J’avais tellement aimé Marina Bellezza de la même autrice que j’ai pas oublié son nom, me jurant de lire un autre de ses livres. C’est chose faite.
Anna la brune et Francesca la blonde sont amies depuis toujours. A 13 ans, leurs corps de rêve attirent les regards dans le quartier pauvre de Piombino, en Toscane, une petite ville plantée en face de l’île d’Elbe. Les adolescentes savent qu’elles plaisent et en jouent, se trémoussant sur la plage ou dans la salle de bain d’Anna, fenêtre grande ouverte. Cette amitié forte et sensuelle sera mise à mal par l’irruption d’une vie amoureuse pour Anna. La situation familiale des deux jeunes filles accentue le gouffre qui est en train de se creuser entre elles : le père d’Anna, vivant de petits ou gros trafics, disparaît régulièrement ; le père de Francesca, lui, est d’une jalousie maladive envers sa fille et tient à la garder enfermée, protégée des regards des garçons. Eloignées l’une de l’autre, elles vont vivre, aimer (ou pas), se casser la figure, mûrir… avec le secret espoir de retrouver l’amie chérie. Tout ça dans une ville nerveuse et bruyante qui vit au rythme de l’aciérie dévoreuse qui emploie et use presque tous les hommes de Piombino. Tout ça autour de l’année 2001, de l’attentat de New-York, de l’émergence des portables, de l’engouement pour les boîtes de nuit qui font aussi bordels…
C’est un roman solaire, charnel, italien qui nous embarque, sous un cagnard pas possible, dans une amitié qui ne peut que faire penser à L’Amie prodigieuse de Ferrante. Les filles ont une place à se faire dans une société machiste et industrielle, il s’agit de se servir de cette beauté à bon escient et de tenir bon en pensant à un ailleurs meilleur – une escapade à l’île d’Elbe serait déjà une exaltation. J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman, dépaysant et chaud dans tous les sens du terme. Je reprends la remarque d’un critique littéraire : « Une paire de Lolita qui aurait fugué de chez Nabokov pour faire un tour chez Zola. » car je la trouve très juste. Entre innocence et sex-appeal, les filles sont au centre du roman mais les conditions des ouvriers dans cette usine qui les emploie et les broie aussi, occupe également une place considérable. C’est le premier roman de Silvia Avallone, publié en 2010, je trouve que Marina Bellezza (sorti trois ans plus tard) est un brin plus subtil et plus élaboré encore, mais c’est à tous les coups une autrice à suivre !
L’adaptation cinématographique existe (voir couverture du livre).
« C’était un jeu et pas un jeu. Au-dessus du lavabo, dans le miroir taché de dentifrice, la blonde et la brune se reflètent dans leur version la plus délurée. Immobiles et trépidantes. Lèvres avancées en bouderie, cheveux défaits. La stéréo en équilibre précaire sur le lave-linge, volume au maximum. Un vieux CD d’Alessio, des années 90.[…] Leur corps pulse comme la musique, avec la musique. Elles attendent que la chanson commence pour se déshabiller. La fenêtre est ouverte. »