J’avais hâte de découvrir enfin de roman de ce cher Monsieur Fante !
Le narrateur, Henry Molise, est un écrivain (tiens donc) qui vit en Californie avec sa femme Harriet, ses trois fils et sa fille. L’intrigue prend forme avec l’apparition surprise d’un gros chien : un akita dort paisiblement à côté de la vaste demeure, sous la pluie. Alors qu’il ne semble pas vouloir décamper, sa « carotte » turgescente se dresse vers le petit ami de Tina, la fille d’Henry. Ce chien homosexuel obsédé, balourd, va être le centre de l’attention des membres de la famille, déclenchant hostilités ou amour profond. Henry va finalement décider de le garder, l’appelant Stupide, parce qu’il symbolise tout ce qu’il n’a jamais été : force, virilité et impertinence. Le plan initial d’Henry et Harriet est de doucement se débarrasser de leurs enfants sacrément encombrants. L’un après l’autre, ils prennent en effet la poudre d’escampette mais les parents, une fois seuls, seront-ils plus heureux pour autant ?
Je me suis beaucoup amusée en lisant ce court roman ! John gratte le thème de l’amour parents-enfants pour en extraire un récit où la progéniture n’est pas composée d’êtres magnifiques devant lesquels on bave d’admiration. Le parent lui-même est plutôt égoïste, lâche et mesquin. Cette liberté de ton jouissive se retrouve dans les réflexions sur le couple : Harriet se complaît dans un chantage malsain quand Henry prend ses propres décisions. Cette lecture est un remède efficace pour lutter contre la morosité ambiante !
Du même auteur, j'avais adoré Demande à la poussière, un peu moins Pleins de vie.
« Stupide était la victoire, les livres que je n’avais pas écrits, les endroits que je n’avais pas vus, la Maserati que je n’avais jamais eue, les femmes qui me faisaient envie. (…) Stupide incarnait le triomphe sur d’anciens fabricants de pantalons qui avaient mis en pièces mes scénarios jusqu’au jour où le sang avait coulé. Il incarnait mon rêve d’une progéniture d’esprits subtils dans des universités célèbres, d’érudits doués pour apprécier toutes les joies de l’existence. »
Les quatre enfants ont été conviés à manger mais ils ont disparu sur la plage : « Nous avons allumé les bougies pour le repas funèbre, le cercueil des lasagnes posé entre nous. Manifestant une parfaite sobriété d’émotion, nous n’avons pas pleuré le deuil qui nous accablait. Nous avions besoin l’un de l’autre en cette heure d’épreuve, et sommes restés courageusement cois. Harriet avait quelque chose d’héroïque, une sorte d’élégance tragique quand, à longues goulées, elle a bu le vin frais et n’a pas eu honte de sourire. »
Encore un enfant qui s’en va : « Il m’a vraiment dit ça. Merci pour tout. Merci pour l’avoir engendré sans lui en demander la permission. Merci pour l’avoir fait entrer de force dans un monde de guerre, de haine et de fanatisme. Merci pour l’avoir accompagné à la porte d’écoles qui enseignaient la tricherie, le mensonge, les préjugés et les cruautés en tous genres. Merci pour l’avoir assommé d’un Dieu auquel il n’avait jamais cru, de la seule et unique Église – que toute les autres soient damnées. Merci de lui avoir inculqué la passion des voitures qui provoquerait peut-être un jour sa mort. »
J’ai regardé le film d’Yvan Attal qui a placé en France les personnages (Charlotte Gainsbourg joue Harriet et leur fils un des quatre enfants), l’intrigue et les lieux. Bon, ce n’est pas le plus grave. S’il a essayé d’être fidèle au roman, j’ai trouvé le film moins caustique, moins captivant et même presque ennuyeux. Il y a du banal là où on aurait voulu du peps. Le chien est très bon, quant à lui…