Roman tout à fait atypique, entre récit et autofiction, d’un auteur que je n’avais jamais lu jusque là.
Claire est en hôpital psychiatrique où elle livre ses souvenirs, ses pensées, ses désirs à son psy, Marc. Claire a joué avec le feu et s’est brûlé les ailes. Pour plus ou moins se venger d’un ex qui l’avait lâchement plaquée, elle entre en contact avec Chris, un de ses copains colocataires, sur Facebook. Mais pas sous sa véritable identité. Elle change de nom, montre un visage qui n’est pas le sien et communique avec Chris de plus en plus régulièrement. Si souvent que les deux ne peuvent plus se passer l’un de l’autre. Chris ignore que Claire a 48 ans, il est tombé fou amoureux d’une photo qui est celle de sa nièce, Katia. Le résultat sera digne d’une tragédie grecque. Mais le récit ne s’arrête pas là. L’ambivalent Dr Marc B. va prendre la défense de Claire dans un long discours qu’il adresse à ses confrères, leur lisant la fiction écrite par Claire de ce qu’aurait pu être l’histoire d’amour vécue in real life par Claire et Chris. A la façon des poupées russes, dans la dernière partie c’est l’écrivain Camille Laurens qui prend la parole et raconte ce qui s’apparente à sa réalité.
J’ai dévoré ce roman en quelques petites heures, je me suis facilement engouffrée dans cet univers fait de manipulations, de fausses confidences, de mensonges et de libertinage. Extrêmement féminin (observez la couverture, tout est féminin, le nom de l’auteur, le titre…), le récit s’apparente à un long discours quasi logorrhéique qui peut déplaire, je m’en rends compte. On se fait avoir, on ne sait plus qui est qui, et c’est délicieux. Des réflexions sur l’écriture côtoient les envolées passionnées et passionnelles des personnages, ce qui ne gâche rien à l’affaire. J’ai beaucoup aimé l’humour, le cynisme voire la cruauté de l’auteur vis-à-vis de ses personnages mais aussi vis-à-vis des hommes en général… Camille Laurens se s’épargne pas elle-même ! Malgré mon engouement (et je vais voir ce qu’elle a pu écrire avant, cette Camille Laurens), l’écriture très orale m’a parfois dérangée, le pronom « on » est omniprésent. Et la tension savoureusement ressentie dans les deux tiers du livre est un peu retombée dans la dernière partie où j’ai été agacée par l’extrême soumission de la femme par rapport à l’homme. L’association n’est peut-être pas des plus heureuses mais je n’ai pu m’empêcher de penser aux romans de Glattauer sur le thème des amours virtuelles. Et puis, comment ne pas évoquer D'après une histoire vraie de De Vigan ! A lire, en tous cas, rien que pour découvrir autre chose et s’amuser avec cette frontière si mince entre fiction et réalité.
« Se faire un roman, c’est se bâtir un asile. »
« l’âge est une notion strictement administrative. »
« on n’apprend pas vite à s’apercevoir de soi, parfois jamais. »
Internet : « Ce n’est pas pour rien que ça s’appelle la Toile. Tantôt on est l’araignée, tantôt e moucheron. Mais on existe l’un pour l’autre, l’un par l’autre, on est reliés par la religion commune. A défaut de communier, ça communique. »
J’ai beaucoup ri : Jean-Pierre Mocky se serait vanté de sa grande forme, à son âge encore, il bande toujours : « Vous imaginez une octogénaire dire ça en direct, dire qu’elle mouille en matant un petit jeune. »