Je passe aux aveux, c’est parce que j’ai éprouvé un grand ras-le-bol face aux niaiseries et aux platitudes de mes dernières lectures (contemporaines) que j’ai sorti cette œuvre de ma PAL. Comme j’ai eu raison !
Née en 1908 à Paris, Simone de Beauvoir se distingue très tôt par une grande soif d’apprendre. Heureuse, elle l’est, entre des parents qu’elle admire et une sœur qu’elle adore. Son père lit Ruy Blas et Hernani et lui donne l’impression d’avoir toujours le dernier mot en société ; sa mère transmet sa piété à sa fille. Sa méconnaissance de ce qu’est le Mal rend l’enfance de Simone idéale et béate. A l’adolescence, de manière assez prévisible, elle se révolte, cesse de croire en Dieu, se lie d’amitié avec Zaza plus libre et plus indolente qu’elle. Mais nous sommes au début du XIXème siècle, il n’est pas aisé d’affirmer sa liberté quand on est une jeune fille, Simone respecte ses parents, leur obéit, leur cache ses pensées les plus profondes.
Elle ne sait où se placer dans son rapport à l’amour, elle ne se voit pas mariée, elle pense aimer Jacques, ce cousin qui l’apprécie, mais quand il est absent, il ne lui manque pas. Son désir de s’enrichir intellectuellement, immuable, sera plus fort que tout et ne la quittera plus. L’autobiographie s’achève sur sa réussite à l’agrégation de philosophie et sur sa rencontre avec Jean-Paul Sartre. Du trio d’amis Sartre-Nizan-Herbaud, c’est Herbaud qu’elle fréquente d’abord. Malgré quelques sorties et beuveries d’un soir, Simone continue à être un rat de bibliothèque et force l’admiration de ses congénères – tous masculins. Sartre, bénéficiant déjà d’une solide réputation d’intellectuel et de grand lecteur, prendra la « jeune fille rangée » sous son aile. Et c’est parce que Simone rencontre, pour la première fois de sa vie, quelqu’un qui travaille plus qu’elle, qu’elle peut l’admirer sans faille même s’il n’est que de deux ans son aîné, que les deux ne vont plus se quitter.
Je me suis prise de passion pour cette autobiographie, pour le pointillisme et la méticulosité des portraits, pour la formidable description de ce début du XIXème siècle. C’est à la fois un aperçu de l’évolution somme toute classique de l’enfance à l’adolescence et le jaillissement d’une personnalité hors du commun. Simone de Beauvoir a écrit son autobiographie en six tomes, j’ai donc de quoi faire si je veux tout lire !
« Ainsi, l’image que je retrouve de moi aux environs de l’âge de raison est celle d’une petite fille rangée, heureuse et passablement arrogante. »
Un aveu du père : « Quel dommage que Simone ne soit pas un garçon ! »
A 20 ans, à propos de Dieu : « j’étais très contente qu’il n’existât pas. J’aurais détesté que la partie qui était en train de se jouer ici-bas eût déjà son dénouement dans l’éternité. »
Le mariage est l’ « exhibition publique d’une affaire privée. »
« Je me flattais d’unir en moi un cœur de femme, un cerveau d’homme. »
« "A partir de maintenant, je vous prends en main ", me dit Sartre quand il m’eut annoncé mon admissibilité. »
« Sartre répondait exactement au vœu de mes quinze ans : il était le double en qui je retrouvais, portées à l’incandescence, toutes mes manies. Avec lui, je pourrai toujours tout partager. Quand je le quittai début août, je savais que plus jamais il ne sortirait de ma vie. »