Béatrice est triste, effondrée même, à l’image du climat québécois: il pleut sans cesse et elle ne fait que pleurer l’absence de son homme, Matteo, parti une nuit pour ne plus jamais revenir. Bien sûr, elle soupçonne une infidélité et déteste silencieusement l’assistante de Matteo qu’elle n’a jamais rencontrée, Daphnée. Elle se plante sur toute la ligne, Daphnée est une fille solitaire, trop ronde à son goût, poète à ses heures perdues et en voyage en Russie pendant la disparition de Matteo. Béatrice doit se débrouiller avec sa belle-mère italienne malade et ronchonne et une petite fille rêveuse en manque de père.
Il s’agit essentiellement de parcours féminins dans ce roman tout doux, les femmes se croisent, s’accompagnent, entrent en conflit mais jamais très longtemps. La figure d’Aisha, jeune Somalienne lapidée, entrevue aux infos par Béatrice, est omniprésente, comme pour rappeler à ces Occidentales, de ne pas se tromper de guerre. La lecture a été très agréable, légère et profonde à la fois, effleurant doucettement quelques thèmes essentiels avec une grande sensibilité : la quête identitaire, la solitude, l’amour, l’initiation à la vie… Un happy end qui ne bascule pas dans le sentimentalisme clôt ce roman québécois qui donne envie d’en lire d’autres.
Une réponse à la question « Pourquoi lit-on » ? ;) « Daphnée découvrait que quelques paragraphes suffisaient à l’extraire de son corps, une expérience qui, contrairement à celle du cannabis et du rhum qu’il lui était arrivé de consommer le vendredi soir, ne la laissait pas pantelante et fatiguée le lendemain. Elle réalisait avec étonnement que, lorsqu’elle se laissait choir sur le seul fauteuil un peu confortable du sous-sol de la bibliothèque, il lui arrivait même d’oublier d’avoir faim. »
« Aisha m’invitait à m’abriter sous les parapluies grands ouverts que me tendaient les autres. »
Merci à Krol pour cette jolie découverte !