Découverte en livre audio, cette longue lettre ne peut pas laisser indifférent. Soit on s’identifie complètement à l’héroïne, soit elle agace profondément.
Le narrateur, un romancier, reçoit, le jour de ses 41 ans, une lettre d’une inconnue. « Inconnue », elle ne l’est pas tout à fait. Elle a été sa voisine lorsqu’elle n’était qu’une petite fille, il a été son premier amant sans qu’il le sache et sans qu’il ne la reconnaisse comme étant son ancienne voisine et amants ils se sont retrouvés, bien plus tard, et cette fois-ci encore, l’homme n’a pas fait le lien avec les deux premières rencontres.
Il a suffit d’une fois, d’une seule fois pour que la petite fille tombât éperdument amoureuse de son voisin, alors jeune homme. Celui-ci s’installa juste à côté de l’appartement familial, ce qui permit à l’amoureuse de l’espionner, de le guetter, de l’attendre, d’observer ses mouvements, ses tenues, ses visites. Hélas pour elle, sa mère épousa un homme qui les contraignit toutes deux à quitter cette ville et surtout cet appartement. La fillette grandit et devint une magnifique jeune femme qui attirait le regard de la plupart des hommes… dont le romancier qu’elle aimait toujours passionnément en secret. Leurs regards se croisèrent un jour et ce qui devait arriver arriva. Jamais il ne sut qui elle était, jamais elle n’avoua son amour. Elle ne vécut que par et pour lui, d’un amour absolu, fanatique, obsessionnel.
Le début de la lettre m’a charmée, je me suis retrouvée dans cette enfant épiant un bel homme, cherchant à tout connaître de lui, ne vivant chaque seconde que pour lui et en pensant à lui. Ça se corse parce que ça continue, la pauvre fille é été comme ensorcelée. Une fois femme, elle connaît bien des autres hommes mais son cœur ne vibre que pour le même. Un amour à l’état brut, absolu et total.
Le texte est beau et brille à la fois par sa simplicité et par sa puissance. On pourrait lui reprocher sa brièveté mais il est toujours difficile de reprocher quoi que ce soit au grand Stefan Zweig ! Je pense que je lirai ce texte un jour même si l’interprétation de la lectrice Léa Drucker est très réussie.
« C’est depuis cette seconde que je t’ai aimé. Je sais que les femmes t’ont souvent dit ce mot, à toi leur enfant gâté. Mais crois-moi, personne ne t’a aimé aussi fort – comme une esclave, comme un chien –, avec autant de dévouement que cet être que j’étais alors et que pour toi je suis restée. Rien sur la terre ne ressemble à l’amour inaperçu d’une enfant retirée dans l’ombre ; cet amour est si désintéressé, si humble, si soumis, si attentif et si passionné que jamais il ne pourra être égalé par l’amour, fait de désir, et, malgré tout, exigeant, d’une femme épanouie. »