Une fois n’est pas coutume, c’est par hasard que je me suis tournée vers ce très court roman. Il n’y a pas de vrai hasard puisque je connais tout de même une peu l’auteur pour avoir apprécié quelques-unes de ses nouvelles, quelques-uns de ses romans.
Houria a 65 ans, elle vit seule à Paris mais ne peut plus se le permettre. Aussi, décide-t-elle d’aller déménager à Béziers, cette ville qui l’a vue grandir. Elle trouve facilement un appartement bien moins cher que le précédent et deux fois plus grand. Souhaitant vivre une existence tranquille, elle va vite être confrontée à une ville chamboulée. Elle ne reconnaît plus la cité de son enfance qui est désormais détériorée, salie, désertée, envahie par dealers, drogués et racistes.
Nous sommes en mars 2014, à quelques heures des élections municipales, et Robert Ménard brigue le poste de maire de la ville. Le climat est tendu, des bandes de voyous bloquent régulièrement des rues, les petits commerces ferment les uns après les autres, les partis politiques s’affrontent dans une ambiance sournoise et malsaine.
Le roman, de prime abord léger, se révèle être un récit profondément engagé. Didier Daeninckx, c’est bien connu, a les deux pieds sur terre, il n’hésite pas à parler de la réalité, aussi crue soit-elle. Et c’est parfois indispensable. Bien que j’aie du mal avec les textes vraiment courts (celui-ci ne fait que 57 pages), j’ai beaucoup apprécié cette lecture. Il faut que certains grattent un peu pour mettre à jour la crasse que cache le vernis…
« Plus loin, des parpaings obturaient la façade d’une bijouterie. Même ambiance aux alentours de la mairie avec son lot de pizzerias et de boulangeries en déshérence. La vieille poste qui faisait face à l’hôtel de ville avait disparu, remplacée par une place minérale et l’arrêt Gabriel-Péri, un abribus déstructuré en tôles de couleur rouille, criblé, comme à la mitraillette, de trous qui formaient les noms de toutes les stations placées sur la ligne. Plus j’approchais des halles, et plus mon regard accrochait les traces du désastre. Pas un passage qui ne recèle deux ou trois boutiques moribondes, alors que me revenaient les images d’hier quand une foule avide se pressait sur les trottoirs et que le moindre espace donnant sur la chaussée regorgeait de marchandises. »