C’est toujours à reculons que j’entre dans un livre pour la jeunesse. Je ne suis jamais réellement déçue, je saisis simplement que c’est quelque chose qui ne m’est pas destiné. Je lis parce que je dois lire et je m’en lasse souvent très vite.
Ce roman fait complètement exception. Ce roman est une pure merveille. Ce roman est le meilleur livre de littérature de jeunesse que j’ai lu jusqu’à présent. Un petit chef d’œuvre poignant et subtil.
Seconde guerre mondiale. Steffi et Nelli, victimes des persécutions nazies, sont deux sœurs juives qui quittent Vienne, leurs parents, leurs amis, leur vie aisée et cultivée pour se réfugier en Suède, sur une petite île où elles sont accueillies par deux familles. Déception d’abord car elles pensaient rester ensemble. Nelli, la plus jeune, va vivre chez Tante Alma où elle sent vite à l’aise : Tante Alma est douce et aimable et elle a deux enfants avec lesquels Nelli peut jouer. Pour Steffi, c’est moins évident car Tante Marta qui l’héberge est une dame âgée, sévère, rocailleuse, bigote. Son mari, Evert, marin, ne rentre que rarement dans cette maison austère. Si Nelli s’habitue vite à la vie suédoise, se fait des amies et se fond dans la masse des écoliers, Steffi souffre de l’absence de ses parents qui donnent de moins en moins de nouvelles, se sent seule et rejetée de ses camarades de classe. Les thèmes peuvent paraître banals mais ils sont traités avec tant de mansuétude et de finesse qu’on suit le parcours de cette petite jeune fille courageuse avec admiration et empathie.
Certains passages sont plus émouvants que d’autres : Nelli, huit ans, s’éloigne petit à petit sentimentalement de ses vrais parents. Elle oublie. Ce qui arrache le cœur de sa grande sœur pour qui retrouver leurs parents, aux Etats-Unis, comme ils l’avaient promis, est son unique objectif. La cohabitation avec Tante Marta se fait également en douceur : sans changer du tout au tout, la vieille dame fera comprendre à Steffi qu’elle l’apprécie. La fin du roman est bouleversante : Steffi à qui on avait exclu l’accès au lycée pour cause de manque d’argent de Tante Marta, y aura droit. Elle prend confiance en elle et s’épanouit comme une fleur qui s’ouvre.
Je n’ai pas eu l’impression de lire un roman pour ado, pourtant le style est simple et accessible. Les sentiments sont effleurés, jamais larmoyants, la description de l’île laisse rêveur, les bribes historiques ne sont jamais manichéennes. La subtilité de la vie de la jeune fille, de ses peines et de petites joies se mêle en toute harmonie avec la rudesse du paysage et de la mentalité de l’île. Je n’ai pu m’empêcher de penser aux Déferlantes de Gallay.
Une île trop loin constitue le premier volet d’une tétralogie que je vais essayer de me procurer sans tarder. Peu étonnant que ce roman ait récolté tant de prix…