un temple. » prend une saveur toute différente.
« Il n'y a pas de bon père, c'est la règle; qu'on n'en tienne pas grief aux hommes mais au lien de paternité qui est pourri. Faire des enfants, rien de mieux; en avoir, quelle iniquité! Eût-il vécu, mon père se fût couché sur moi de tout son long et m'eût écrasé. Par chance, il est mort en bas âge; au milieu des Énées qui portent sur le dos leurs Anchises, je passe d'une rive à l'autre, seul et détestant ces géniteurs invisibles à cheval sur leurs fils pour toute la vie; j'ai laissé derrière moi un jeune mort qui n'eut pas le temps d'être mon père et qui pourrait être, aujourd'hui, mon fils. Fut-ce un mal ou un bien? Je ne sais; mais je souscris volontiers au verdict d'un éminent psychanalyste: je n'ai pas de Sur-moi. »
Etre orphelin de père… : « Moi j’étais ravi : la triste condition imposait le respect, fondait mon importance ; je comptais mon deuil au nombre de mes vertus. »
« si je veux étonner, c’est par mes vertus. »
« Le génie n'est qu'un prêt : il faut le mériter par de grandes souffrances, par des épreuves modestement, fermement traversées. »
« On écrit pour ses voisins ou pour Dieu. Je pris le parti d'écrire pour Dieu en vue de sauver mes voisins. »
Caricature de Sartre écrivant son Flaubert Dessin de J. Redon publié dans le Figaro littéraire le 7 mai 1971. Archives Gallimard. D.R.